La Chronique Agora

Après le flux, le reflux

Fed, croissance, inflation, investissement

Les investisseurs ont appris la mauvaise leçon de ces 40 dernières années, et se retrouvent à ramer à contre-courant maintenant que la marée de liquidité de la Fed redescend.

« Les affaires humaines ont leurs marées qui, saisies au moment du flux, conduisent à la fortune ; l’occasion manquée, tout le voyage de la vie se poursuit au milieu des bas-fonds et des misères. »
~ William Shakespeare, Jules César

Nous sommes heureux d’être de retour à la maison, en Irlande. Non pas que nous n’ayons pas aimé notre séjour en France. Mais il est toujours agréable d’être de retour dans son propre lit.

Et ici, avec nulle part où aller et personne à voir, nous avons plus de temps… du moins pour le moment. Dans quelques semaines, nous repartons pour l’Amérique du Sud, et notre ranch en Argentine. Une élection approche dans le pays. En général, les politiciens de gauche donnent de l’argent aux fauteurs de troubles avant ces élections. L’idée est de remuer les choses. Nous ne comprenons pas la logique de tout cela, mais c’est ce qu’ils font.

Peut-être qu’ils achètent simplement des votes.

Nous vous tiendrons au courant de l’état des choses lorsque nous serons sur place.

Les affaires humaines

En attendant, nous nous trouvons dans la paisible Irlande… où l’herbe est verte… les vaches satisfaites… et où l’on entend le va-et-vient de la rivière Blackwater, près de nous. La rivière Blackwater est soumise aux marées, si proche de la mer… son lit se vide ainsi chaque jour, révélant un ancien déversoir, où les poissons se trouvaient piégés lorsqu’ils remontaient le courant. Des générations de locaux – ainsi que des envahisseurs – se sont servis de la rivière pour se nourrir, et se déplacer. Ils se servaient de la marée dans les deux cas.

« Les affaires humaines ont leurs marées », a écrit Shakespeare.

Toute une génération d’investisseurs (de 1982 à 2021) a surfé sur la marée jusqu’à la gloire. Ils ont acheté des actions et ont regardé la Fed injecter des milliers de milliards de dollars de monnaie et de crédit dans le système. Leur fortune a augmenté. Ils n’ont pas eu à travailler dur. Ils ont gagné de l’argent sur le « flottant »… en suivant le célèbre conseil de Marty Weiss : ne vous battez pas contre la Fed.

Mais ils ont appris la mauvaise leçon.

Les investisseurs qui achètent des actions aujourd’hui doivent ramer à contre-courant. Ils devraient acheter des actions quand elles sont bon marché et les revendre quand elles sont chères. Mais les actions sont déjà chères. S’il y a une hausse des cours, elle ne sera probablement pas très importante.

Et maintenant, la Fed a inversé sa politique monétaire. Elle augmente les taux au lieu de les baisser. Tout comme la Fed a appelé les investisseurs à acheter lors du marché haussier de 1982-2021, elle les invite maintenant à vendre. Acheter des actions, aujourd’hui, signifie que l’on essaye de « combattre la Fed ».

Célébration prématurée

La marée a commencé à refluer pour le marché boursier au début de l’année dernière. La Fed a cessé de soutenir le marché boursier avec des taux plus bas ; elle a commencé à les augmenter. Initialement proche de zéro, le taux directeur de la Fed est maintenant à 4,75%. Une grande différence. Et Jerome Powell affirme qu’il va continuer à augmenter les taux. CNBC :

« Le président Powell dit qu’il est ‘prématuré’ de crier victoire contre l’inflation. »

Avec un encours total de 90 000 Mds$ de dette privée et publique, la différence entre un intérêt nul et un intérêt de 5% est de 4 500 Mds$. C’est le montant des intérêts que l’économie américaine devrait payer si sa dette était soudainement majorée… juste un quart de point au-dessus du taux directeur de la Fed… et toujours en-dessous du niveau de l’inflation.

Bien sûr, cela ne se passe pas ainsi… les échéances des dettes sont échelonnées. Dans l’ensemble, la facture des taux d’intérêt américains représente environ 15% du PIB… soit environ 3 600 Mds$. Mais, à mesure que le temps passe… et que la Fed continue de faire grimper les taux d’intérêt… de plus en plus de dettes (hypothèques, obligations d’entreprises, bons du Trésor) doivent être refinancées à des taux beaucoup plus élevés.

Jusqu’où iront ces taux ? Nous ne le savons pas. Mais nous pensons qu’ils doivent être supérieurs d’au moins 2 ou 3 points de pourcentage à l’inflation afin de maîtriser la hausse des prix. Donc, si l’inflation s’établit à 5%… les taux d’intérêt demandés par les prêteurs devront se situer autour de 7 ou 8% pour atteindre une sorte d’équilibre.

Voyons voir… 7% de 90 000 Mds$, cela représente 6 300 Mds$, soit plus d’un quart du PIB américain actuel.  Il est probable que quelque chose d’important se produise avant que nous n’y arrivions. Des paiements d’intérêts plus élevés laissent de moins en moins d’argent disponible pour les dépenses normales… ce qui réduit les ventes et les bénéfices des entreprises… et les entreprises doivent lutter pour payer leurs dettes.

Quelques surprises

Pendant ce temps, les salaires réels ont baissé (plus bas que l’inflation) pendant près de deux années consécutives… la productivité est en baisse… la croissance du PIB est anémique et sera bientôt négative… la masse monétaire diminue… les taux d’épargne sont proches de leur niveau le plus bas… la dette des consommateurs atteint un niveau record… la dette des entreprises atteint également un niveau record… et voici les dernières nouvelles du marché immobilier. Newsweek :

« Les craintes d’un effondrement du marché immobilier sont croissantes, après la chute des prix pour le cinquième mois consécutif.

En novembre 2022, les prix des logements aux Etats-Unis ont chuté pour le cinquième mois consécutif, avec une baisse de 0,1 % par rapport à octobre. »

Et ce n’est pas tout…

…les États-Unis sont en guerre contre la Russie, par le biais de son mandataire, l’Ukraine… Les élites préparent le pays à une prochaine guerre avec la Chine… alors qu’une grande partie du monde est à la recherche d’alternatives à l’hégémonie du dollar.

Sans oublier que les principaux gouvernements occidentaux sont en train d’essayer de réduire la dépendance de leurs économies aux carburants traditionnels – une autre mine prête à exploser, révélée par la marée descendante.

Les marées montent. Les marées descendent. Et des surprises adviennent. Nous serions surpris si la prochaine surprise était une bonne surprise.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile