▪ Wall Street a fait mentir la tradition qui veut que les indices américains clôturent au plus haut à la veille du week-end — à plus forte raison s’il s’agit de la dernière séance du trimestre pour les différentes classes de produits dérivés (contrats sur indices, warrants et options).
A la surprise quasi-générale, les indices US ont terminé au plus bas du jour vendredi. Le Dow Jones (-1,2% à 15 451) est même retombé en-deçà de son niveau d’avant le communiqué de la Fed mercredi soir ; le bilan hebdomadaire ressort à seulement +0,5%.
Les volumes semblent particulièrement étoffés sur le Dow : 380 millions de titres contre 105 en moyenne ces trois derniers mois. Cependant, cela s’explique aisément par les arbitrages induits par la séance des « Quatre sorcières ».
Les volumes ont pourtant été inférieurs à ceux des « Quatre sorcières » de mars et juin (plus de 400 millions de titres), malgré un changement de composition majeur ce lundi avec l’arrivée de Visa, Nike et Goldman Sachs (et la sortie de Hewlett Packard, Alcoa et Bank of America).
Le S&P 500 reculait de 0,72%, une pause logique après 12 séances de hausse sur une série de 14… Certains chartistes en dénombrent toutefois 13 sur 14 car, techniquement, un ultime record absolu a été inscrit le 19 septembre en intraday à 1 729,86 points.
▪ BlackBerry va très mal…
Cette séance du 20 septembre a été marquée par l’effondrement de BlackBerry : -17% en clôture, -25% en séance à 8,2 $. L’entreprise nous semble au plus mal avec une perte record de près d’un milliard de dollars (environ 0,5 $ par titre contre 0,15 $ anticipé) pour cause d' »effet stock » après l’échec du lancement de sa dernière génération de smartphones il y a six mois.
Ce n’est pas la perte en elle-même qui nous rend pessimiste pour le groupe canadien : Microsoft ou Amazon avaient bien annoncé des pertes début juillet sans que leur cours en souffre… C’est plutôt l’ampleur des licenciements, avec l’éradication de plus d’un tiers des effectifs (et certainement de nombreux talents et compétences).
Nous connaissons peu d’exemples d’entreprises ayant survécu après avoir réduit leurs effectifs de 60% en un an — il y avait déjà eu une coupe claire de 5 000 salariés (soit -30%) en 2012, puis 250 en juillet dernier dans le département Recherche et développement, vital pour BlackBerry.
Dans le même ordre d’idée, nous connaissons peu de pays ayant renoué avec la croissance alors qu’ils subissaient un inexorable déclin du taux de la population possédant un emploi (et même, au sens large, une source de revenus autre que des aides ou des stages de formation cache-misère).
▪ … Et les Etats-Unis ne vont pas beaucoup mieux
Le meilleur exemple, ce sont les Etats-Unis. Les faiseurs d’opinion tentent de nous faire croire à une « reprise » alors que les malheureux 2,5% de hausse du PIB (ce qui ne signifie pas forcément de la croissance) sont achetés à crédit à grands coups d’injections monétaires.
Dans le même temps, les salaires médians continuent de chuter (pour un même poste, à qualification égale ou supérieure). Idem pour le pouvoir d’achat, rogné par la hausse du prix des carburants et des taxes locales — ce que les statistiques officielles ne prennent pas en compte. Mais la consommation résiste parce que les ménages persistent à s’endetter.
Pour qu’ils puissent continuer de le faire à moindre frais, les taux courts doivent être maintenus au plancher et ne surtout pas commencer à combler l’écart par rapport aux taux longs qui s’échappent en direction des 3%.
C’est probablement un des aspects techniques qui a conduit la Fed à différer la réduction de ses injections monétaires. Ce n’est certainement pas un bon signe du point de vue macro-économique et cela brouille la communication de la Fed après quatre mois d’intense préparation psychologique… mais seul « l’effet shoot » importe à Wall Street.
Un gros titre paru jeudi matin dans les médias le résume assez bien : « la Fed catapulte les indices vers de nouveaux sommets ».
L’orgie de liquidités est donc prolongée de six semaines, voire plus. L’orchestre entame une nouvelle valse et les marchés se remettent à danser tandis que l’économie réelle se morfond.
▪ Pour quand, le tapering, alors ?
Dans une interview vendredi soir, James Bullard, président de la Fed de St Louis, expliquait qu’entamer le tapering fin octobre aurait du sens si les statistiques américaines reflétaient un redressement de l’activité.
Il tempère cependant les espoirs d’initiative imminente de la Fed en précisant que la variable inflation (qui demeure très faible, officiellement) fait partie des facteurs les plus déterminants.
L’actualité du week-end a été quant à elle marquée par les tragiques évènements de Nairobi mais ils devaient avoir peu d’impacts sur les marchés.
En ce qui concerne l’élection d’Angela Merkel, elle était en principe jouée d’avance… Mais les marchés n’avaient peut-être pas envisagé que son parti — la CDU — progresserait de 8% et obtiendrait une aussi large victoire.
Au moment où nous concluons cette chronique (la soirée de dimanche est déjà bien avancée), les derniers décomptes ne permettaient pas encore d’officialiser une majorité absolue, ni de savoir si le parti euro-sceptique Alternative für Deutschland avait ou non franchi la barre fatidique de 5% des suffrages — ce qui leur ouvrirait les portes du Bundestag et réduirait de quelques sièges la présence des députés de la CDU et du SPD.