Qu’il y ait eu un accord sur le plafond de la dette aux Etats-Unis règle certains problèmes, mais d’autres risques demeurent qui n’étaient pas précédemment envisagés.
La crise sur le plafond de la dette est derrière nous, n’est-ce pas ? La nouvelle loi a été votée au Congrès et le président l’a signée… alors tout va bien se passer, n’est-ce pas ?
En réalité, il y a un autre problème : avec toutes ces histoires, le Trésor américain a en fait diminué son solde, le montant des liquidités dont disposent les Etats-Unis. Il est tombé à presque zéro.
Lorsque l’on dit presque zéro, il s’agit en réalité de quelques milliards de dollars. Mais cela reste un montant effrayant pour le gouvernement américain. Un article de Bloomberg explique que des dizaines, voire des centaines de citoyens, ont en fait plus d’argent sur leur compte bancaire que les Etats-Unis n’en ont sur le leur, ce qui est tout simplement inquiétant.
Désormais, Janet Yellen, la secrétaire d’Etat au Trésor, doit donc vendre un grand nombre de bons ou d’obligations du Trésor pour renflouer le compte courant des Etats-Unis.
Si les taux restent élevés
Lorsque ces obligations arriveront sur le marché, elles représenteront entre 600 et 1 000 Mds$. Il est difficile de se faire une idée du chiffre exact. Mais c’est autant d’argent qui doit être versé par les investisseurs dans les coffres du Trésor américain. Pour l’instant, il semble que Janet Yellen compte vendre principalement des obligations à court terme, ce qui contribue à faire grimper les taux d’intérêt de ces obligations à court terme.
En effet, chaque fois que vous vendez quelque chose, les acheteurs se disent : « Pour que j’achète ceci, je dois obtenir quelque chose en échange. Et si je dois en acheter pour 500 Mds$ ou 1 000 Mds$, vous avez intérêt à me donner quelque chose qui vaille le coup. » Les rendements doivent donc être plus élevés pour que les bons et obligations du Trésor puissent être vendus.
Et comme Janet Yellen a apparemment décidé de vendre principalement des obligations à court terme, cela signifie que le problème n’est pas près de disparaître. En effet, dans 6, 12 ou 18 mois, lorsque ces bons arriveront à échéance, le gouvernement devra en vendre davantage.
Quels seront les taux d’intérêt à ce moment-là ? Nous pensons que les taux d’intérêt vont baisser, mais nous n’en sommes pas sûrs. Les Etats-Unis se trouvent donc dans une situation de risque de financement où les taux pourraient rester élevés plus longtemps que prévu, simplement parce que le Trésor doit continuer à vendre de plus en plus de produits sur le marché.
Avec quel argent ?
Un autre élément préoccupant, qui n’est pas encore visible sur les marchés, est que lorsque l’on vend plus de bons du Trésor sur le marché, l’argent doit bien venir de quelque part. Les investisseurs ne disposent pas de milliers de milliards de dollars sur leur compte courant pour acheter des bons du Trésor ; l’argent doit donc provenir de leurs placements, et du marché actions. Va-t-il provenir des actions technologiques ? Des actions industrielles ? De l’immobilier ? L’impact risque d’être important pour certains secteurs, dont les cours baisseront mécaniquement.
Enfin, il est très intéressant et important de noter que le Trésor suit les pas de la Réserve fédérale. La Fed mène une campagne de hausse des taux d’intérêt depuis plus d’un an maintenant, et nous avons assisté à des bonds historiques des rendements. Le Trésor est à l’origine de ce phénomène, car il vend davantage d’obligations sur le marché. Cela pourrait donc avoir un effet de resserrement sur l’ensemble de l’économie, et pourrait déclencher une récession. La question est de savoir si cette récession se produira au second semestre de cette année, ou au début de l’année prochaine.
L’affaire n’est donc pas du tout terminée. Et d’une certaine manière, l’adoption de l’accord sur le plafond de la dette lève le voile sur d’autres risques qui n’étaient pas nécessairement envisagés, et qui vont désormais se concrétiser de façon violente.
Tout cela est également lié à la crise bancaire, car, si les rendements à court terme augmentent, le prix des obligations à court et à moyen terme diminue ; c’est exactement ce qui a déclenché la faillite de la SVB, puis des autres banques. Il est possible que ces faillites se poursuivent.
J’en ai déjà beaucoup parlé, mais selon moi, le modèle de fonctionnement des banques régionales est brisé, et je ne pense pas que cela va s’améliorer. Les petites sociétés bancaires sont en train de mourir lentement. Et celles qui bénéficient de ce phénomène sont les grandes banques, soutenues par la Réserve fédérale, car considérées comme étant d’importance systémique. Elles ne vont pas faire faillite, et tous les clients finiront par transférer leur argent vers les JPMorgan ou les Morgan Stanley de leurs villes. Janet Yellen pourrait bien accélérer la mort des petites banques en faisant pression sur les obligations du Trésor et en augmentant les rendements.