▪ Des dizaines de milliers de lycéens attendaient fébrilement les résultats du bac ce mardi. Cette année s’avère un peu particulière : les jurys ont dû multiplier les délibérations afin de valider certaines épreuves entachées du soupçon de triche (ou de cyber-triche).
De même, le calcul des moyennes a dû être repensé pour la filière scientifique, et certains médias parlent déjà de « bac au rabais ». Hem, c’est pas beau de tricher… mais il y a aussi du flottement du côté des examinateurs !
Vous aurez noté à quel point il est tentant de faire l’analogie avec le dossier grec… d’ailleurs nous n’y résistons pas !
▪ Nous n’allons pas reprendre l’histoire à son début, vous la connaissez par coeur. Cependant, vous aurez tout de même noté qu’aucune action de la part des autorités de Bruxelles n’est venue sanctionner à ce jour la complicité de Goldman Sachs et de quelques autres banques suffisamment ingénieuses pour déjouer les investigations de l’Eurogroupe.
La logique qui semble prévaloir dans la tragédie grecque, c’est que si l’une des parties ayant ouvertement triché — ou rendu possible la triche — s’en tire à bon compte, toutes les autres parties concernées doivent bénéficier du même régime de faveur.
Sauf le peuple grec naturellement ; à lui de supporter les désagréments sans fin de l’austérité et de la mise sous tutelle du pays.
Mais l’analogie avec le bac édition 2011 ne s’arrête pas là. Manifestement, les créanciers de la Grèce (publics comme privés) ont décidé de donner la moyenne à Athènes.
Le problème, c’est que l’inspection académique ne semble pas convaincue. Les agences de notation se demandent si certains éléments trop ambigus de la copie du refinancement grec ne méritent pas un zéro pointé.
Chacun sait qu’il n’y a aucune marge de manoeuvre à la baisse pour l’évaluation de ce dossier. Un simple défaut partiel prononcé sur une seule des épreuves (le roll-over) et le candidat sera recalé, avec le risque que d’autres dossiers soient à leur tour traités avec la même sévérité.
Vous allez constater dans quelques instants que Moody’s n’a pas tardé à dégainer son feutre rouge pour retirer quatre points à la copie portugaise, laquelle affichait tout juste 10,5 de moyenne.
Nous ne savons pas si d’amicales pressions s’exerceront sur Standard & Poors afin que soit entériné le dossier athénien après une laborieuse et exténuante épreuve de rattrapage. Mais il est clair que les censeurs anglo-saxons ont de sérieuses objections à formuler.
▪ Elles sont certainement aussi sérieuses que celles de certaines agences de notation chinoises concernant le dossier américain. Mais les marchés américains, eux, font comme si la dégradation de la dette américaine était prononcée par une juridiction incompétente en la matière. Pékin est le premier créancier des Etats-Unis : son avis devrait compter double !
Wall Street persiste cependant à faire comme si de rien n’était, avec un Dow Jones à -0,1%, un S&P à -0,13% et un Nasdaq à +0,35% en clôture. Nous assistons là à une stagnation complète, les scores étant parfaitement identiques à ceux observés dès l’ouverture, même si les technologiques alignent, pour la forme, une sixième séance de hausse consécutive.
Les optimistes considèreront qu’après 6% de gains et un pont de trois jours, les marchés américains font preuve d’une belle résistance aux prises de bénéfices.
▪ A Paris, toute la séance de mardi s’est jouée dans une fourchette de moins de 0,5% de volatilité ; le CAC 40 termine en repli de 0,61% à 3 979 points.
Ce score reflète assez bien le profil de cette séance, avec un plus haut à 3 995 et un plus bas à 3 975 points. Les places européennes abandonnaient 0,7% en moyenne : Milan lâchait 1%, Madrid 1,3%. C’est bien peu de chose en regard de la désillusion que créerait un défaut partiel sur la dette grecque.
Pour se rassurer un peu, les opérateurs espéraient une bonne surprise du côté des commandes à l’industrie américaine. Malheureusement, ils sont restés sur leur faim. Les commandes américaines ont rebondi de 0,8% en mai, là où les économistes tablaient en moyenne sur une augmentation de 1%.
▪ Cela n’a pas affecté le dollar qui profite en réalité de la faiblesse de l’euro, ce dernier baissant de 0,75% à 1,4415 $. Cette consolidation résulte d’un fléchissement inattendu des indices d’activité dans les secteurs tertiaires et industriels en Europe le mois dernier.
L’indice final Markit composite de l’activité globale en France s’est replié à 54,9 en juin contre 60,3 en mai, et atteint un plus bas de huit mois. L’indice final de l’activité des services dans l’Eurozone se replie de 56 en mai à 53,7 (contre une estimation initiale de 54,2), soit le plus bas niveau observé depuis huit mois.
▪ Si l’activité semble se maintenir à des niveaux honorables au nord de l’Europe, la récession menace de façon alarmante les pays du sud.
Sans croissance, pas de retour à l’équilibre budgétaire possible. De fait, Moody’s ne rate pas l’occasion d’administrer un nouveau coup de pied de l’âne à la Zone euro : l’agence a relégué mardi soir la note du Portugal dans la catégorie des investissements spéculatifs.
Moody’s sort l’artillerie lourde en abaissant de quatre crans sa note à long terme, qu’elle assortit d’une perspective négative. Cela signifie que l’agence se réserve la possibilité de l’abaisser encore à moyen terme.
Alors que le cas grec n’est pas encore résolu, et comme nous le redoutions dans nos précédentes chroniques, les agences de notation viennent d’envoyer une nouvelle torpille sous la ligne de flottaison de l’euro. Il s’agit là d’un véritable complot qui vise à dessein un pays vulnérable du sud de l’Europe.
Moody’s invoque le risque de voir le Portugal nécessiter un deuxième plan d’aide avant de pouvoir solliciter à nouveau les marchés de capitaux.
Quand l’on sait que l’essentiel des ennuis du Portugal provient du marasme économique qui sévit en Espagne, on ne peut s’empêcher de penser que Moody’s s’attaque à l’escorteur afin de dégager la ligne de tir qui lui permettra de menacer directement le vaisseau amiral ibérique.
Voilà de quoi détourner pour quelques jours ou quelques semaines les cambistes et les commentateurs de l’épicentre du problème de la dette, lequel se situe aux Etats-Unis. Pendant ce temps, les tractations entre démocrates et républicains ne débouchent sur aucune avancée constructive.
Certains investisseurs ne sont pas dupes du concours de laideur qui met aux prises les dettes souveraines américaines et européennes. Le pétrole rebondit de 2% (à 96,8 $ sur le NYMEX) et l’or refranchit en force la barre des 1 500 $ (+2,5% à 1 520 $ l’once).
Vous avez maintenant une réponse éclatante à la question posée dans le titre « à qui profite le complot contre l’euro » !