La Chronique Agora

A quoi pourrait ressembler le « budget » de l’Europe ?

L’année 2019 est délicate pour l’UE et l’euro avec les dérapages budgétaires de l’Italie, les créances douteuses entassées dans les banques et des élections en vue. 

Mi-novembre, j’expliquais pourquoi la réforme de la Zone euro était au point mort, en raison notamment de l’arrivée au pouvoir de partis qui ne sont pas aussi bienveillants que monsieur Macron et madame Merkel vis-à-vis de l’immigration non-qualifiée en provenance de pays culturellement très différents des nôtres.

L’accord intervenu au sommet de Bruxelles de décembre a-t-il été une « véritable avancée », comme le prétend le président Macron ?

Rappel des forces en présence

Le 14 décembre 2018, les 27 chefs d’État et de gouvernement de l’UE se réunissaient dans la capitale européenne. Les observateurs attendaient de pied ferme ce qui allait sortir de cet évènement.

Ce dernier venait en effet conclure 18 mois de sommets européens marqués par des divergences radicales au sujet de la poursuite de l’intégration de la Zone euro, et des accords prétendument « historiques » mais pas vraiment assortis d’avancées concrètes…

Du côté français, on trouve un Emmanuel Macron qui voudrait danser le tango avec l’Allemagne en avançant droit devant en direction d’une solution constructiviste, c’est-à-dire vers une vaste refonte de l’union monétaire incluant notamment « la mutualisation de nos financements », pour reprendre ses propres termes. C’est bien sûr à des « eurobonds » qu’Emmanuel Macron continue de penser sans pour autant les nommer.

A l’autre bout de la table de négociation, on trouve de petits États européens dont les pays Baltes, la Finlande et l’Irlande qui « se sont regroupés au sein d’une ‘Ligue hanséatique’ [emmenée par les Néerlandais] à l’esprit libéral, qui tire son nom de la confédération médiévale des villes marchandes situées près de la mer du Nord et de la mer Baltique », comme l’explique Le Point.

En bons libéraux, ces pays n’ont pas vraiment envie de financer le projet français et font le maximum pour en limiter la portée.

Ces deux parties draguent l’Allemagne d’Angela Merkel, laquelle a traversé 2018 en dansant la macarena fédéraliste, un pas en avant, un pas en arrière.

Le debrief d’Emmanuel Macron…

A l’issue de la sauterie du 14 décembre, Emmanuel Macron a déclaré en conférence de presse que nous venions d’assister à « une véritable avancée sur une plus grande convergence et le parachèvement d’une véritable non seulement union bancaire mais aussi avancée de la mutualisation de nos financements et de la plus grande convergence de nos économies ».

L’accord conclu mérite-t-il cette avalanche de superlatifs ?

« Feu vert pour un budget de la Zone euro… sans enveloppe »

C’est ainsi que Le Figaro a résumé le premier pan de l’entente.

Emmanuel Macron a effectivement obtenu un « compromis important » de la part de ses partenaires européens mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a dû lui-même en faire de nombreux.

Sur le plan du vocabulaire, tout d’abord. Officiellement, ce qui a été entériné, c’est la création pour les 19 Etats membres de la Zone euro d’un « instrument budgétaire » et non d’un « budget », vu que « les Néerlandais […] se sont engagés, dans leur accord de coalition gouvernementale, à refuser tout ‘budget’ pour la monnaie unique… », comme l’explique Le Monde.

Figurez-vous que ce budget qui voudrait dire son nom mais qui n’en n’a pas le droit ne dispose pas non plus d’enveloppe. En fait, l’accord annoncé le 14 décembre porte simplement sur le fait que l’on confie un mandat aux 19 ministres des Finances des Etats membres de la Zone euro pour qu’ils se mettent d’accord sur les caractéristiques essentielles de cet « instrument budgétaire ».

On est donc encore à 1 000 lieues d’un budget doté de plusieurs dizaines de milliards d’euros avec une fonction stabilisatrice en cas de choc économique, selon l’ambition du président français.

La seule chose connue, c’est le délai : tout ce beau monde doit trouver un compromis avant juin 2019, de telle manière que cet « instrument budgétaire » de la Zone euro puisse trouver sa place dans le cadre du budget pluriannuel de l’UE.

De là à dire qu’il s’agit d’« une véritable avancée sur une plus grande convergence » des 19 économies de la Zone euro, Emmanuel Macron s’enflamme. En ce qui me concerne, je vois un gouffre impossible à enjamber, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, il ne vous aura pas échappé que l’on vient simplement d’assister à un accord de principe sur le fait que l’on donnait une date butoir à l’Eurogroupe pour se mettre d’accord sur les caractéristiques concrètes d’un budget qui n’a pour l’instant qu’un contour très théorique.

Ensuite, pour qu’il y ait une « plus grande convergence », encore faudrait-il que l’on ait assisté à une convergence des économies de la Zone euro depuis l’introduction de la monnaie unique.

Or, si vous êtes un habitué de ces colonnes, vous savez que c’est exactement le contraire qui s’est produit : en termes de convergence, la Zone euro est un échec.

 Renforcement du Mécanisme européen de stabilité

« Ce MES se verra doté de nouveaux pouvoirs pour évaluer la situation économique des pays de la Zone euro, en coopération avec la Commission. Il deviendra aussi une sorte de prêteur en dernier ressort pour les banques en grande difficulté », explique Le Monde.

Rien de nouveau au niveau du MES, donc.

En somme, comme l’expliquent les spécialistes de Contexte, on est plus dans le symbole que dans les « paysages glorieux esquissés durant le discours » du président de la République.

L’Allemagne sera-t-elle toujours aussi encline aux compromis l’année prochaine ?

Entre temps, vous aurez noté qu’Emmanuel Macron a annoncé autour de 10 Mds€ de concessions après « l’Acte IV » des « gilets jaunes ».

Autant dire que Bruno Le Maire va devoir se lever de bonne heure s’il veut convaincre son homologue allemand Olaf Scholz que la France est en mesure d’honorer un « deal réforme contre solidarité », comme le suggérait Natixis début novembre !

Le 28 novembre, le vice-chancelier d’Allemagne et ministre fédéral des Finances a fait comprendre aux Français qu’outre-Rhin, l’heure n’est plus aux promesses vaseuses, mais à l’action tout ce qu’il y a de plus tangible !

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