La Chronique Agora

Au FMI, Christine Lagarde aura fort à faire avec le dossier de la dette grecque

▪ Madame Lagarde vient d’être intronisée au FMI.

Je l’aime bien. Les étrangers la trouvent bien habillée, chic. C’est important pour une Française. Elle parle très bien l’anglais, ça nous change des vieux crabes franchouillards qui se promènent avec leur interprète en laisse lors des grands sommets internationaux. Elle manie aussi très bien le français avec des superbes expressions que je lui envie.

Ainsi, lorsque l’économie française déclinait, c’est-à-dire que le PIB baissait, elle a parlé de « croissance négative ».

C’est beau, presque sublime. Jalouse, j’ai repris à mon compte cette superbe expression. Si pour parler de vos dettes, vous dites « richesse négative », ça en jette, non ?

Le premier dossier de madame Lagarde sera la Grèce. Un pays qui devrait être déclaré en « faillite positive ». Regardons les chiffres en face :

– Grèce mai 2010 : prêt de 110 milliards d’euros, taux d’environ 5%, remboursable sur trois ans ;
– Grèce mars 2011 : prêt de 110 milliards d’euros, taux d’environ 4%, remboursable sur 7,5 ans ;
– 4 juillet 2011 : prêt de 110 milliards d’euros, avec 101 milliards d’euros d’intérêts payables sur 30 ans, si la croissance est supérieure à 2,5% par an…

Mmmmmmm, une durée de prêt qui s’allonge avec un intérêt qui diminue, cela s’appelle un défaut de paiement. Bref, une faillite. Mais dans le monde de l’économie de crédit et des brasseurs d’argent cela ne se dit pas. C’est un gros mot.

J’ai mis « environ » pour les taux car la Grèce emprunte (théoriquement) à taux variable. Il s’agit de l’Euribor (taux interbancaire ou taux auquel se prêtent les banques entre elles) majoré. On connaît les dégâts des emprunts à taux variables en période de taux bas. Pour les amnésiques, c’est l’origine même de la crise du crédit subprime.

▪ Aujourd’hui, la pseudo-solution accouchée le 4 juillet ne va déjà plus. Elle avait pourtant l’avantage d’être à taux fixe (101 milliards d’euros d’intérêts). Mais les agences de notation n’avalent pas la couleuvre. Les Allemands font dans la légèreté et rouvrent le débat deux jours plus tard : il faudrait rajouter 90 milliards d’euros aux 110 milliards précédents selon le Wall Street Journal du 7 juillet.

« Les banques commencent à étudier d’autres scénarios pour la Grèce », nous précisent Les Echos du 7 juillet. Toujours le même souci : le réaménagement ne doit pas pouvoir être qualifié de « défaut » par les agences de notation afin de ne pas actionner les assurances défauts, ces produits dérivés qui traînent un peu partout. Car serait alors déclenchée une cascade de faillites dans les banques.

Vous voulez un petit frisson supplémentaire ? Selon l’agence Moody’s, les stress tests concluront que 26 banques (au lieu de sept l’année dernière) sont en difficulté. Les scénarios n’envisagent PAS de faillite d’un Etat qui provoquerait pourtant un choc sur les marchés actions comparable à celui de Lehman Brothers en 2008.

On en reste à la finance Bisounours. On ne veut pas avouer que la crise du crédit souverain subprime est une crise de solvabilité des Etats. Tout comme en 2008, même après la faillite de Lehman Brothers, on ne voulait pas avouer que la crise du crédit subprime était une crise de solvabilité bancaire.

▪ Maintenant, je vous garde le grand frisson pour la fin. Nous empruntons l’argent censé sauver des pays qui ne nous rembourseront jamais. Si jamais les prêteurs veulent des intérêts plus élevés, nous-mêmes ne pourront plus payer nos intérêts.

Les autorités auraient alors un recours ultime : réquisitionner votre épargne, celle qui est gentiment blottie dans vos contrats d’assurance-vie. On vous expliquera que c’est pour le bien de l’euro, de l’Europe, de la paix sociale, de la solidarité des peuples, de la civilisation, de l’humanité et de toutes ces choses qui font que vous n’êtes pas un bipède abject, avide, égoïste.

Cette théorie ne m’appartient pas. C’est celle du professeur Henri Regnault, de l’université de Pau dans son dernier Journal de Crise.

Bienvenue, madame Lagarde, dans la Crise 2, celle du crédit souverain subprime. Celle où il vous faut sauver les sauveteurs. Mais les sauvés (les banques) n’ont plus les moyens de porter secours à leurs anciens sauveteurs (les Etats surendettés).

Je vous l’accorde, c’est bien embêtant et ça décoiffe un peu. Mais vous avez promis aux pays émergents de ne pas être partiale avec notre charmante vieille Europe un peu ravagée.

Alors, madame Lagarde, que diriez-vous d’une petite « faillite positive » ? Juste pour assainir tout ça et ne pas augmenter notre « richesse négative »…

Première parution dans La Quotidienne de MoneyWeek du 07/07/2011.

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