Tous les cycles de resserrement des taux sauf un ont engendré une récession… sur quel actif le système monétaire mondial pourrait-il reposer en cas de krach ?
Le S&P 500 est entré dans un cycle baissier. Un cycle baissier se définit comme une baisse de 20% par rapport au précédent sommet.
Il pourrait plonger encore plus. En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a eu 14 cycles baissiers. La perte moyenne durant ces cycles fut de 30%, et ils ont duré un an en moyenne (merci à Bespoke Investment Group pour ces données).
Sans précédent depuis des décennies
Alors que la Fed s’apprête à relever ses taux ses taux d’intérêt encore plusieurs fois cette année, après la publication de chiffres faisant état d’une inflation galopante, nous pourrions rapidement assister à une nouvelle forte baisse du marché, d’une ampleur sans précédent depuis plusieurs décennies.
Je ne joue pas les Cassandre et je n’exagère pas. Je me contente d’analyser froidement la situation.
La Fed est très préoccupée par l’inflation et continuera à relever agressivement ses taux d’intérêt pour l’endiguer. Certains analystes anticipent une hausse de 100 points de base à la fin du mois [lors de la prochaine réunion du comité directeur, les 26 et 27 juillet, NDLR]. Quoi qu’il en soit, la Fed continuera à resserrer agressivement sa politique monétaire dans les prochains mois.
Mais ni l’économie ni le marché ne peuvent encaisser le type de resserrement qu’il faudrait pour contrôler réellement l’inflation.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Fed a mené une dizaine de cycles de resserrement au cours desquels elle a rehaussé ses taux d’intérêt. Tous ces cycles de resserrement sauf un ont engendré une récession. C’est presque un sans-faute.
Comment la Fed peut-elle se retrouver sur la paille ?
Et il n’y a aucune raison de croire que la situation sera différente cette fois, surtout compte tenu des excès hallucinants que l’on peut observer dans le système financier. Cela soulève une question : la Réserve fédérale est-elle ruinée ?
Lorsque l’on évoque le sujet de la banqueroute de la Réserve fédérale, la plupart des gens pensent que c’est impossible, qu’il lui suffit simplement d’émettre davantage de monnaie.
C’est une réaction typique, mais qui révèle une méconnaissance de ce qu’est la monnaie et du fonctionnement de la Fed. Oui, la Fed peut faire tourner la planche à billets autant qu’elle le souhaite. Mais la monnaie n’est pas un actif pour la Fed, c’est un passif.
Si vous regardez ce qui est écrit sur un billet de 20 $, vous pourrez lire, en haut, la mention « Federal Reserve Note ». Or, une « note » est une forme de dette ou, en d’autres termes, un passif. Cela devient très clair lorsque l’on regarde le bilan de la Fed (disponible sur le site internet de la Fed).
Les actifs se présentent principalement sous la forme d’instruments financiers : principalement des « Treasury bills » et des « Treasury notes » (les obligations émises par le Trésor américain), ainsi que des créances hypothécaires titrisées. Les passifs regroupent l’argent liquide et les réserves déposés par les banques membres auprès de la Fed. La valeur nette (ou le capital) de la Fed correspond simplement à la valeur nette de ses actifs moins la valeur nette de ses passifs.
Or les actifs détenus par la Fed représentent une infime partie de son bilan total.
En d’autres termes, la Fed s’apparente largement à un fonds spéculatif hautement endetté. Imprimer de la monnaie lui permet d’acheter plus d’instruments financiers, mais cela contribue uniquement à accroître la taille de la dette portée au bilan.
Moins que zéro
Il se pourrait par ailleurs que la situation soit encore pire que cela. Qu’adviendrait-il si les actifs détenus par la Fed valaient moins que les passifs portés à son bilan et que, par conséquent, la Fed avait une valeur nette négative ?
Une valeur nette négative est l’une des définitions de l’insolvabilité, qui est un mot pompeux pour désigner la faillite. Dans l’état actuel des choses, cela ne pourrait pas arriver. La Fed pourrait se contenter d’attendre que ces actifs arrivent à échéance à leur valeur nominale et empocher l’argent auprès de l’émetteur. Dans ce cas, l’argent disparaîtrait au moment même où la Fed le recevrait.
La Fed pourrait donc se désendetter progressivement sans rien faire. Mais qu’en serait-il si le bilan de la Fed était valorisé à la valeur de marché comme un vrai fonds spéculatif ? Ou qu’en serait-il si la Fed vendait des instruments financiers à perte au lieu d’attendre qu’ils arrivent à échéance à leur valeur nominale ?
Le bilan de la Fed n’est pas valorisé selon la méthode de comptabilisation à la valeur de marché mais n’importe quel analyste digne de ce nom peut calculer la valeur de marché du bilan de la Fed en analysant les maturités des actifs qu’elle détient et en utilisant les cours de marché de ces actifs. Si l’on se prête au jeu, on constate que la hausse des taux d’intérêt confère à de nombreux instruments financiers portés au bilan de la Fed une valeur nette inférieure à leur valeur comptable.
Il s’agit d’une règle mathématique élémentaire concernant les obligations : hausse des taux = baisse des cours. Au-delà de ça, la Fed n’a pas envie d’attendre pour se désendetter. Elle veut dégonfler son bilan rapidement. Pour ce faire, elle doit vendre des actifs, en particulier les créances hypothécaires titrisées, moins liquides.
C’est ici que surviennent les véritables pertes opérationnelles car une vente réalisée à un prix inférieur à la valeur nominale de l’instrument concerné engendre une perte qui doit être ponctionnée sur les fonds propres. Donc oui, la Fed serait probablement insolvable si l’on calculait la valeur de son bilan selon la méthode de comptabilisation à la valeur de marché (une méthode qu’elle n’utilise pas).
Un gouverneur de la Fed admet que la Fed est insolvable
Si l’on évaluait le bilan de la Fed selon la méthode de comptabilisation à la valeur de marché – comme on le fait pour les fonds spéculatifs –, ses fonds propres disparaîtraient. Elle est insolvable. J’ai eu une conversation avec un membre du comité de politique monétaire de la Fed qui me l’a avoué en privé. J’étais arrivé à cette conclusion par moi-même, mais cette personne me l’a confirmé.
La conversation s’est déroulée comme suit. J’ai commencé par dire : « Je pense que la Fed est insolvable. »
Cette gouverneuse a d’abord réfuté ma remarque et m’a répondu « non, elle ne l’est pas ». Mais je l’ai poussée un peu plus loin dans ses retranchements et elle a alors admis que « bon, peut-être ».
Je me suis contenté de la regarder droit dans les yeux et elle m’a enfin répondu que « bon, c’est vrai, mais ça n’a aucune importance ».
En d’autres termes, une gouverneuse de la Réserve fédérale m’a avoué, en privé, que la Réserve fédérale est insolvable mais que cela n’avait aucune importance car les banques centrales n’ont pas besoin de fonds propres.
Eh bien si ! Les banques centrales ont besoin de fonds propres.
Peut-être a-t-elle raison et que cela n’a pas d’importance sur le court terme. La plupart des gens ne savent même pas ce qu’est la Réserve fédérale, et n’ont pas la moindre idée des combines comptables internes de la Fed que je viens de décrire. Mais cela pourrait avoir son importance lors de la prochaine crise.
Peut-être que l’or est le fondement du système monétaire après tout
Le problème est que chaque nouvelle crise financière est plus importante que la précédente, car le système financier croît à cause des interventions massives des banques centrales. C’est une question d’échelle.
Comment la Fed peut renflouer les grandes banques alors qu’elle est elle-même insolvable ? Ce n’est pas tant une question d’ordre juridique qu’une question de confiance.
Au cas où, la Fed possède un actif caché qu’elle pourrait utiliser pour compenser toutes les pertes qu’elles pourraient subir. La Fed possède un certificat « or » valorisé à 42,22 $ l’once.
Si cet or était revalorisé sur la base du cours actuel de l’or (1 850 $ l’once), la Fed gagnerait d’un seul coup 500 Mds$ de fonds propres supplémentaires.
La Fed n’aime pas parler d’or, mais au final, il se pourrait que le système monétaire mondial repose sur l’or.
Il se pourrait qu’on l’apprenne à nos dépens tôt ou tard.