▪ Si un voyant extra-lucide était venu nous voir il y a quelques années en nous parlant de déficits américains atteignant les 3 000 milliards de dollars en deux ans, nous aurions mis sa crédibilité en doute. S’il avait prédit en plus que les rendements de la dette du Trésor US atteindraient dans le même temps un plancher record, sa crédibilité aurait purement et simplement disparu.
L’une des choses les plus certaines que nous pensions savoir à l’époque, c’était que le gouvernement ne pouvait pas à la fois accumuler des déficits gigantesques et emprunter bon marché. C’était l’un ou l’autre, un point c’est tout.
Il s’avère que Dick Cheney avait raison depuis le début. Les déficits n’ont pas d’importance. Du moins ils n’ont pas d’importance jusqu’à ce qu’ils aient de l’importance. Et en ce moment, ils n’en ont pas. De Bloomberg :
"En dépit de toutes les critiques sur les déficits budgétaires record, le président Barack Obama peut se consoler en constatant que pour la première fois depuis un demi-siècle, les rendements des obligations gouvernementales déclinent durant une crise économique, et le secrétaire au Trésor Timothy F. Geithner vend ses bons à deux ans aux taux d’intérêt les plus bas de l’histoire."
"La combinaison entre des rendements plancher sur les bons à deux ans, les taux du dix ans sous les 3% et un déficit qui devrait dépasser les 1 400 milliards de dollars pour la deuxième année consécutive signale que le marché obligataire se préoccupe moins des dépenses gouvernementales que de remettre l’économie sur les rails".
Pourquoi les rendements ont-ils tant chuté ? Parce que l’économie ne se reprend pas. Les investisseurs cherchent un endroit sûr où mettre leur argent. Bloomberg continue :
"’Les attentes de croissance sur les prochaines années ont effectivement baissé’, a déclaré lors d’un entretien téléphonique Alan Blinder, ancien vice-président de la Fed et professeur d’économie à l’université de Harvard. ‘Il y a encore beaucoup de craintes sur les marchés financiers mondiaux, si bien que partout dans les mondes, les investisseurs se réfugient dans les bons du Trésor, même s’ils rapportent très peu’."
▪ Nous étions d’avis — sans avoir fait de recherches sur le sujet — que Harley-Davidson avait probablement atteint son sommet. Seuls des hommes mûrs enfourchent des Harley. Les jeunes préfèrent un style différent. Nous pensions qu’il était temps de vendre l’action.
Evidemment, les profits de l’entreprise ont grimpé en flèche. Pas à cause d’une augmentation des ventes ; comme le reste des entreprises américaines, Harley est en train d’apprendre à gagner plus d’argent sans vendre plus de marchandises.
Le New York Times nous en dit plus :
"Les ventes de moto chutent en 2010 comme depuis trois ans. L’entreprise ne s’attend pas à un renversement de cette tendance".
"En dépit de ce passage à vide, les profits de Harley grimpent — et grimpent même en flèche. La semaine dernière, Harley a annoncé des profits de 71 millions de dollars au deuxième trimestre, plus de triple du chiffre enregistré il y a un an".
"Cette apparente contradiction — chute des ventes, hausse des profits — est l’une des raisons pour lesquelles l’humeur de Wall Street est bien meilleure que celle des consommateurs, chez qui le pessimisme règne alors que le chômage ne donne pas signe de s’améliorer".
"De nombreuses entreprises se concentrent sur les réductions de coûts pour maintenir la croissance des profits, mais cette stratégie profite aux actionnaires plutôt qu’à l’économie au sens large, puisque les chefs d’entreprise conservent leurs liquidités au lieu de renforcer l’embauche et la production. Harley, par exemple, a annoncé son intention de supprimer entre 1 400 et 1 600 emplois d’ici la fin de l’année prochaine. Ils viennent se rajouter aux 2 000 emplois supprimés l’an dernier — plus d’un cinquième de la main-d’oeuvre".
Tout le monde fait ce qu’il faut. Les ménages réduisent leurs dépenses. Les entreprises réduisent leurs coûts. La croissance du PIB chute, et les investisseurs cherchent refuge dans les obligations américaines.
Alors où est le problème ? Eh bien, les autorités ne peuvent pas supporter de voir des gens faire ce qu’il faut. Elles veulent qu’ils fassent ce qu’il ne faut pas — c’est-à-dire dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas pour des choses dont ils n’ont pas besoin. Pourquoi ? Parce que ça donne fière allure à l’économie… et ça donne aux autorités l’air de savoir ce qu’elles font.
Ce ne sont que sottises et vanités, cher lecteur… sottises et vanité…
▪ Paris est une ville faite pour les amoureux. Nous sommes assis dans un café du 19e arrondissement dont la décoration consiste en une série complète de meubles de salon collés au plafond. Devant nous se trouve un jeune couple, japonais ou chinois. Ils sont beaux. L’homme est frappant, les pommettes ciselées, les cheveux longs. A première vue, nous dirions qu’il descend des envahisseurs mongols qui ont balayé la Chine et installé la dynastie de Kubilai Khan au XIIe siècle. C’est un croisement entre Jackie Chan et Gengis Khan. De son côté, la jeune femme a un joli visage doux, plus civilisé, comme les délicates courtisanes représentées sur les peintures chinoises.
En tout cas, il se montre ardent. Il se penche vers elle. Il l’embrasse. Il lui caresse l’épaule et la jambe. Il est si plein de vie, si enthousiaste, qu’il est difficile de ne pas l’apprécier.
Mais elle fait la coquette. Difficile de dire si elle apprécie vraiment ses attentions. Peut-être qu’elle est furieuse pour une raison ou pour une autre. Ou peut-être qu’elle pense à autre chose : le shopping… le voyage… ou la facture d’électricité.
En tout cas, soit il n’en s’en rend pas compte… soit il ne s’en soucie pas… soit il essaie de la charmer. Bonne chance !