▪ François Villeroy de Galhau a réservé ses premières impressions de nouveau patron de la Banque de France au journal allemand Handelsblatt. Histoire sans doute d’asseoir sa stature européenne à quatre semaines du prochain sommet de politique monétaire de la BCE (le Conseil des gouverneurs) à Francfort, où il devrait siéger. Il est en tout cas d’avis que l’inflation reste trop faible et que la BCE a les moyens d’y remédier.
Dix-huit mois plus tard la déflation refait inexorablement surface |
Il explique que la BCE « dispose encore de marge de manoeuvre ». Cette formulation est intéressante, car il n’évoque pas de nouveaux outils — juste la possibilité de modifier l’intensité : si cela ne marche pas, ce n’est pas à cause de la nature inappropriée de la stratégie, c’est simplement parce qu’elle n’est pas menée avec assez de vigueur.
Le Japon s’est bercé de ce genre d’illusions tout au long de la dernière décennie du XXe siècle. Tous les outils mis en oeuvre ont échoué à sortir l’archipel de la déflation… et lorsqu’un nouveau gouvernement — brandissant l’étendard de l’audace — a dégainé les « Abenomics » à l’automne 2013, le marché a voulu croire que la destruction programmée du yen ferait enfin grimper les prix.
Dix-huit mois plus tard la déflation refait inexorablement surface.
Il en est de même en Europe malgré l’instauration de taux de prise en pension négatifs et des injections de liquidité supérieures de 20% aux calculs des économistes. Tout cela sans aucun résultat probant puisque le taux de rotation de la masse monétaire a ralenti depuis février dernier.
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De même, le rythme de croissance de la consommation, très robuste en début d’année, tend désormais vers zéro. La production industrielle allemande se contracte pour le deuxième mois consécutif ; seul le secteur tertiaire semble encore surnager à mi-parcours de ce quatrième trimestre.
Nous commençons à disposer d’un recul suffisant pour juger de l’efficacité du soutien monétaire enclenché en février dernier. Neuf mois, c’est même déjà très long : pour le premier QE de la Fed, en mars 2009, trois mois avaient suffi pour que les effets positifs se fassent ressentir.
▪ Quelles échéances exactement ?
Mais François Villeroy de Galhau nous ressort déjà la vieille ficelle du « laissons du temps au temps ». La formulation choisie est assez consternante : « la politique monétaire doit être jugée sur le moyen terme et non sur le court terme ».
On croirait entendre un gérant dont un coup spéculatif malheureux se transforme en « très prometteur investissement de moyen terme, et assurément en corne d’abondance à long terme ».
Ou encore un gouvernement promettant l’inversion de la courbe du chômage sur fond d’hémorragie d’emplois et de désertion des entrepreneurs… tandis qu’une guerre des devises totale fait rage au détriment du tissu économique local.
Pour en revenir au « moyen terme » de l’ex-patron de BNP Paribas, tout dépend de ce qu’il entend par là. Peut-être que 20 années de taux zéro au Japon, sans retour de l’inflation, c’est du trop court terme pour juger d’un succès ou d’un échec.
Vingt ans, c’est une génération — qui n’aura connu que des QE à répétition et des taux nuls… mais peut-être que le moyen terme, c’est 36 ans… ou 45.
Peut-être que 20 années de taux zéro au Japon, sans retour de l’inflation, c’est du trop court terme pour juger d’un succès ou d’un échec |
Du point de vue d’un démographe, »à moyen terme », c’est-à-dire d’ici 2050, la population japonaise sera passée de 127,5 millions (estimation 2014) à 90 millions (soit environ -30%). Rien qu’en 2014, les effectifs ont fondu de pratiquement 0,2% et le rythme va aller en s’accélérant, surtout à partir de 2020/2025 (la génération post-Deuxième guerre mondiale aura 75 ans et plus).
20 ans de taux zéro, cela formate psychologiquement une génération. L’argent placé ne rapporte rien ; seules quelques plus-values artificielles inhérentes au rôle d’acheteur en dernier ressort de la Banque du Japon permettent au système de rester en équilibre… au prix d’un endettement si massif de l’Etat qu’aucune extinction de la dette n’est plus envisageable, même en confisquant la totalité de l’épargne des Japonais encore en activité.
Moins l’argent rapporte, plus il faut en mettre de côté. Cette course à l’épargne se transforme un cauchemar stagflationniste inextricable quand l’ensemble des instruments de dette infligent un rendement négatif à ceux qui prêtent de l’argent à l’économie, comme en Suisse (jusqu’à la maturité 2025) ou en Suède.