La Chronique Agora

La Zone euro au bout de sa magie

euro

L’Union monétaire prive les pays dépensiers de payer leur prodigalité par la dévaluation et les fait payer par le chômage. C’est pourquoi l’euro est condamné.

Il est évident que le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi n’a pas lu le Magicien d’Oz. Il se comporte comme le magicien lui-même, utilisant force tours de magie pour se faire passer pour grand et puissant.

Mais ce n’est qu’une question de temps avant que tout le monde ne se rende compte que l’euro lui-même n’est rien d’autre qu’une escroquerie.

Mon espoir est que vous vous plongiez dans le Magicien d’Oz après avoir lu cette chronique. Cela vous permettra de mieux comprendre l’échec programmé de l’euro et pourquoi la plus grande faillite de l’histoire frappe à la porte du marché boursier.
Quel rapport entre cet innocent roman pour enfant et la Zone euro ? L’histoire du Magicien d’Oz est en fait une sorte de parabole sur la folie monétaire et ses contraintes.

Le cadre du roman est la crise américaine de 1893. Les agriculteurs sont lourdement endettés et les employés voient leurs salaires chuter.

La question du bimétallisme est au centre des débats politiques américains. L’Etat doit-il utiliser comme monnaie l’argent-métal comme il le fait pour l’or ? Ou bien doit-il continuer avec l’étalon-or ? Utiliser l’argent était l’ancienne version de l’assouplissement quantitatif.

Entre en scène la quête de Dorothy, immortalisée dans le livre.

La route de briques jaunes que doit obligatoirement suivre Dorothy est l’étalon-or. Ses chaussures d’argent suggèrent que le bimétallisme monétaire lui permettra de rentrer chez elle.

La Méchante Sorcière de l’Est personnifie les riches banquiers et industriels de la côte est des Etats-Unis, qui tirent bénéfice d’une monnaie forte, de la déflation et de la stabilité. Ils veulent arrêter Dorothy et ses souliers d’argent.

Les héros de notre histoire sont également bien connus. L’Epouvantail représente les agriculteurs, qui n’ont pas de cerveau. Le bûcheron en fer blanc représente les ouvriers de l’industrie de l’est des Etats-Unis, qui finissent par trouver leur voie mais qui n’ont pas de coeur. Le Lion peureux est l’homme politique William Jennings Bryan.

Mais Bryan trouve du courage en 1896, année où il prononce ce que beaucoup considèrent comme le plus célèbre discours de l’histoire politique américaine :

« S’ils ont le courage de se présenter au grand jour et de déclarer l’étalon-or comme étant bénéfique, nous les combattrons jusqu’au bout, soutenus par les masses laborieuses de ce pays et du monde. Soutenus par les intérêts du commerce et du travail, et la foule des travailleurs, nous répondrons à ceux qui réclament l’étalon-or : ‘vous ne mettrez pas sur le front du travailleur cette couronne d’épines, vous ne crucifierez pas l’humanité sur une croix d’or.’« 

A ces mots la foule est entrée en délire, les manteaux ont volé dans les airs, les chapeaux n’y suffisant pas.

Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?

Pourquoi certains sont crucifiés sur la croix de l’euro

La Zone euro est dans une position pire que celle des Etats-Unis en 1893. Matthew Yglesias, co-fondateur de Vox, expliquait déjà cela en 2014.

A la suite de la crise de la Zone euro, les économistes ont eu du mal à expliquer pourquoi l’Europe allait beaucoup plus mal que les Etats-Unis.

Du fait que les Européens partagent la même monnaie, ils ne peuvent la dévaluer les uns par rapport aux autres. Ils ne peuvent pas non plus cibler un assouplissement quantitatif vers certains pays de la Zone euro qui traversent des problèmes (du moins pas légalement et seulement via les marchés obligataires d’Etat, d’où les fonds peuvent se diriger n’importe où au sein de la Zone euro.) Enfin, les pays européens qui connaissent des problèmes sont coincés par un taux de change avec les autres monnaies qui convient aux pays les plus prospères.

L’euro impose un taux de change artificiellement élevé, empêchant tout mécanisme de dévaluation par rapport à d’autres pays de la Zone euro.

Si l’on combine ces trois éléments, on obtient le début du problème. L’euro ôte aux pays leur moyen traditionnel de subir les conséquences de leur propre prodigalité, à savoir la dévaluation monétaire. Avec l’euro, les choses sont différentes. Yglesias en a expliqué les conséquences :

« Le seul moyen de retrouver de la compétitivité est de tirer les salaires vers le bas dans toute l’économie par le simple poids du chômage. Dans un pays enthousiaste et bon élève comme la Lettonie ou l’Irlande, c’est là un processus pénible. Dans un pays réticent comme l’Espagne ou la Grèce, c’est une lente agonie. Quoi qu’il en soit, c’est beaucoup plus douloureux qu’une dépréciation de la monnaie parce que seuls quelques prix sont ajustés à la baisse — ceux qui ont de vieilles dettes ou des obligations contractuelles à le long terme se font arnaquer.

On rencontrait généralement ces problèmes dus à une monnaie excessivement chère lors du règne de l’étalon-or, lorsqu’il y avait un ralentissement dans l’exploitation aurifère mondiale.

Dans un célèbre discours de 1896, le candidat à la présidentielle William Jennings Bryan a affirmé que les agriculteurs et les employés américains étaient crucifiés sur une croix en or — ils enduraient des souffrances évitables au nom du principe que seul l’or était le véritable juge de la richesse. Aujourd’hui, les chômeurs grecs, irlandais, espagnols, italiens et portugais sont crucifiés sur la croix de l’euro. Le projet de monnaie unique a des motifs politiques qui vont au-delà de la gestion macroéconomique et maintenir ce projet à tout prix nécessite que les intérêts de quelques-uns soient sacrifiés.

Le ‘tout ce qu’il faudra’ de Draghi est un engagement à sauver la Zone euro en tant que projet politique, pas à sauver les citoyens de la zone euro du chômage de masse. »

Voyez-vous le lien à présent ? Une grosse partie de la crise de la Zone euro est semblable à celle qu’ont connue les Etats-Unis avec l’étalon-or en 1893. La masse monétaire était fixe. La soupape qui devait s’ouvrir pour relâcher la pression de la crise, c’était les salaires et les défauts de remboursement de dettes plutôt que la monnaie.

Mais la politique rencontre souvent la folie monétaire. C’est ce qu’elle a fait en 1893 avec Bryan. Aujourd’hui, les responsables politiques italiens des partis au pouvoir ont quasiment déclaré la même chose : ils sont crucifiés sur une croix d’euros :

« Je reste convaincu que si l’Italie retrouve sa souveraineté monétaire, ce serait positif et résoudrait une grande partie des problèmes du pays, » a déclaré le député économiste Claudio Borghi au Corriere della Sera.

« Je reste convaincu… que l’euro dans ces conditions était une erreur à laquelle nous allons remédier, » a déclaré Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue du Nord, à Reuters. Claudio Borghi est également cité :

« Avant, nous avions l’espoir de créer un groupe de nations qui aurait pu immédiatement détruire l’euro… Malheureusement, nous n’avons plus cela et nous devons donc le faire unilatéralement. »

« Notre plan est toujours d’essayer de quitter l’euro le plus tôt possible, mais ‘le plus tôt possible’ implique d’être prêt à le faire. »

Ils se préparent. Et vous ?
[NDLR : Il est urgent de prendre ces quelques précautions pour que votre patrimoine résiste à un éclatement de l’euro. Notamment, acheter un peu d’or mais pas n’importe quoi. Découvrez ici cette pièce qui est la plus liquide et bénéficie d’une fiscalité très favorable (non, ce n’est pas le Napoléon).]

La structure complexe de la Zone euro se traduit par des problèmes encore plus graves que ceux des Etats-Unis de 1893. Les différences entre les Etats-Unis et les pays européens montrent parfaitement comment et pourquoi.

Aux Etats-Unis, les contribuables de New York sont heureux d’envoyer automatiquement leur argent aux régions en difficulté du Nevada. En Europe, les Allemands n’aiment pas l’idée d’envoyer leur argent en Sicile – à moins de voyager avec lui.

Les Américains peuvent se déplacer librement entre Etats et s’intégrer immédiatement. En Europe, c’est beaucoup plus difficile. En particulier pour les travailleurs qui ont réellement besoin de se déplacer pendant les périodes économiques difficiles – les travailleurs peu qualifiés. Lorsqu’ils le font, ils sont considérés comme des invités qui rentreront chez eux. Cela concentre l’activité économique vers les pays les plus prospères au lieu de résoudre les problèmes.

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