La Chronique Agora

Les banques face aux fintechs

les banques en concurrence avec les fintechs

L’industrie bancaire est l’une des moins efficace au monde. Elle doit donc se réformer ou succomber aux assauts de la concurrence – et vous en profitez déjà (mais pas assez).

Nous avons vu que l’effritement des rentes du monde bancaire se poursuit. Sans parler des menaces qui planent sur leurs revenus traditionnels, les banques sont de toute façon condamnées à devenir plus attractives, pour conserver leurs clients face à la concurrence des néobanques et des GAFA et pour ne pas voir les meilleurs talents leur échapper au profit d’acteurs plus innovants.

S’il y a bien une pratique tenace dans le secteur financier – en particulier le milieu bancaire –, c’est celle qui consiste à prendre les clients pour des pigeons. En France, le summum a peut-être été atteint avec « Tofix », le prêt à taux variable de Dexia qui… variait en fonction du cours du franc suisse. Si ce nom ne vous dit rien, vous pouvez être sûr que de nombreuses collectivités locales se souviennent de cette splendide innovation marketing.

Les clients ne sont plus que des pigeons

Depuis, les banques ont dû revoir leurs ambitions à la baisse et tout au plus font-elles du conseil en investissement sans pour autant faire remplir de questionnaire MIF à leurs clients. D’ailleurs, si vous êtes en perte sur un placement qui vous a été recommandé par votre conseiller (bancaire ou non), sachez que le médiateur de l’AMF s’est récemment prononcé en faveur d’une plaignante qui n’avait jamais rempli ce questionnaire, après quoi la banque en question l’a indemnisée à concurrence de la moins-value qu’elle avait enregistrée.

L’incurie professionnelle n’étant pas vraiment la stratégie la plus rentable à long terme, les banques se rabattent sur d’autres facilités.

Frais bancaires : la pente est de moins en moins forte !

Les frais bancaires ont une fâcheuse tendance à augmenter tous azimuts. Mais aujourd’hui, je viens vers vous avec une « bonne nouvelle » : à en croire une étude du comparateur de tarifs Panorabanques publiée mi-décembre, les frais bancaires n’augmenteront en moyenne « que de 0,25% » en 2018, pour se monter à 194,30 €, contre 193,80 € en 2017. (On notera toutefois qu’une étude de l’UFC-Que choisir publiée début janvier relève une augmentation plus importante sur 2017, à 2,2% en moyenne, soit 211 € par compte.)

Sur les trois dernières années, la progression est sensible mais elle tend à diminuer… merci la concurrence des néobanques ? Sans aucun doute, puisque la loi Macron sur la mobilité bancaire semble n’avoir eu qu’un effet limité. Mais pour l’UFC-Que Choisir, tout reste à faire : « la guerre des prix n’a pas eu lieu », déplore-t-elle.

On notera au passage que l’on doit les baisses de 2014 et 2015 non pas aux forces du marché mais à la réglementation, du fait du plafonnement de certaines commissions d’intervention. Bercy a d’ailleurs remis le couvert le 12 décembre 2017, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF – un organisme public) ayant été missionné par Bruno Le Maire pour réfléchir à l’amélioration du modèle de frais d’incidents générés par les clients en difficulté, une manne face à laquelle les banques se lèchent les babines.

Frais cachés : les banques prises la main dans le sac

Début décembre, l’Observatoire des tarifs bancaires de la Banque de France publiait son rapport 2017 sur les tarifs bancaires. Le focus était cette fois-ci porté sur les frais qui ne figurent pas sur les brochures tarifaires.

Le document fait apparaître que les banques étant très observées au niveau des frais relatifs aux opérations courantes, elles ont une fâcheuse tendance à faire apparaître uniquement ces derniers dans leurs brochures tarifaires, les opérations peu courantes y étant bien moins souvent référencées. C’est pourtant ces dernières qui font l’objet des plus fortes augmentations tarifaires annuelles… Le site Billetdebanque relève qu’il s’agit notamment des coûts de recherche de facturettes (+7%), de remplacement de carte bancaire (+5,32%) ou encore de modification du plafond d’utilisation de la carte (+3,25%).

Bref, si vous faites partie de ceux qui se font allumer, vous n’avez pas vraiment d’excuse pour ne pas changer de banque, l’environnement réglementaire et concurrentiel n’ayant jamais été aussi favorable.

Banques traditionnelles : une addiction mortelle aux frais ?

Je voudrais partager avec vous le constat de Jay Sidhu, cofondateur de BankMobile, une banque sans agence et sans frais qui a séduit 1,8 million de clients en trois ans outre-Atlantique, en particulier au sein de la jeunesse américaine.

Fin janvier, il tenait les propos suivants en réponse à Frédéric Oudéa, le N°1 de la Société Générale, dans le cadre du Paris Fintech Forum :

« Les banques sont accros aux commissions, aux frais, c’est comme une drogue ! Or ces frais vont être attaqués par les nouveaux entrants. Si on enlève les commissions, les agences ne seront plus rentables ».

Comme l’explique Delphine Cuny sur La Tribune, BankMobile « se rémunère sur les prêts et surtout les commissions d’interchange payées par les commerçants lors des paiements par carte« , soit un business model complètement différent, avec des coûts beaucoup plus restreints (pas d’agence) et une expérience client beaucoup plus satisfaisante.

Pour Jay Sidhu, la banque est « le secteur le moins efficace du monde ». Sa vocation est donc de se réformer ou de mourir.

Les produits bancaires low-cost, c’est pour bientôt ?

Les banques sont évidemment conscientes du fait que leur structure de coûts joue en leur défaveur face aux fintechs. La tendance est donc à la fermeture d’agences. Ainsi la Société Générale a-t-elle annoncé fin novembre qu’elle allait fermer 300 agences supplémentaires à horizon 2020, ce qui amènera mécaniquement la banque à procéder à de nouvelles suppressions de postes.

Outre le fait de se serrer la ceinture en se concentrant sur les activités les plus rentables, les banques revoient également leurs marges à la baisse sur les crédits immobiliers de manière à appâter le chaland.

C’est l’une des raisons qui expliquent que les taux de crédit restent relativement stables en dépit de la remontée des taux sur la dette d’Etat.

Par ailleurs, pour répondre à la concurrence des offres en ligne, les banques pourraient bien un jour avoir à franchir le Rubicon de la diminution des frais sur un de leurs produits phares.

C’est en tout cas l’avis de Hugues Magron (associé conseil secteur assurances chez Deloitte) que l’on peut lire sur cBanque :

« Tout dépend des conditions de marché. A l’image de ce qui se passe sur le marché du compte courant, avec l’arrivée des néobanques. Quand les grands acteurs doivent réagir, alors ils lancent des offres défensives attractives en matière de tarification, comme Eko au Crédit Agricole. Lorsque les épargnants rechercheront massivement des assurances-vie nouvelle génération et à frais réduits, les banques s’adapteront… »

Voilà pour ce qui est des réponses tarifaires. Prochainement, nous verrons si les banques traditionnelles ont progressé sur la voie de leur transformation numérique.

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