La Chronique Agora

Qu’attendre d’une banque centrale ?

▪ Beaucoup d’acteurs continuent à tout demander aux banques centrales, sans doute parce que sans elles l’économie ne fonctionnerait plus (en tout cas l’économie d’endettement et de fuite en avant). Parmi eux :

– Les banques — tout du moins celles qui dépendent encore des prêts de la banque centrale (le dénouement contractuel des opérations de LTRO est prévu en décembre 2014 et février 2015 — nous y reviendrons plus précisément dans un prochain article).

– Les investisseurs — on entend de nombreux gérants "exiger" de nouvelles injections de liquidités de la BCE : ils savent que sans cela, les bulles d’actifs financiers exploseraient.

– Les politiques puisque cela permet de retarder la discipline budgétaire et de repousser dans le temps les réformes.

Demander toujours plus d’injections de liquidités aux banques centrales n’est pas sérieux

Mais demander toujours plus d’injections de liquidités aux banques centrales n’est pas sérieux. Et les appels incessants des acteurs financiers, économiques et politiques à un activisme encore plus important des banques centrales deviennent lassants.

Les effets sur l’économie de l’extraordinaire création monétaire depuis cinq ans ne sont pas à proprement parler d’une efficacité redoutable.

▪ Où est passé l’argent ?
Que sont devenus ces 6 000 milliards de dollars que les "grandes" banques centrales ont fait surgir du néant depuis cinq ans ? Comment ces 6 000 milliards ont été utilisés, à quoi ont-ils servi et à qui ont-ils, pour l’essentiel, bénéficié ?

Il ne peut y avoir que trois usages et trois usages seulement de cette liquidité extraordinairement abondante :

– Soit elle sert à financer l’économie réelle (avec une progression rapide du crédit).
– Soit elle sert à acheter des actifs financiers avec auto-entretien des bulles financières et immobilières.
– Soit elle est stockée (et donc inutilisée) sur le compte courant de trésorerie des banques ou sur leur compte de dépôts ou de réserves excédentaires à la banque centrale.

Les études économiques de Natixis montraient récemment que :

– De 2002 à 2007, la monnaie a soutenu l’économie au travers du crédit et des prix des actifs…
– … mais que depuis 2009, elle la soutient seulement au travers des prix des actifs (immobilier, actions, obligations d’Etat et même d’entreprises). Plus précisément aux Etats-Unis, les investisseurs institutionnels et les banques ont investi la monnaie reçue des achats de crédits hypothécaires et de bons du Trésor en actions et assez peu en obligations d’entreprises ; les banques n’ont pas utilisé cette liquidité pour faire plus de crédit ; enfin les ménages ont plutôt utilisé cet argent pour recommencer à investir dans l’immobilier (d’ailleurs ils ont complètement arrêté d’acheter des actions).

Les politiques budgétaire et monétaire expansionnistes ne compensent pas les faiblesses structurelles de la croissance

▪ La création monétaire ne fabrique pas de croissance
Les politiques budgétaire et monétaire expansionnistes ne compensent pas les faiblesses structurelles de la croissance.

Dans des pays comme l’Allemagne, un partage de la valeur ajoutée qui deviendrait un peu plus favorable aux salaires et moins aux bénéfices des entreprises serait peut-être efficace (puisque la politique de taxation des revenus est plus favorable à cette politique qu’en France). Dans notre pays, dans une situation totalement opposée à l’Allemagne quant à la compétitivité et la profitabilité, il est indispensable de monter en gamme pour améliorer les gains de productivité.

En aucun cas, les politiques monétaire et budgétaire ne peuvent résoudre la faiblesse de la consommation en Allemagne et les insuffisances de compétitivité en France.

Pour paraphraser l’ex-ministre Jospin : "les banques centrales ne peuvent pas tout".

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