Si financer par la dette des stratégies hasardeuses n’a plus la faveur des investisseurs, le retournement de marché peut devenir violent et dégénérer en krach.
La holding Altice du médiatique Patrick Drahi a encore dévissé vendredi à la bourse d’Amsterdam. Le gros morceau d’Altice, c’est SFR en France.
Il se trouve que je suis cliente à titre privée de SFR et de Free, à titre professionnel d’Orange. Dans tous les endroits que je fréquente régulièrement en France (ouest, centre), je constate que la couverture SFR est meilleure que celle de ses concurrents. En Europe, le roaming de SFR – y compris pour l’accès internet – fonctionne bien. Le rapport qualité/prix me satisfait pleinement. Mais ce n’est pas parce qu’une entreprise commercialise de bons produits et services qu’elle gagne de l’argent.
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Drahi serait-il maudit ?
Altice est endetté à hauteur de 50 Mds€. Cette dette est supposée financer la « convergence » des contenus et des réseaux, notamment aux Etats-Unis. C’est une stratégie qu’avait tenté en son temps Jean-Marie Messier avec Vivendi. Cela s’est mal terminé.
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Il me semble que ce n’est pas parce qu’on a des forêts, une usine de pâte à papier ou même une imprimerie qu’on peut faire des journaux à succès. Ce sont quatre métiers différents. De la même façon, il me semble que ce n’est pas parce qu’on a de bons tuyaux de télécommunication qu’on produit de bons médias internet. Bolloré et Bouygues ont lâché ces fantasmes et se dégagent des télécoms.
Profiter d’appuis politiques pour prendre une part de marché d’un secteur – celui des télécommunications – réglementé par l’Etat et divertir sont deux métiers différents. Disney n’a pas tenté d’acheter à crédit son propre réseau de télécommunications.
Quand tout à coup le marché décide qu’il n’aime plus la dette et la « stratégie » qu’elle finance, tout s’effondre. Vivendi, Le Crédit Lyonnais, la nébuleuse Tapie,… Altice, Tesla ?
Drahi a déclaré que sa dette « est sécurisée à 85% à taux fixe et le premier remboursement majeur n’arrivera qu’en 2022 (…) Par conséquent, clairement, si les taux remontaient ou si les agences revoyaient la notation de notre dette, cela n’aurait strictement aucun impact pour l’entreprise dans les cinq prochaines années ».
En ce beau matin du 20 novembre Altice raccroche.
Mais comme vous le voyez sur ce graphique, les vendeurs (les barres rouges du bas) sont nombreux. L’action a perdu 60% de sa valeur depuis le mois de juillet. Remonter la pente sera difficile.
« Même avec des taux mondiaux bas, beaucoup d’entreprises non-financières se dirigent vers des difficultés à assurer le service de leur dette », concluait une étude de l’Institute of International Finance (IIF) publiée le 25 octobre dernier.
Il n’y a pas que l’effet de levier et la boulimie de rachats, dans le cas d’Altice. Le groupe de Drahi a sacrifié à la cuisine financière, à la mode : le rachat de ses propres actions.
Le 28 août, Altice annonçait y consacrer 1 Md€. Les analystes y ont vu un signe selon lequel la société pensait pouvoir dégager de la trésorerie. Volte-face le 16 octobre, le programme est suspendu mais… remplacé par un autre. Mais comme vous le voyez, ces rachats n’ont pas empêché le cours de l’action de s’éroder et comme Altice ne verse pas de dividendes, cela n’enrichit nullement ses actionnaires.
Aujourd’hui la capitalisation d’Altice a fondu, de 31 Mds€ à seulement 13 Mds€. La dette, elle, reste et est toujours de 50 Mds€. M. Mario Draghi à la BCE, qui n’est pas regardant sur ses rachats, en voudra-t-il ?
Si M. le Marché décide subitement qu’il n’aime plus les grandes stratégies adossées à la dette et que les rachats d’action sont de l’ingénierie financière inutile, il risque d’y avoir du sang sur les murs des salles de marché.
Altice serait-il le « canari dans la mine », le signal d’alerte précoce d’un retournement de tendance ? Nous verrons bien. Nous sommes prêts à tout.