La Chronique Agora

L’art toujours renouvelé de la désinformation

Comment sortir du cauchemar de la confiscation de la parole et de la vérité ? Pas par la force, la censure et le contrôle, en tout cas…

La parole se dévalue et la vérité vacille, disions-nous hier. Ce qui se passe en matière de climat est tout à fait typique de ce phénomène.

La question du climat et du futur de la planète se pose, c’est une évidence. Comment l’homme ne se préoccuperait-il pas de son environnement, comment pourrait-il se dispenser de penser aux générations futures ? La demande, la faille sont réelles.

Les malthusiens en ont profité pour prendre le contrôle d’une préoccupation légitime et la transformer en une idéologie de contrôle globaliste, mondialiste et géopolitique. Ils prétendent confisquer, monopoliser, l’avenir de l’humanité !

Ils en ont fait un cheval de bataille sans foi ni loi avec un seul objectif : la destruction d’un ordre ancien qui ne convient plus à leur programme, et son remplacement par un ordre nouveau fondé sur la destruction des souverainetés, des identités, des nations et des déterminations personnelles ou historiques.

L’escroquerie de l’idéologie malthusienne fondée sur la préoccupation écologique est l’exemple le plus achevé des dangers de la post-vérité.

Mais rien ne vous empêche, à quelques jours seulement d’un incident où Trump a failli déclarer la guerre à l’Iran, de transposer. Imaginez ce que cela peut donner dans les mains d’un baltringue sans scrupules !

La post-vérité utilise toujours une base qui s’inscrit dans le domaine de l’évidence, mais c’est pour la détourner. Elle ne se réfère plus au monde, elle coupe le lien avec le monde, elle bifurque pour devenir idéologique et ainsi servir les objectifs de ceux qui détiennent le pouvoir, les outils de puissance, l’argent, les médias.

A notre époque, comme l’avait bien vu et expliqué Goebbels, la légitimité se construit dans la répétition, dans la convergence des avis des pseudos-experts et ensuite dans la destruction systématique de la démocratie. Cette destruction est permise par la mise au pas des minorités sous le joug de majorités de circonstance, bâties sur le clientélisme.

La vérité à notre époque cesse d’être un rapport au monde pour devenir un rapport entre les gens.

Nous allons vers le cauchemar.

Comment en sortir ?

De ce cauchemar, on ne peut pas sortir par la force, les contrôles et les interdits.

On ne peut en sortir que par l’éducation, l’apprentissage de la pensée critique, l’instruction, la mise en place de contre-pouvoirs, la propagation de la sagesse et des valeurs d’honnêteté, de respect et d’authenticité.

C’est dire si les voies réglementaires et législatives actuellement suivies sont des impasses. Elles renforcent – c’est d’ailleurs leur but – la soumission, l’obéissance et fondent l’ordre futur non sur le vrai et la recherche du bien mais sur la peur. Sur le conditionnement et la sanction/récompense.

Les remèdes politiques au monde de la post-vérité consistent à faire de la vérité un monopole d’Etat sans se poser la question pourtant centrale de la qualité de l’Etat, de la pureté de ses intentions, de sa morale et de ses fins. Sans se poser la question de savoir si cet Etat, un jour ou l’autre, ne va pas basculer, être récupéré par une classe, une clique, une nomenklatura, à son profit.

Monopole de la vérité d’Etat comme le monopole de la monnaie d’Etat qui, dans sa scélératesse, empêche de financer des contre-pouvoirs ou des résistances. J’ai coutume de dire que si la monnaie et les avoirs avaient été contrôlés comme ils le sont maintenant dans les années 40, il n’y aurait jamais eu de Résistance, de Libération et de retour à l’indépendance.

Ces remèdes sacralisent une vérité officielle, c’est-à-dire qu’ils construisent les bases du fascisme futur.

La vérité ne peut venir que du bas, elle ne peut être produite que là où elle naît, là où elle se développe, à la source. Une vérité gérée par le haut, par ceux qui sont coupés du monde par leurs privilèges, ne peut jamais être une vérité – et si elle l’est, elle ne peut être que partielle.

La technologie au secours de la désinformation

Les progrès de la technologie numérique vont bientôt faire du cauchemar évoqué plus haut une réalité. Grâce à la montée en puissance des deepfakes – des manipulations numériques audio ou vidéo difficiles à détecter –, il devient déjà plus facile que jamais de montrer quelqu’un qui dit ou fait quelque chose qu’il n’a jamais dit ou fait.

Pire encore, les moyens de créer des deepfakes vont probablement proliférer rapidement, produisant un cercle toujours plus large d’acteurs capables de les déployer à des fins politiques.

La désinformation est un art ancien, bien sûr, mais l’inquiétude qu’elle suscite a aujourd’hui une pertinence renouvelée. A mesure que la technologie des fakes se développe et se répand, le courant relativiste et pragmatique – la fin justifie les moyens –, ce courant prend le contrôle du monde à son profit.

Les événements récents incitent à se poser des questions sur le monde de la post-vérité ; des questions radicales, au sens de questions qui vont à la racine des choses. La racine des choses, ce ne sont pas les contenus mais les formes.

Le contenu des tweets de Trump est certes important mais il ne l’est qu’au jour le jour, même s’il peut déclencher une guerre. Ce sur quoi il faut s’interroger et réfléchir, c’est sur cette forme, le tweet, qui peut influencer, faire basculer l’opinion, créer des émotions, provoquer un mouvement boursier, une panique ou une guerre.

Le monde est en suspens, dans l’attente, fasciné, hypnotisé par les tweets de Trump. Trump construit un autre monde qui n’est plus horizontal, qui n’est plus un maillage, mais qui est pyramidal, avec lui en haut de la pyramide.

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