L’Oracle d’Omaha est-il perdu, dépassé, obsolète… ou bien est-ce le reste du monde qui a entièrement perdu la tête ?
Ce pauvre Warren Buffett. Désormais âgé de 89 ans, il n’arrive plus à suivre. Il est déconnecté des marchés. Une relique d’une époque disparue.
Le Sage des Plaines n’a fait qu’un gain de 11% en 2019 avec sa holding, Berkshire Hathaway, tandis que le S&P 500 grimpait de plus de 30%.
Aujourd’hui, il fait pire encore. Dans la Financial Review :
« Le célèbre investisseur a enregistré en 2019 sa pire performance par rapport au S&P 500 depuis une décennie, et 2020 s’annonce comme étant presque aussi épouvantable. Au lieu de tirer avantage de la crise du coronavirus qui a frappé les marchés en mars, Buffett en a été la victime.
La question se pose plus nettement encore aujourd’hui que depuis que Berkshire est passé à côté du boom des dot.com : Buffett a-t-il perdu la main ? »
Notre question du jour :
Est-ce que c’est l’Oracle d’Omaha qui a perdu la main… ou les autres investisseurs qui ont perdu la tête ?
Un marché de bulle
Tout le monde sait que le marché actuel n’est pas fait pour un « investisseur par la valeur » comme Buffett. Il perd son temps à tailler ses crayons et éplucher des bilans… équilibrant soigneusement actif et passif.
Personne ne se soucie de l’actif – ou du passif. Les investisseurs actuels pensent qu’un bilan à l’équilibre est un exercice de yoga. C’est un monde nouveau… avec une différente sorte de marché.
Nous sommes en effet dans un marché de bulle… le quatrième de ces 21 dernières années. Le premier a pris fin en 2000… le suivant en 2008… le suivant en 2020… et désormais, à peine trois mois plus tard… un de plus !
Merci la Fed.
Procédure standard
Pour bien comprendre ce qu’il se passe… et mettre tous nos lecteurs à l’unisson… nous devons revenir au monde qui a formé Warren Buffett. En d’autres termes, nous devons revenir à l’époque où la devise était réelle – avant 1971.
Il n’y a eu que deux bulles sur l’ensemble du XXème siècle. L’une d’entre elles a explosé juste au moment où le siècle prenait fin (mentionnée ci-dessus). L’autre s’est effondrée juste avant la naissance de Buffett en 1930.
Toutes les bulles explosent. La meilleure chose à faire, c’est de simplement laisser les marchés ramasser les morceaux et se remettre au travail le plus vite possible.
Mais l’année de naissance de Warren Buffett, les autorités sont intervenues pour contrecarrer le processus naturel de reprise, transformant la décennie qui a suivi en Grande dépression. C’est devenu la procédure standard.
En 1971, les Etats-Unis ont changé leur devise, passant d’un dollar limité et adossé à l’or… à une « note de la Réserve fédérale », quasiment illimitée et adossée à rien du tout. La différence clé : sans l’appui de l’or, les autorités pouvaient imprimer autant de billets qu’elles le souhaitaient… et intervenir à bien plus grande échelle.
Le put Greenspan
Ce n’est pas avant qu’Alan Greenspan arrive aux commandes de la Réserve fédérale en 1987 que la banque centrale américaine a vraiment profité de la folie qu’elle avait à portée de main.
Après le bref krach boursier de 1987, la doctrine du put Greenspan est arrivée. Elle indiquait aux investisseurs que si les actions en venaient à chuter… la Fed interviendrait avec toujours plus de faux dollars flambant neufs pour faire remonter les cours.
Difficile d’imaginer plus grosse idiotie pour une banque centrale. La Fed a fait savoir qu’elle soutiendrait les investisseurs… et que, aussi cinglée que soit leur sélection d’actions, quels que soient les sommets insensés auxquels ils pousseraient les cours, la Fed s’assurerait qu’ils ne perdent pas d’argent.
« On ne lutte pas contre la Fed » – cette antique vérité a régné sur Wall Street pendant longtemps. Mais le put Greenspan a fait naître un corollaire : « et on anticipe les pauvres idiots ». En d’autres termes, achetez des actions et des obligations avant que la Fed fasse grimper les prix.
Où est-ce que cela nous a menés ? C’est ce que nous verrons dès demain.