La Chronique Agora

Wall Street rêve à nouveau des premières marches de l'escalier…

** Barack Obama avait largement rajeuni l’âge moyen de l’équipe gouvernementale (autour de 47/48 ans) avec la première série de nominations dévoilée à la veille du week-end, mais il a écarté ce mercredi le soupçon de pratiquer le jeunisme avec le choix de l’ex-patron de la Fed, Paul Volcker (81 ans), comme directeur du comité consultatif économique auprès de la présidence.

Wall Street semble avoir oublié que le nom de Paul Volcker reste associé à une période boursière difficile (de 1978 à 1987) et s’apprêtait à inscrire une quatrième séance de hausse consécutive à la veille du long congé consumériste de Thanksgiving — les marchés américains rouvriront vendredi pour une demi-séance.

Le sacrifice traditionnel de dizaines de millions de dindes est placé cette année sous le signe de la frugalité. De nombreux Américains déclaraient récemment arbitrer en faveur du poulet dont le prix au kilo leur apparaît plus abordable. Ceux qui disposent de deux véhicules choisiront celui qui consomme le moins pour se rendre au supermarché le plus proche et le paiement se fera si possible en liquide car l’argent file trop vite avec les cartes de crédit.

Oui, les ménages américains découvrent les vertus de la tempérance et de la bonne gestion du peu d’économies que la crise leur laisse. Cela se traduit déjà dans les chiffres des dépenses de consommation. Elles ont en effet de nouveau chuté en octobre, de 1% par rapport à septembre, soit leur plus forte baisse depuis septembre 2001 (alors que les revenus ont progressé de 0,3%). L’indice de confiance du consommateur de l’université du Michigan pour novembre est ressorti quant à lui à 55,3, contre 57,9 en première estimation et 57,6 au mois d’octobre.

Et il va falloir que les propriétaires fassent le dos rond car aucun redressement du marché immobilier n’est anticipé avant février ou mars prochain. Les ventes de logements neufs aux Etats-Unis sont tombées en octobre au plus bas depuis janvier 1991, chutant de 5,3% par rapport à septembre. Elles s’établissent donc à 433 000 unités (en rythme annuel), selon les chiffres publiés mercredi par le département américain du Commerce.

Par ailleurs, les commandes de biens durables ont chuté plus que prévu en octobre, plongeant de 6,2% le mois dernier et accusant leur plus forte baisse depuis octobre 2006. L’indice synthétique est tombé à 33,8 contre 37,8 en octobre. Les économistes interrogés par Reuters anticipaient en moyenne un chiffre de 36,7 (au plus bas depuis 1982).

La composante des nouvelles commandes a reculé à 27,2 (au plus bas depuis 1980), contre 32,5 le mois dernier. Celle de l’emploi a chuté de 41,5 à 33,4, son niveau le plus faible depuis janvier 2002… Mais Wall Street focalise maintenant toute son attention (et son optimisme) vers la Maison Blanche et espère un miracle — ou tout du moins un sursaut psychologique des consommateurs et des investisseurs — d’ici le 20 janvier, date à laquelle Barack Obama gravira les marches conduisant au bureau ovale.

Attention, en matière boursière comme en amour, le meilleur moment, c’est lorsque l’on s’engage dans l’escalier… la suite des événements est souvent moins palpitante.

** Même avec le puissant rebond du secteur automobile et des valeurs industrielles, Paris n’a pas réussi — contrairement à Francfort, Zurich ou Milan — à inscrire une troisième séance de hausse consécutive. Le CAC 40 a consolidé de -1,25% au final — et se retrouvait lanterne rouge sur le Vieux Continent — après avoir cédé près de 3,6% en milieu d’après-midi et avoir touché un plancher vers 3 095 points.

L’indice a effectué un second test d’un support situé vers 3 100 points. L’indice a fluctué dans une fourchette de 220 points (presque 3,75% d’amplitude), ne revenant à l’équilibre que quelques secondes en fin de matinée avant de replonger.

La journée d’hier était donc placée sous le signe de la consolidation mais également de la contraction des volumes d’échanges avec -30% par rapport à mardi… ce qui signifie que la pression baissière diminue singulièrement.

** A Wall Street, les vendeurs de la première heure semblent s’être évanouis dans la nature en seconde partie de séance. Le Dow Jones a bondi de 2,9% et c’est un vrai feu d’artifice de 4,6% sur le Nasdaq qui a salué les derniers échanges boursiers précédant le long pont de Thanksgiving — nul doute que l’embellie boursière tombe à point nommé à la veille de la plus grande ruée consumériste de l’année, baptisée le "black friday".

Les indices américains ont repris pas moins de 15% à 16,5% depuis vendredi dernier et le scénario d’une reprise en V, que beaucoup d’opérateurs espèrent pour le mois de décembre, commence à se matérialiser de façon graphiquement convaincante.

Les gérants, largement sous-investis, pourraient juger que le risque est désormais de rester à quai alors que le train de la hausse reprend de la vitesse. Ils tenteront de limiter autant que possible les pertes annuelles qui demeurent supérieures à -35% sur le Dow et à -39,5% pour le S&P 500 — qui s’est hier envolé de 3,5% et termine au plus haut du jour à 887,7 points.

L’envolée de 7,5% du baril de pétrole, au-delà des 54,6 $, remet en lumière l’aspect irrationnel et excessif de la récente chute sous les 50 $ ainsi que la prise de conscience de la ferme volonté de l’OPEP d’éponger les surplus de production. Cette ligne de conduite sera réaffirmée dès ce week-end au Caire… une sorte de galop d’essai avant la réunion d’Alger du 17 décembre prochain.

** L’actualité économique apparaissait donc plutôt souriante pour les marchés mercredi soir… jusqu’à ce que les journaux télévisés montrent des images des terribles attentats de Bombay. Ils auraient fait une centaine de victimes et qui visaient clairement les Occidentaux présents dans la capitale économique de l’Inde, devenue le principal sous-traitant des Etats-Unis dans le domaine des logiciels et des services informatiques. Le terrorisme de masse refait soudain surface et remet également en lumière les tensions religieuses qui agitent le pays depuis 50 ans, alors que les germes d’un conflit majeur avec le Pakistan n’ont jamais été totalement éradiqués.

Philippe Béchade,
Paris

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