La Chronique Agora

2012, Odyssée de la crise… deuxième partie

** Résumé de l’épisode précédent : nous voilà transportés en l’an de grâce 2012, où un journal japonais relate les événements arrivés lors des dernières années — notamment le fameux "scandale de junk bonds". Tout a commencé avec la crise bancaire…

**  Une enquête indépendante sur les relations des banques américaines avec les paradis fiscaux a été menée, mandatée par des membres de la commission financière du Congrès. Elle a révélé que de nombreuses structures offshore se proposant de participer au rachat de junk bonds avaient initialement fait du portage de dérivés de crédit pour le compte desdites banques en faillite.

L’administration Obama a rapidement réagi. Elle a interdit en interdisant tout rachat portant sur des actifs bénéficiant de la garantie publique par des sociétés immatriculées dans des pays n’ayant signé aucune convention fiscale avec les Etats-Unis… Pas moyen cependant d’éviter la création d’une série de bad banks (ou structure de defeasance) face au tsunami des défauts de paiement touchant les crédits classiques assortis à l’origine de taux d’intérêts fixes mais prohibitifs.

L’effet de ciseaux "chômage + baisse de la valeur du foncier" avait amorcé l’ouverture du second volet de la Grande Crise systémique. Une nouvelle spirale infernale — identique à celle de 2007 — s’était enclenchée à l’automne 2009, avec une magnitude potentiellement bien supérieure au premier tsunami des subprime.

Un soutien financier aux emprunteurs à risque avait été envisagé, ainsi qu’une dispense provisoire de remboursement pour les personnes victimes de chômage — mais le temps pour faire voter de telles mesures — coûteuses — manquait cruellement.

L’échec de l’émission de T-Bonds à 30 ans de fin septembre (évoqué vendredi dernier) avait mis le feu aux poudres sur le marché des changes. Début octobre 2009, tout semblait perdu ; le dollar rechuta en quelques jours de 10% jusque sur son plancher des 1,61/euro et 0,9/100 yens (inscrit mi-2008) puis dévissa jusque vers une parité de deux pour un euro et 0,65/ 100 yens (le fameux vendredi 13 octobre).

** Les prix de l’immobilier s’effondrèrent en même temps que le nombre de transactions… C’est là que le gouvernement américain dévoila sa botte secrète, inspirée d’un texte d’économique-fiction paru dans une obscure lettre d’information par e-mail (plus personne ne saurait dire laquelle car toutes en ont vite revendiqué la paternité)…

Il s’agissait de la création d’une agence de compensation immobilière — à mi-chemin entre une société de clearing et un gigantesque time share — permettant à toute personne (ou ménage) envisageant un déménagement pour motif professionnel d’échanger son bien avec une autre personne effectuant un déplacement d’état à état (mais non symétrique) pour le même motif.

Comme tous les biens ne sont pas de valeur équivalente, et que les plans de remboursements sont encore plus dissemblables, l’Etat a fixé comme règle la résidence à titre gracieux, chacun continuant de payer ce qu’il doit à sa banque. Bénéfice immédiat pour le marché immobilier… des centaines de milliers de logements en moins offerts à la vente en quelques semaines et une mobilité retrouvée pour des millions de salariés en quête d’emploi.

Les banques, au lieu de brader les logements saisis et de faire s’écrouler les prix, les louent à l’agence de compensation immobilière qui se charge de les proposer aux personnes qui souhaitent demeurer locataires… avec une formule de leasing leur permettant de devenir propriétaire à un prix prédéterminé mais supérieur à la moyenne des 12 mois précédant la déclaration d’intention d’achat, les sommes déjà versées étant alors assimilées à un acompte.

Les loyers encaissés ou le produit des ventes réalisées sont naturellement reversés intégralement aux banques. Ces dernières s’engagent également à ne plus déclencher de procédures de saisie dès lors qu’un emprunteur trouve un poste rémunéré dans une zone éloignée de plus de 60 kilomètres de sa résidence principale, le temps pour l’agence de trouver un nouvel occupant… et peut-être même un acheteur potentiel qui efface la créance.

Les rois de la calculette, autrefois spécialisés dans les dérivés de crédit, n’ont pas tardé à conclure à une stabilisation quasi immédiate du marché immobilier américain — et, partant de cette hypothèse, à anticiper une inversion de la pression s’exerçant sur les organismes garantissant les CDS (comme AIG, MGIC, Ambac Financial) et sur les banques qui s’étaient fourvoyées dans le métier de couverture du risque crédit.

Leurs coûts de refinancement ne tardèrent pas à chuter de 500 points de base pour revenir dans la fourchette presque habituelle de +50 points par rapport aux T-Bonds de maturité 2022 (notre référence à 10 ans).

** Deux ans plus tard, alors que l’inflation atteignait les 5%, le dollar s’accrochait toujours, grâce à une action coordonnée des banques centrales du G20, à la parité de deux pour un euro : les exportations américaines se redressèrent et la balance commerciale redevint comme vous le savez positive en janvier 2011.

Le déficit fédéral avait également commencé à se combler dès que le Congrès US autorisa le gouvernement chinois, au mois de mars 2010, à convertir ses immenses réserves de T-Bonds en parts d’une société foncière semi-publique (comme le furent en leur temps Freddie Mac et Fannie Mae) chargée de racheter les biens nantissant des prêts hypothécaires défaillants.

La gestion de cet immense patrimoine locatif, le plus important au monde — dont une partie est revendue en douceur au fil de l’eau — fut confié à l’agence de compensation immobilière avec le succès que vous connaissez.

Et si le PIB américain vient tout juste de retrouver un rythme de croissance de 1,5% (celui-là même qui était anticipé un peu prématurément pour fin 2010), il faut avouer que la persistance d’un taux de chômage à 16% et un recul de 3,4% de la consommation après la timide embellie de 2011 nous rappelle de plus en plus un scénario que nous avons bien connu dans notre beau pays du soleil levant au cours de la période 1994/1998.

Avec cette différence notable : le Nikkei et le Dow Jones sont quasiment à parité à 5 500 points et l’or cote aujourd’hui 2 620 $ l’once… comme l’annonçaient les rédacteurs des Publications Agora dès 2007. C’était bien avant le rachat de la Vie Financière fin 2008 puis du numéro deux des hebdomadaires économiques d’Osaka à l’automne 2009, dont une version chinoise est désormais largement diffusée — via la libéralisation d’internet — au sein des milieux d’affaires de Shanghai et de Shenzhen.

Ces derniers continuent de privilégier le métal précieux en prévision de la prochaine convertibilité du yuan (monnaie indexée sur un large panier de matières premières), destiné à servir d’alternative au couple euro/dollar à l’horizon 2020.

Philippe Béchade,
Paris

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile