La Chronique Agora

Baisse de taux et minerai de fer

** La Fed a baissé son taux d’un quart de point ; cette décision attendue a tout de même été assez surprenante pour faire grimper le pétrole au-delà des 94 $ le baril et l’or à près de 800 $. Alors que la masse de dollars augmente, le prix des choses libellées en dollars augmente aussi. Il est plus facile d’imprimer des billets que d’extraire de l’or ou du pétrole.

– La crise du crédit avait enlevé 6% au Dow avant que la Fed n’intervienne en baissant le taux d’escompte et le Fed fund rate d’un demi-point chacun. Au lieu de laisser Wall Street subir le contrecoup d’une gestion du risque monumentalement mauvaise et de pratiques de prêt désastreuses, la Fed a cédé. Et on sait ce qui arrive quand on ne résiste pas : une fois établi, le cycle d’intimidation est difficile à arrêter.

– La baisse d’un quart de point de cette semaine ne suffira pas à secourir le marché immobilier US, en bien mauvaise posture. Et ça ne fera indubitablement rien pour aider le dollar, qui atteint de nouveaux planchers par rapport à tout le reste. D’un autre côté, nous savons cela depuis longtemps. Les habitudes budgétaires et monétaires américaines étaient insoutenables. Un déficit courant de près de 8% du PIB est rééquilibré soit par une baisse de la consommation soit par une chute de la devise. Nous verrons un peu des deux.

– Le prix de l’or continue de grimper principalement en dollars US. Viendra un moment où le métal jaune grimpera dans toutes les devises — y compris des devises "matières premières" comme les dollars canadiens et australiens. On saura qu’on aura atteint ce moment lorsque les gens ne parleront plus de se débarrasser du dollar US, mais passeront aux actes.

** Qu’est-ce qui se passe avec les prix du minerai de fer ? Conscients du fait que les prix du marché spot sont quasiment le double du prix contractuel à l’année, les gens de BHP Billiton envisagent de passer à un prix indiciel du minerai de fer. Cela donnerai au marché du minerai de fer un aspect caractérisant quasiment tous les marchés liquides en fonctionnement dans le monde : une cotation continue.

– On ne peut pas avoir une allocation de ressources efficace sans cotation continue. A tout moment, le prix d’une chose reflète toute la connaissance des acheteurs et des vendeurs. Cette connaissance est imparfaite. Mais le prix indique aux producteurs la quantité à produire, parce qu’il leur dit ce que les acheteurs sont prêts à payer.

– Au passage, c’est précisément la raison pour laquelle le "bidouillage" des taux d’intérêt est si désastreux. Cela brouille les signaux de prix, encourageant les producteurs à dépenser de l’argent en se basant sur une demande de consommation insoutenable. Il en découle une mauvaise allocation des ressources… et une surproduction. Si vous en voulez un exemple, regardez les 18 millions de maisons vides aux Etats-Unis.

– Les prix immobiliers — soutenus par des taux d’intérêt bas et des règles d’emprunt facile — ont poussé les constructeurs à produire plus que le taux "naturel" de la demande. Cela fait beaucoup de fils de cuivre et de laine de verre gâchés. Ca fera du bon combustible de chauffage en hiver, quand on ne trouvera plus de fioul…

– Mais revenons au marché du minerai de fer. Pourquoi n’y a-t-il pas de cotation continue ? Probablement parce que jusqu’à récemment, le marché du minerai de fer n’était pas assez liquide pour justifier une cotation continue. On trouve quelques grands producteurs (BHP, RIO, CVRD), et quelques grandes aciéries chinoises, japonaises et coréennes.

– C’est un grand marché en termes de dollars, mais un petit marché en termes de participants. Le prix annuel du minerai de fer est donc le fruit de négociations courtoises entre les deux partis. Mercredi, Chen Xianwen, chef du département du minerai de fer au sein de l’Association chinoise du fer et de l’acier, a prévenu BHP que passer à un nouveau système de cotation ne serait guère poli.

– "Il est indigne qu’une partie viole le code. Il est compréhensible qu’un nouveau venu manque à ce code, mais ils [BHP] sont dans la partie depuis longtemps", a déclaré Chen, selon le Sydney Morning Herald.

– L’accord sur les prix du minerai de fer entre producteurs de minerai et aciéries avait un sens lorsque le marché était plus modeste. La certitude du cours était plus importante pour les deux parties qu’un véritable prix de marché. Et il ne fait aucun doute qu’il est dans l’intérêt des aciéries chinoises de contenir les prix du minerai en les négociant plutôt qu’en les laissant se déterminer en fonction des forces du marché. Mais le boom des ressources naturelles n’a-t-il pas atteint un degré de longévité et de maturité tel que le marché du minerai de fer mérite désormais d’être comme d’autres matières en cotation continue ?

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