La Chronique Agora

300 milliards de dollars pour les propriétaires américains en difficulté

** Cette semaine, George W. Bush a signé une loi sur le logement — grâce à laquelle jusqu’à 300 milliards de dollars seront dépensés pour renflouer propriétaires naïfs, prêteurs hypothécaires goujats et génies de la finance. On présente cela comme une réserve contre les catastrophes. Si tout va comme sur des roulettes à partir de maintenant, on dépensera seulement quelques milliards ici et là. Si l’immobilier continue de couler, en revanche, la facture commencera à se faire lourde. La loi permet également aux autorités d’accorder de l’argent aux gouvernements locaux des divers états, de manière à ce qu’ils puissent acheter des maisons et les réparer eux-mêmes.

* Nous sommes ravi de voir le gouvernement fédéral prendre des mesures radicales. Cela renforce notre foi dans nos frères humains — ce sont des idiots, comme nous le savions depuis longtemps. Cela conforte également notre opinion sur la classe politique — ce sont des arnaqueurs, des filous et des opportunistes.

* Voici un cas où beaucoup, beaucoup de gens ont fait des idioties. Les propriétaires ont acheté des maisons qu’ils ne pouvaient pas se permettre. Les prêteurs leur ont prêté l’argent pour le faire. Puis les investisseurs ont acheté les prêts comme si c’étaient de bons investissements. Naturellement tout cela a fini par exploser.

* La chose la plus intelligente à faire serait de laisser les choses suivre leur cours. Aussi rapidement que possible. Qu’on en finisse.

* Mais le "changement" est bien la dernière chose que veulent les gens — surtout quand il s’agit de payer des erreurs passées. Les propriétaires ne veulent pas abandonner leurs maisons. Les prêteurs ne veulent pas faire faillite. Les investisseurs ne veulent pas perdre d’argent. Ils espèrent donc tous un miracle. Et voilà qu’arrive le faiseur de miracles en personne — l’Oncle Sam.

* Le gouvernement fédéral peut faire des miracles, comme aurait pu l’expliquer Ben Bernanke, grâce à "une petite technologie appelée planche à billets. [Les autorités] peuvent créer du nouvel argent à un coût quasiment zéro".

* Comment les autorités obtiennent-elles du véritable argent ? Elles ne peuvent que le prendre à de véritables gens. L’effet net sur l’économie est de zéro. La seule manière d’augmenter la masse monétaire totale est… eh bien… d’augmenter la masse monétaire. Elles doivent créer de l’argent — à partir de rien. Sinon, elles ne font que prendre de l’argent à des gens qui n’ont pas fait d’erreurs pour faire en sorte que des gens qui ont, eux, fait des erreurs, n’aient pas à les assumer.

* Comme nous le disions hier, nous n’avons pas vu d’agents immobiliers proposant de rembourser les commissions qu’ils avaient gagnées en vendant des maisons à des gens qui ne pouvaient pas se les permettre. Pas plus que nous n’avons vu de petits futés de Wall Street remboursant leurs bonus — dont une bonne partie a été gagnée en enfonçant les gens si profondément dans les dettes qu’ils ne pourront jamais refaire surface. Cette loi à 300 milliards de dollars nous aidera à oublier et pardonner toute cette affaire — en forçant d’autres gens à cracher au bassinet.

** Mais attendez… il y a un petit accroc… Qui paie réellement ? Dans la mesure où les Américains n’ont pas d’argent, le gouvernement US — et les consommateurs — se tournent vers l’étranger pour le financement. Chaque jours, environ deux milliards de dollars sortent des Etats-Unis et terminent à l’étranger. Mais le gouvernement américain… et l’économie américaine… ont désespérément besoin de cet argent pour continuer à dépenser au-dessus de leurs moyens. La nouvelle loi sur le logement, c’est la même chose — les Etats-Unis dépensent de l’argent qu’ils n’ont pas, et dépendent de la bonté des étrangers pour payer.

* Pourquoi les étrangers prêtent-ils ? Pourquoi veulent-ils du crédit en dollars US, alors que le billet vert a perdu tant de pouvoir d’achat ces cinq dernières années ?

* Ils font probablement une grosse erreur. Mais lorsqu’on a autant d’argent, ce n’est pas facile de l’investir. Le marché des bons du Trésor US est le plus grand de la planète. Et pourquoi ne pas prêter d’argent au gouvernement US ? Au moins, on est sûr que les autorités rembourseront — même si pour cela elles doivent créer de l’argent à partir de rien.

* Ah… c’est là que les choses coincent. Vous n’avez aucune assurance que les dollars que vous recevrez en retour vaudront autant que les dollars que vous avez prêtés. Voilà la goupille de cette grenade monétaire post-Bretton Woods : à n’importe quel moment, les étrangers pourraient conclure que la "sécurité" qu’ils recherchent dans les bons du Trésor US est une escroquerie… et qu’il est en fait "trop risqué" d’en détenir. A ce moment-là, ils tireront la petite boucle, et tout explosera.

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