La Chronique Agora

Les banques centrales sentent le gaz

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Les faillites de banques n’ont pas déclenché d’explosion majeure, mais le gaz qui gonfle le système financier depuis quinze ans est toujours bien là…

J’ai entendu beaucoup de mes contacts sur les marchés, et même certains invités à BFM, affirmer qu’il y a « beaucoup de gaz dans la pièce » lors de l’inscription des sommets historiques du 6 mars (le CAC 40 culminant ce jour-là à 7 400 points). Trois jours plus tard seulement, c’était la désintégration de SVB Financial.

Voilà qui pouvait ressembler à une première déflagration dont le souffle aurait pu compromettre la structure de tout le bâtiment.

Et puis il y en eut deux autres… mais, là non plus, pas de flammes ni de fumée, juste quelques vitres brisées !

Nous n’avons assisté en fait qu’à l’explosion de quelques (gros) ballons bancaires remplis d’hélium (un gaz neutre).

Cela a certes fait du bruit (et pas qu’un peu, avec le Credit Suisse), mais aucun embrasement général ne s’est déclenché.

Cependant, il y a toujours autant de gaz inflammable dans la pièce… mélangé à un peu d’hélium : l’ensemble reste hautement explosif.

Attention produit dangereux

Car le gaz dont il est question est complètement disséminé dans le système financier et non stocké dans les sous-sols de quelques banques isolées : il s’agit de la partie par essence la plus volatile de leur bilan, à savoir leurs encours de produits dérivés.

Il s’agit d’un gigantesque « nuage spéculatif » qui fait de chaque banque la contrepartie et l’assureur de ses voisins, ce que soit via des swaps de taux ou de devises, ou bien par des stratégies à effet de levier sur les matières premières, les actions, etc.

La règle qui prévaut dans ce nuage, à l’image des déficits budgétaires américains (où il faut toujours plus d’argent pour « rouler » la dette), c’est de rajouter toujours plus de couverture à la couverture, afin de disséminer et diluer le risque dans l’ensemble du système financier, ce qui requiert une assise de garanties en liquidités toujours plus importante.

Des liquidités devenues gratuites durant deux ans et qui ont permis tous les excès en matière d’octroi de crédit (une grande partie a servi à financer le rachat de leurs propres titres par les entreprises).

En ce qui concerne les crédits immobiliers à taux variables aux Etats-Unis, des masses considérables d’emprunts vont voir leur taux plus que doubler.

Mort du crédit

Il en va de même pour les banques, qui vont devoir se refinancer entre 3 et 5% auprès de la BCE et de la Fed, contre 0% il y a 18 mois. Elles vont être contraintes de revoir à la baisse les quantités de crédit qu’elles peuvent offrir, voir renoncer à certaines catégories de prêts tout simplement.

C’est déjà ce qui se dessine à la BNP ou à la Société Générale, qui ne valident quasiment plus un seul dossier pour une acquisition immobilière. Aux Etats-Unis, les crédits hypothécaires s’effondrent également (de 80% !), faute de demande.

C’est pourquoi les phases de normalisation des bilans des banques centrales deviennent rapidement bloquantes, puis toxiques lorsqu’elles se doublent d’une hausse de taux, pour l’ensemble des acteurs.

Les banques centrales le savent si pertinemment qu’il n’y pas besoin de chercher plus loin pourquoi elles se sont accrochées à la légende de l’inflation transitoire… pour éviter aussi longtemps que possible de procéder à un « resserrement quantitatif » qui se terminera forcément très mal.

C’est-à-dire par une récession, ce que les marchés – contrairement à l’inflation – ne sont pas prêts à supporter : un ralentissement économique met rapidement beaucoup d’emprunteurs en difficulté, notamment les entreprises sans « pricing power » et qui, de surcroît, voient leur chiffre d’affaires chuter.

Il ne faudrait pas attendre longtemps pour que cela tourne au désastre, c’est-à-dire à l’effondrement du château de carte des produits dérivés de crédit, ce que les banques centrales ne sauraient laisser advenir.

C’est pourquoi les marchés se sont raccrochés mordicus au scénario du « pivot » imminent… mais qui ne venait jamais, jusqu’aux fameuses séances de « krach à la hausse » obligataire du 9 au 15 mars.

Je reviendrai dessus lundi prochain…

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