La Chronique Agora

1918, ou comment une épidémie peut changer la politique d’un pays (1/2)

En 1918, la grippe espagnole a eu une influence considérable sur les sociétés – et même le cours de l’Histoire. Les choses sont-elles en train de se reproduire avec le Covid-19 ?

Je crois que j’ai découvert le sujet de la grippe espagnole en lisant les toutes premières pages du chef-d’œuvre de Charles Portis intitulé True Grit. L’héroïne du roman, Mattie Ross, présente aux lecteurs Yarnell Poindexter, à qui le père de Mattie a demandé de rester à la ferme afin de prendre soin de sa mère et de toute la famille après son départ à Fort Smith.

Mattie et Yarnell « ont échangé des lettres chaque année durant la période de Noël, jusqu’à ce qu’il décède au cours de l’épidémie de grippe de 1918 ».

De nos jours, la plupart des gens n’avaient jamais entendu parler de la pandémie de 1918 jusqu’à ce que se reproduise cette année un scénario similaire, à défaut d’être identique.

Mais deux nouveaux livres publiés au cours des dernières années offrent une perspective plus nécessaire que jamais. Le premier, publié en 2018 par Laura Spinney, s’intitule La Grande Tueuse : comment la grippe espagnole a changé le monde. Le deuxième, publié en 2005 par John Barry, s’intitule The Great Influenza : The Story of the Deadliest Plague in History [La Grande Grippe : l’histoire de l’épidémie la plus mortelle de l’Histoire, NDLR].

Une chose ressort rapidement à la lecture de ces ouvrages : le nombre de victimes de la grippe de 1918 est ahurissant.

Spinney écrit que « la grippe espagnole a infecté une personne sur trois à travers la planète, soit près de 500 millions d’êtres humains ». C’est un chiffre incroyable. Cependant, comme nous le savons maintenant, il est difficile d’obtenir des données exactes sur cette pandémie.

La pandémie de 1918–1920 a tué entre 35 et 100 millions d’individus à travers le monde, dont près de 675 000 aux Etats-Unis. La pandémie actuelle a déjà emporté plus de 500 000 âmes à travers le monde.

« La plupart des décès » survenus en 1918, écrit Mme Spinney, « ont eu lieu au cours d’une période de 13 semaines entre le milieu du mois de septembre et le milieu du mois de décembre ». Soit dit en passant, cette période correspond à la seconde vague de l’épidémie.

La Première guerre mondiale, qui avait été surnommée à tort « la der des der », a directement coûté la vie à 22 millions de personnes. D’après Spinney, la pandémie « a influencé le déroulement de la Première guerre mondiale » et a « ouvert la voie au système de santé universel. » Est-il possible que la pandémie de 2019-2020 pousse les Etats-Unis à adopter le même système ?

Certaines des réactions actuelles rappellent 1918

Si tel est le cas, ce ne serait pas la seule conséquence de la pandémie actuelle, qui présente de nombreuses similitudes avec les événements passés.

Au cas où, par exemple, vous pensiez que les propos du président Trump au sujet de l’hydroxychloroquine étaient plutôt insolites (après tout, il s’agit d’un traitement prescrit principalement contre la malaria), les patients souffrant de la grippe espagnole en 1918 se voyaient déjà administrer des doses excessives de quinine, un traitement également utilisé contre la malaria, qui ne présentait « aucune preuve d’efficacité contre la grippe », comme l’écrit Spinney, « et qui était pourtant prescrit à très forte dose ».

Il est aujourd’hui généralement admis que le foyer de la maladie se situait au sud-ouest du Kansas, mais l’idée que les étrangers en étaient responsables s’est néanmoins rapidement imposée.

L’Espagne, par exemple, n’était en aucun cas à l’origine de l’épidémie. Mais étant donné que le pays n’était pas engagé dans la Première guerre mondiale, la presse espagnole était libre de couvrir l’épidémie, d’où le nom qui lui a été donné.

Les Américains ont pour leur part largement participé à propager la maladie. En octobre 1918, le taux de mortalité dans la ville de New York était quasiment quatre fois supérieur à la normale. Malgré la hausse du nombre de cas, le président Woodrow Wilson a décidé de prendre la tête de la grande parade annuelle organisée sur la Cinquième avenue en l’honneur de Christophe Colomb.

Spinney écrit que les Italiens étaient les principales victimes de la xénophobie ambiante, étant accusés non seulement de propager la grippe et la polio, mais également d’être les responsables « de la criminalité, de l’alcoolisme, de la diffusion du communisme et autres fléaux sociaux ».

Au même moment, « la tuberculose était désignée comme étant la « maladie juive » ou « la maladie des tailleurs » ». En réalité, le véritable problème était la surpopulation dans les immeubles collectifs.

Les similitudes ne s’arrêtent pas là, comme nous le verrons demain…


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.


Image d’illustration de l’article : des médecins de l’armée à Fort Porter, dans l’Etat de New York, le 19 novembre 1918.

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