Une élection présidentielle aura lieu en octobre en Argentine. L’un des candidats, Javier Milei, propose des mesures radicales pour résoudre les problèmes économiques du pays.
Le peso argentin a perdu la moitié de sa valeur en un an. Les taux de change du dollar américain et du peso mexicain par rapport au peso argentin ont doublé en un an, aussi bien en ce qui concerne le taux de change officiel que celui constaté sur le marché noir. Les prix à la consommation ont doublé sur cette période, de même que la quantité de pesos argentins en circulation. Les taux d’augmentation de ces différentes données ont également doublé depuis un an. Désormais, s’attendre à ce qu’elles doublent de nouveau au cours des six prochains mois constitue une projection prudente.
L’Argentine était le pays le plus riche au monde au début du XXe siècle. Elle a maintenant enduré près d’un siècle de « dominance budgétaire », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale accepte systématiquement de financer les déficits que le gouvernement décide de creuser. Ainsi, l’Argentine a mis en pratique la Théorie monétaire moderne (TMM) avant même qu’elle ne soit conceptualisée. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population argentine vit sous le seuil de pauvreté, au sens des normes internationales, et le quartile des revenus les plus élevés se situe à un niveau comparable au quartile des revenus les plus faibles dans les pays développés.
Erreurs à répétition
La politique économique en Argentine est un condensé de toutes les erreurs à ne pas commettre : elle se caractérise par un protectionnisme radical et systématique, un marché du travail surréglementé au point de rendre les embauches prohibitives et un contrôle des prix généralisé. Tout le monde est parfaitement conscient qu’il y a un problème, mais l’administration actuelle a décidé de maintenir le cap et de concentrer ses efforts sur des mesures courtermistes visant à boucher les fissures sur la coque du navire afin qu’il ne coule pas avant les élections qui auront lieu plus tard dans l’année.
Pendant ce temps, les marchés commencent déjà à s’effondrer et les gens à paniquer. Certains commerçants décident de retirer des marchandises de la vente et de constituer des stocks, et les consommateurs s’empressent d’acheter des denrées alimentaires non périssables dès qu’ils reçoivent leur chèque de paie. Ceci est révélateur d’une baisse rapide de la demande de pesos argentins, qui n’a ni point d’ancrage ni limite à la baisse.
Le bon côté de cette situation terrible dans laquelle se trouve l’Argentine, c’est qu’elle pourrait être le catalyseur d’un profond changement à travers toute l’Amérique du Sud. De nombreux Argentins s’attendaient à cette situation et s’y sont préparés. La plupart d’entre eux ont épargné en dollars américains et au travers d’actifs réels. Une partie de cette épargne est placée dans le système bancaire, mais nombreux sont ceux qui se méfient des banques. Certains économistes estiment ainsi qu’il y a des milliards de dollars épargnés sous le matelas. Un changement de monnaie a de facto déjà commencé. La plupart des biens durables, comme les maisons et les voitures, sont vendus en dollars américains. Cette tendance s’étendra, dans la mesure du possible, au versement des salaires et des approvisionnements à travers toute la chaine logistique, car le peso argentin perd de sa valeur à un rythme de plus en plus rapide.
Un candidat qui veut tout changer
Javier Milei, économiste et candidat à la présidence de l’Argentine, était encore récemment un inconnu, à présent il est considéré comme le favori et pourrait obtenir le plus grand nombre de voix lors des primaires [NDLR : le 13 août. Dans le système électoral argentin, elles sont organisées le même jour pour tous les partis et visent à sélectionner le candidat de chaque parti pour l’élection présidentielle qui suivra, cette année le 22 octobre], tous partis confondus, avec 27% des intentions de vote. Il est suivi par Horacio Rodríguez Larreta, actuel gouverneur de la ville de Buenos Aires et vieux routier de la politique, avec 22% des intentions de vote.
Milei propose des réformes profondes et rapides dans le but de relancer la croissance. Ses principales promesses de campagne consistent à abolir la banque centrale, à mettre en place un cadre institutionnel visant à faciliter la dollarisation, et à mettre fin aux déficits budgétaires en réduisant les dépenses publiques de 15 à 20% via l’élimination des subventions et du budget consacré aux infrastructures, sans réduire les dépenses de protection sociale, du moins initialement. Il souhaite également déréglementer le marché du travail, simplifier le système fiscal et éliminer les droits de douane ainsi que les restrictions au commerce international.
Milei a reçu de vives critiques de la part de ses opposants politiques et d’experts proches du pouvoir sur son projet de retirer le peso argentin de la circulation, qualifié d’irréalisable. La vérité, c’est que l’abolition de la banque centrale n’est pas plus compliquée à mettre en œuvre que la liquidation de n’importe quelle autre entreprise.
Toute banque centrale a des actifs et des passifs. Dans le cas de la banque centrale d’Argentine, son passif est constitué des pesos argentins qu’elle a émis et d’obligations portant intérêt. Ses actifs sont constitués de réserves en devises étrangères et de bons du Trésor argentin.
La somme de dollars américains nécessaires pour racheter tous les pesos argentins en circulation ainsi que les obligations portant intérêt dépend du taux de change. Aux taux actuels, entre 30 et 35 Mds$ seraient nécessaires. La valeur nominale des bons du Trésor argentin détenus par la banque centrale est d’environ 70 Mds$, mais ils se négocient actuellement à Wall Street pour environ 25% de leur valeur nominale.
Si le gouvernement cessait d’être déficitaire, leur cours sur le marché pourrait facilement augmenter jusqu’à 50% de leur valeur nominale, c’est par exemple à ce prix que se négocient les bons du Trésor sri-lankais actuellement en défaut de paiement.
Un plan intégral… sans détails
Bien qu’il n’appartienne pas au même parti que le gouvernement actuel, Larreta représente le maintien du statu quo en termes de politique économique. Pendant la pandémie de Covid-19, il a soutenu et promulgué des mesures draconiennes comparables à celles imposées par les gouvernements locaux à New York et en Californie. Il a été incapable de maîtriser la criminalité, a permis aux bénéficiaires d’aides sociales de bloquer les rues lorsqu’ils protestaient pour obtenir une augmentation de leurs allocations, et il a utilisé l’appareil gouvernemental de la ville de Buenos Aires à des fins d’enrichissement personnel. Ce sont là des choses normales pour les hommes politiques argentins.
Larreta représente l’opposition la plus expérimentée en politique, mais il n’a pas de croyances ou de convictions fortes, il se laisse guider par les sondages et son discours consiste en des phrases vides conçues uniquement pour bien sonner. Il évoque par exemple depuis plusieurs mois un « plan intégral » (que l’on pourrait également traduire par « plan holistique ») pour résoudre les problèmes actuels, mais il n’a jamais fourni de détails sur ce plan.
Les rares fois où Larreta a dévoilé des mesures concrètes qu’il souhaite mettre en place, il s’est lui-même décrit comme keynésien et a préconisé le contrôle des prix. Il a également exprimé une vague opposition aux réformes de choc proposées par Milei. Il cherche en fait à être perçu comme l’alternative « responsable » au gouvernement actuel, et il se trouve aussi que de véritables réformes en profondeur iraient à l’encontre de ses intérêts personnels. Etonnamment, il est présenté comme l’option de centre-droit.
Milei devrait continuer à progresser dans les sondages. Il est désormais presque certain qu’il sera l’un des deux candidats en cas de second tour si aucun candidat n’obtient plus de 45% des voix ou 40% avec une avance d’au moins dix points sur le candidat suivant au premier tour [NDLR : conditions requises dans le système électoral argentin pour qu’un second tour soit organisé]. Selon mes calculs, une victoire de Milei au premier tour est désormais un scénario réaliste. Quant à savoir s’il pourra réellement stopper la glissade de l’Argentine vers l’hyperinflation, c’est une tout autre question.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici