La Chronique Agora

Washington face au nouvel axe Moscou-Pékin

** Le repli hebdomadaire du CAC 40 n’est pas énorme (2%), mais vendredi soir, trois titres seulement affichaient un bilan clairement positif. Lafarge s’est envolé de 15,8% (grâce à l’opération Orascom), EADS de 2,8% (le cinq millième Airbus vient d’être livré à Quantas) et Peugeot de 2% — après des hausses de recommandations de Deutsche Bank et Goldman Sachs — tandis que Bouygues, Vinci et L’Oréal affichaient une quasi stabilité (+0,05%).

Le rally de fin d’année ne semble pas au rendez-vous et le mois de décembre ressort négatif de 1,5%. Mais il reste une semaine pour parfaire les habillages de bilans avant la trêve des confiseurs et la semaine écourtée du 24 au 28 décembre.

Les valeurs bancaires et financières resteront les grandes perdantes de l’année et de la semaine écoulée. AXA a chuté de 3,85%, BNP Paribas de 4,15%, Société Générale et Natixis de 5,5%, Unibail Rodamco de 6% et Accor et Klépierre, dans ce même registre immobilier, ont perdu entre 4,25% et 4,5%.

La volatilité a régné en maître dans tous les secteurs de la cote mercredi et jeudi, avec des écarts en intra-day qui ont atteint ou dépassé les 3%. Par contraste, la séance de vendredi fut beaucoup plus calme puisqu’elle s’est conclue sur une modeste hausse de 0,25% dans de tout petits volumes. Moins de 4,9 milliards d’euros échangés contre 6,4 milliards la veille, soit une baisse d’activité de 20% en 24 heures).

Après les spectaculaires retournements de tendance successifs des séances de mercredi et jeudi, la prudence l’a emporté. Les opérateurs ont limité leurs prises d’initiatives, de peur de voir leurs stratégies prises à contre-pied suite à des coups de théâtre imprévisibles orchestrés par les banques centrales ou provoqués par des chiffres économiques inattendus.

** De ce point de vue, la grande nouveauté de ces dernières 48 heures, c’est que l’inflation apparaît soudain beaucoup plus menaçante aux Etats-Unis. A tel point d’ailleurs que le scénario d’une quatrième baisse du prime rate fin janvier est sérieusement remis en cause.

La hausse de 0,8% des prix à la consommation — publiés à 14h30 vendredi dernier — a confirmé la flambée du PPI dévoilée jeudi (3,2%) puis l’envolée de 11,4% des prix à l’importation, publiés dans l’indifférence générale mercredi. C’est la progression la plus marquée depuis septembre 2005… Et même en excluant l’alimentation ou l’énergie, l’indice CPI ressort bien au-dessus des attentes, avec une hausse de 0,3% d’un mois sur l’autre, contre une prévision de 0,2% (soit +2,3% annuel).

Dans la zone euro, le taux d’inflation annuel a augmenté de 0,5% (soit 3,1% sur un an) au mois de novembre, contre 2,6% en octobre (à comparer avec +1,9% un an auparavant).

** Vendredi, les indices boursiers ont accusé le coup en milieu d’après-midi : -0,5% en moyenne sur le Vieux Continent. Mais les acheteurs semblaient s’être remobilisés en fin de séance, constatant qu’à 5 550 points — au plus bas vers 16h30 –, le CAC 40 risquait de perdre près de 3% sur la semaine, contre 2% pour l’Euro Stoxx 50, lequel affichait -1,4% au final.

A la mi-journée vendredi, le Dow Jones et le Nasdaq reculaient de 0,6% et 0,5% : les technologiques ont cédé ainsi 2% sur la semaine, tout comme les vedettes du CAC 40 pour cause d’interrogations récurrentes au sujet de l’ampleur de la croissance mondiale en 2008.

Aux Etats-Unis, la stagflation devient une réelle menace. Les prix à la consommation ont largement dépassé le consensus des économistes — inflation limitée à +0,6% — puisque la dérive atteint +4,3% en rythme annuel, alors que la croissance pourrait rechuter sous les 2% au quatrième trimestre 2007 puis jusqu’en avril 2008.

Le tassement saisonnier de l’activité dans le secteur immobilier risque d’affecter l’ensemble des compartiments économiques en début d’année. Le secteur du crédit risque d’alimenter la hausse du chômage avec la multiplication des plans de licenciements anticipés en début d’année prochaine, les fêtes marquant une trêve relative des « dégraissages » d’effectifs.

Les mauvais chiffres de l’inflation aux Etats-Unis affaiblissent l’hypothèse d’une poursuite de la politique d’assouplissement de la politique monétaire de la Fed. Le dollar a repris 1,25% à 1,445 pour un euro — et +1,5% sur la semaine. Il refranchit le cap des 113,3 contre le yen.

Par ailleurs, l’annonce d’une hausse plus forte que prévue de la production industrielle américaine à +0,3% en novembre, contre +0,1% attendu par les économistes, plaidait également en faveur d’un statu quo de la Fed en janvier prochain.

** Alors que le billet vert se redressait contre toutes les devises, le baril de brut reperdait symétriquement 1,5%, sous les 91 $, après avoir approché les 95 $ moins de 48 heures auparavant.

L’Agence internationale de l’énergie a révisé en hausse de 115 000 barils par jour ses prévisions de demande de pétrole pour l’année 2008, à 87,8 millions de barils par jour — soit une hausse de 2,5% sur un an.

Le seul pays susceptible d’accroître fortement sa production est la Russie de Vladimir Poutine : de quoi donner des cauchemars aux conseillers économiques de G.W. Bush car le patron du Kremlin –qui porte le titre de Président cette année ou de Premier ministre l’an prochain — ne va pas manquer de faire le meilleur usage possible de cette pièce maîtresse sur l’échiquier politique mondial.

Les Chinois attendent quant à eux les Jeux olympiques pour faire la démonstration de leur puissance, assurés qu’ils sont de monter sur la troisième marche du podium en termes de PIB, derrière l’Euroland plombé depuis cinq ans par un euro fort.

Nous constatons déjà que l’axe Moscou-Pékin renforce ses liens afin de damer le pion à Washington. Le moment est bien choisi puisque selon toutes probabilités, l’année 2008 et le début 2009 seront marqués par une phase de transition qui risque de paralyser les initiatives hégémoniques de l’Amérique.

Philippe Béchade,
Paris

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