On a assisté à une « vague verte » lors des municipales, et Emmanuel Macron a officiellement accusé réception des propositions de la Convention citoyenne pour le climat : creusons un peu…
C’est l’aboutissement de l’une des promesses de l’exécutif en réponse au mouvement des gilets jaunes.
La Convention citoyenne pour le climat, mise en place pour imaginer l’organisation de la France de demain, vient de rendre ses conclusions. Cent-cinquante préconisations imaginées par autant de participants ont été transmises au président de la République. Transcription dans la loi, publication de décrets, référendum, classement sans suite : à l’heure de l’écriture de ces lignes, aucune certitude sur la suite des événements.
Quel que soit leur avenir, il est bon de prendre connaissance dès aujourd’hui de ce nouveau modèle de société qui doit « changer en profondeur la société » et répondre à l’urgence climatique. Il représente les aspirations d’une partie de la population – et fait froid dans le dos.
L’inoxydable mythe de la lutte pour le climat
A la Chronique Agora, nous adorons les grands mythes. Souvent basés sur un socle de faits précis avant d’être extrapolés jusqu’à influencer l’ensemble de nos activités, ils sont le ciment de nos sociétés.
La technicité des questions soulevées importe finalement peu. Ce qui compte, c’est que les citoyens s’en emparent et aient une opinion commune officiellement frappée du sceau du bon sens. Si le sujet peut en prime faire apparaître un ennemi ou un coupable, tous les éléments sont réunis pour que le consensus devienne un mythe social fédérateur.
La lutte pour l’urgence climatique fait partie de ces idées que plus personne n’ose remettre en question. Comme celles contre le terrorisme, contre la pédophilie, pour l’égalité des chances et contre le coronavirus, elle est devenue un combat d’urgence absolue qui justifie toutes les compromissions.
On reconnaît le basculement du débat d’idée vers l’idéologie lorsque la notion de bénéfice/risque disparaît des discours. Pour nous protéger des terroristes/des pédophiles/du SARS-CoV-2, nous avons accepté de renier de nombreuses valeurs fondamentales pour gagner « à tout prix ».
Visiblement, aux yeux de la convention citoyenne, nous protéger du CO2 est un objectif tout aussi catégorique.
Que ferez-vous au nom du climat ?
Les préconisations des 150 membres touchent tous les aspects de notre vie quotidienne.
Au niveau des déplacements, grands émetteurs de CO2 et de particules nocives, la mesure la plus emblématique était, sans surprise, une nouvelle limitation de vitesse sur l’autoroute – les conventionnels préconisaient un passage de 130 km/h à 110 km/h dès l’an prochain [Cette proposition est l’une des trois rejetées par Emmanuel Macron hier, NDLR]. En parallèle, 200 millions d’euros devraient être débloqués pour financer la création de pistes cyclables.
Ces premières propositions qui ne sont que des ajustements aux dispositifs existants ne sont que des amuse-bouches. Là où la convention citoyenne frappe fort, c’est lorsqu’elle décide d’organiser toute la société autour de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre quitte à réduire les libertés de façon drastique.
Outre ces mesurettes évoquées plus haut, ses membres proposent d’interdire dès 2025 la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs (plus de 110 g de CO2/km), interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension de ceux existants, et rendre illégale la publicité pour les véhicules consommant plus de 4 l/100 km et/ou émettant plus de 95 grammes de CO2 au km.
Pour le bâtiment, le compte-rendu propose tout d’abord de contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover leurs logements de manière globale d’ici à 2040, et d’ici à 2030 pour les « passoires thermiques » (logements étiquetés F ou G).
Les ménages modestes ne devraient « rien avoir à payer ». Pour les autres, qui ont eu le malheur d’épargner et de devenir propriétaire-bailleur, une telle mesure sera catastrophique. Nombre de logements n’encaissent pas des loyers suffisamment élevés pour justifier une rénovation complète, et les propriétaires seront alors contraints de sombrer dans l’illégalité ou de perdre leurs locataires (ces derniers seront certainement aussi très contents de perdre le toit qu’ils avaient au-dessus de leur tête).
Vous pensez que décréter d’un coup de baguette magique la consommation des véhicules et empêcher le marché de déterminer ce qu’est un logement acceptable est déjà perdre pied avec la réalité ?
Vous n’êtes pas au bout de vos surprises. La convention s’est également préoccupée de ce que nous mettons dans nos assiettes. Selon elle, nos repas devront comprendre 20% de viande et de produits laitiers en moins d’ici à 2030. De même, 50% des terres agricoles devraient fonctionner en agroécologie en 2040. Pour rendre ces mesures socialement acceptables, est également prévue la mise en place de chèques alimentaires « pour les plus démunis ».
Enfin, pour les plus récalcitrants, la convention citoyenne propose une loi pénalisant le crime d’écocide, défini comme « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires ».
Vers un nouveau modèle de société
Je vous épargne, cher lecteur, les mesures annexes mais tout aussi infantilisantes pour les citoyens comme l’interdiction de la publicité pour tous les produits « les plus émetteurs de gaz à effet de serre » ; celle concernant panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs hors information locale et culturelle ; ou encore la réduction du temps de travail de 35 à 28 heures hebdomadaires avec augmentation du SMIC de 20%.
Obliger, interdire, faire payer les riches : à la lecture de ces mesures, vous avez compris que les préconisations de la convention citoyenne sont un programme politique de mise sous tutelle de l’individu et de l’économie au nom de la lutte pour l’environnement.
Cette interprétation n’est simplement pas celle de votre serviteur mais avant tout celle des 150 rédacteurs du rapport. Pour pérenniser leurs mesures, ils souhaitent amender le préambule de l’article premier de notre Constitution pour préciser que « la conciliation des droits, libertés et principes ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité » [Cette modification est l’une des trois propositions rejetées hier par Emmanuel Macron, NDLR].
Voilà ce qui résume en quelques mots la philosophie de toutes les mesures proposées : faire passer la préservation de l’environnement avant les libertés humaines.
Deux cents ans après la Révolution française et la Déclaration des droits de l’Homme, qui sacralisait pour la première fois les libertés fondamentales individuelles, et alors-même que ce mode d’organisation est encore aujourd’hui contesté par de nombreux pays où l’individu reste avant tout au service de la nation, la convention citoyenne propose de reconsidérer nos droits et nos libertés à l’aune de leur impact environnemental.
Sachant que toutes les activités humaines, du feu de camp au fond de la grotte il y a 790 000 ans à la centrale nucléaire de dernière génération, ont un impact environnemental, une telle formulation permettrait de mettre sous cloche une fois pour toutes l’ensemble des libertés individuelles.
La tentation du totalitarisme face aux idéaux libéraux n’est pas nouvelle. Ce qui change, c’est que la bataille n’est pas menée aujourd’hui au nom de Dieu, de la sécurité, ou de la santé, mais au nom du climat.