La Chronique Agora

Baisse des taux d'intérêt : des banques centrales impuissantes face à la crise

Par Alexandra Voinchet (*)

La Réserve fédérale américaine vient encore de griller une des ses cartouches en abaissant, la semaine dernière, son taux directeur à 1%. La décision n’a surpris personne. Depuis le début de la crise des subprime, ce n’est rien moins que la neuvième baisse du genre.

Octobre rouge
1%, cela paraît peu, pourtant les taux d’intérêt américains étaient à ce niveau il n’y a pas si longtemps, de juin 2003 à juin 2004. Les Etats-Unis sortaient alors doucement de la crise née de l’explosion de la bulle Internet. La confiance est revenue ; les taux ont suivi à la hausse ; les marchés ont repris du poil de la bête ; la satisfaction de s’en être sorti s’est transformée en euphorie ; une nouvelle bulle s’est créée. C’est reparti ! Même le Japon s’y essaie. La banque centrale nipponne a elle aussi baissé ses taux, même si sa marge de manoeuvre est ridicule, pour la première fois en sept ans.

 Cela n’a malheureusement pas servi à grand-chose. Les places financières internationales ont connu un mois d’octobre sanglant : -14% pour le CAC 40 sur un mois, -14% également pour le Dow Jones, -25% pour le nikkei… Sans l’appui de l’Etat, les banques américaines et européennes se sont enfermées dans le mutisme. Les économies sont en récession – impossible cette fois-ci de le nier vu les derniers chiffres publiés. Bref, le topo n’est pas réjouissant.

Une solution qui n’en est pas une
N’en déplaise à Ben Bernanke, le patron de la Fed, "abaisser les taux d’intérêt ne marche pas", écrivent à juste raison nos collègues anglais de MoneyWeek. "En temps normal", rappellent-ils, "une baisse des taux d’intérêt encourage l’emprunt en permettant aux gens d’emprunter plus d’argent. Mais, cela suppose que les gens veuillent emprunter. Aujourd’hui, la bulle de l’immobilier a explosé, la demande de prêts a diminué. Non seulement les gens ne veulent plus emprunter d’argent pour acheter un actif qui se déprécie, mais les actuels propriétaires réalisent que la richesse qu’ils pensaient avoir avec leur maison diminue jour après jour. Cela ne donne pas envie de dépenser !"

"Le rythme de l’activité économique semble avoir ralenti de façon marquée, pour une grande part du fait de la baisse de la consommation des ménages", constate la Fed avec son sens aigu du réalisme. "L’intensification des turbulences sur les marchés financiers devrait amener une nouvelle réduction des dépenses, notamment en réduisant encore la capacité des ménages et des entreprises à obtenir des crédits", prévient l’institution monétaire. Le moteur de la consommation intérieure américaine – qui apporte tout de même les deux tiers de la croissance du pays – n’est pas prêt de repartir tant que les consommateurs auront le moral dans les chaussettes.

Ce qui est vrai pour les particuliers l’est pour ceux dont la finance est le métier. Le portefeuille des fonds, des hedge funds et autres fonds de pension, a fondu comme neige au soleil le mois dernier. Même si les actions semblent aujourd’hui bradées sur les marchés, il n’y a plus d’argent pour participer aux soldes. Le peu qui reste passe en liquidités ou en placements sûrs, comme les obligations d’Etat, tant pis si le rendement est dérisoire : aujourd’hui, il faut sauver les meubles.

Halloween, la fête des morts-vivants
Les entreprises se préparent elles aussi à des jours difficiles : salve de profit warning, arrêt de la production et chômage technique, plans sociaux, tout est bon à prendre pour sauver les marges.

Même le pétrole fait grise mine. Fin juin, on s’épouvantait de voir le baril grimper à 150 $, poussé par une fièvre spéculatrice. Aujourd’hui, dans les pays consommateurs d’or noir comme à l’OPEP, on s’alarme de le voir chuter vers les 60 $.

Même punition pour l’euro. La devise européenne a perdu de sa superbe face au billet vert en quelques semaines. Et l’on ne sait même plus dire si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle.

Il n’y a que le VIX qui monte. Le VIX ou bien nommé "indice de la peur" car il mesure la volatilité sur le marché américain. Or, quand les marchés ont la trouille, la volatilité explose. Ce fameux indice s’est envolé à partir de la mi-septembre, au lendemain de la faillite de Lehman Brothers. Depuis, il grimpe, il grimpe…

Espérons que le mois nouveau fasse table rase de celui qui s’est achevé sur une fête d’Halloween qui n’avait jamais été autant dans l’air du temps. Même l’éditorialiste fétiche du Financial Times n’a pu, vendredi dernier, s’empêcher de filer la métaphore : "les enfants qui se déguisent pour Halloween ne pourraient pas trouver pire accoutrement que celui d’un trader".

(*) Journaliste, Alexandra Voinchet est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans la spécialité Médias. Elle est également titulaire d’un master de Presse économique de l’université Paris-Dauphine. Après deux ans d’expérience en presse financière et boursière, elle a rejoint l’équipe de MoneyWeek. Elle participe régulièrement à la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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