La Chronique Agora

Vous découvrez un trésor ! Pouvez-vous en faire ce que vous voulez ? (2/2)

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Tout le monde n’a pas d’œuvre d’art cachée dans son grenier, mais il est bien plus probable de trouver de vieilles pièces enfouies dans un jardin ou cachées dans un mur. Attention, cependant : suivant ce que vous découvrez – et comment –, vous n’en serez pas forcément propriétaire…

Comme nous l’avons vu hier, se rendre compte qu’un vieux tableau trônant dans la cuisine de la maison familiale vaut des millions d’euros est assez rare, mais possible. Pour ceux qui voudraient le revendre, la procédure est relativement simple. L’Etat peut cependant pointer le bout de son nez lors de l’enchère, par le biais d’un musée qui rachèterai l’œuvre en lieu et place du vainqueur de l’enchère, puis bloquer l’exportation du tableau.

Mais abandonnons aujourd’hui l’exemple du tableau et prenons celui de lingots d’or.

Qui est l’inventeur ?

Supposons que vous avez acheté une maison aux enchères publiques parce que le propriétaire décédé n’avait pas d’héritier. En abattant un mur dans la cave, les deux ouvriers de l’entreprise de maçonnerie découvrent une boîte contenant des lingots d’or. A qui appartiennent-ils ?

Ici, le trésor était bien dissimulé puisque c’est en démolissant un mur qu’il a été découvert. Personne ne peut justifier en être le propriétaire, puisque l’ancien détenteur de la maison est décédé sans héritier. Les lingots ayant été découverts sur votre terrain, ils vous appartiennent donc… en théorie.

Le problème est que vous n’en êtes pas l’« inventeur » du trésor, c’est-à-dire celui qui l’a trouvé. L’article 716 du Code civil prévoit que « la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds ».

Autrement dit, dans notre exemple, le propriétaire de la maison devra partager avec les ouvriers du chantier. Il profitera de la moitié des lingots, tandis que les deux ouvriers se partageront l’autre moitié (à moins qu’un seul d’entre eux n’ait réellement découvert le trésor). Si le propriétaire avait démoli lui-même le mur, il aurait été l’inventeur, et aurait pu garder l’intégralité du trésor.

Attention, cependant : changer un petit détail de cet exemple rendrait l’Etat propriétaire de ces lingots… Et beaucoup d’autres exemples se terminent de la même façon…

Bonne nouvelle, au moins : le trésor ne sera pas taxé.

En revanche, s’il est mis en vente, vous aurez à vous acquitter de la taxe forfaitaire sur les objets précieux (métaux précieux, d’objets d’art et de collection). Son montant varie, selon la nature du bien vendu. Il est de 6% (objets d’art et d’antiquité, bijoux, objet de collection) ou de 11% (métaux précieux) du montant du bien, auquel s’ajoute la CRDS s’élevant à 0,5%. Dans notre exemple, la vente des lingots subirait donc une taxe de 11,5%.

Attention, objet à intérêt historique

Quelle que soit sa nature, la découverte d’un trésor doit être notifiée au maire de la commune qui, à son tour, en informera la Direction régionale des affaires culturelles. Celle-ci estimera alors si les objets présentent un intérêt pour la préhistoire, l’histoire, l’art, l’archéologie ou la numismatique et pourra alors s’en emparer.

Depuis le 7 juillet 2016, en effet, tous les biens mobiliers présentant un intérêt archéologique ou historique sont considérés comme appartenant à l’Etat. Si l’Etat décide de ne pas les garder, vous pourrez alors vous partager le trésor avec les inventeurs. S’il s’agit de bien culturels, il faudra disposer d’un certificat d’exportation pour les faire quitter le territoire national et payer la taxe forfaitaire sur les objets précieux (TFOP).

Les biens immobiliers d’intérêt archéologique ou historique sont également considérés comme appartenant à l’Etat. Il se peut, en effet, qu’en creusant votre terrain pour construire une piscine, vous découvriez des traces de bâtiments anciens, des canalisations antiques, des mosaïques, des vestiges funéraires, etc. Il vous faudra alors cesser immédiatement les travaux, déclarer la découverte à la mairie qui en informera les services compétents de l’État, prendre les mesures nécessaires pour protéger la découverte.

Il est probable que le Service régional de l’Archéologie (SRA) intervienne pour prendre la mesure de la découverte, l’enregistrer et décider de la suite à lui donner. Le SRA peut, en effet, décider l’arrêt des travaux afin de réaliser des fouilles. Le ministère de la Culture statuera sur les mesures définitives à prendre et pourra engager une instance de classement parmi les monuments historiques s’il le juge utile.

La découverte du trésor doit être fortuite

Reprenons la définition du Code civil : est considéré comme un trésor « toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ». Le dernier membre de la phrase est capital. Si vous trouvez des pièces de monnaie ou des bijoux anciens à l’aide d’un détecteur de métaux, la découverte n’est plus fortuite. Ce n’est alors plus un trésor.

En effet, l’article L. 542-1 du Code du patrimoine est clair : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »

Il faut donc une autorisation préfectorale pour utiliser un détecteur de métaux à des fins de fouilles. Plus largement, les fouilles archéologiques sont soumises au contrôle de l’Etat depuis la loi du 27 septembre 1941. L’article L. 531-1 du Code du patrimoine stipule que « Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie sans en avoir en préalable obtenu l’autorisation [de l’Etat]. »

Cela vaut également pour les recherches sous-marines. En revanche, si vous êtes adepte de la plongée, vous pouvez découvrir une épave, un vestige ou tout autre bien dit culturel de manière fortuite. Dans ce cas, il vous est demandé de le laisser en place, de ne pas y porter atteinte, et de déclarer la découverte (en la localisant précisément) à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), dans les 48 heures ou lors de l’arrivée au premier port.

L’Etat a ensuite six mois pour rendre la découverte publique et fournir une description du bien et des éléments permettant d’identifier un éventuel propriétaire. Celui-ci a alors trois ans pour se faire connaître et en revendiquer la propriété. Passé ce délai, l’objet, ayant été découvert dans le domaine public maritime (ou dans une zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles marins mesurés à partir des lignes de base de la mer territoriale), devient de droit la propriété de l’Etat.

Cependant, vous pouvez bénéficier d’une récompense, fixée par le ministre chargé de la Culture, en fonction de l’intérêt archéologique de la découverte. Elle sera plafonnée à 2 000 € pour un objet d’intérêt régional, 10 000 € s’il est d’intérêt national ou 30 000 € s’il est d’intérêt international.

Et si vous trouvez du gaz de schiste ?

En mars 2021, un agriculteur algérien, en forant son terrain à la recherche d’eau pour irriguer ses champs, a vu jaillir à la surface un liquide noirâtre et visqueux ressemblant à s’y méprendre à du pétrole. Si le pétrole est très rare en France, notre sous-sol regorgerait, en revanche, de gaz de schiste et même de terres rares comme le lithium, le manganèse, le graphite, l’iridium… autant de matières premières devenues précieuses.

Alors que les prix du gaz explosent, vous feriez vraiment fortune si vous trouviez un gisement de gaz de schiste dans votre jardin !

Mais ne rêvez pas : vous seriez immédiatement dépossédé de votre découverte. En effet, en France – contrairement aux Etats-Unis par exemple – les gisements, qu’ils soient pétroliers ou miniers, appartiennent à l’Etat et non au propriétaire du sous-sol. Si vous en trouviez dans votre propriété, l’Etat aurait tôt fait de vous exproprier pour cause d’utilité publique. Vous recevrez alors, comme l’indique l’article 545 du Code civil, « une juste et préalable indemnité »… Sans doute pas de quoi s’enrichir !

Lingots d’or, vestiges archéologiques, argenterie, objets anciens… ces biens ne sont pas forcément considérés comme des trésors par le Code civil, et leur découverte risque d’être strictement encadrée par la loi.

Il est donc très important de consulter un professionnel du droit avant toute action qui pourrait vous être ultérieurement reprochée par la justice.

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