La Chronique Agora

Votre accès aux marchés des matières premières va-t-il être limité ? (3)

Par Sylvain Mathon

La bulle des commos : à qui la faute ?
Pour le magazine Barron’s "il y a du sens à vouloir plafonner la spéculation pétrolière". Le magazine a publié récemment plusieurs articles pour montrer du doigt l’essor spectaculaire des fonds indexés sur le pétrole. Selon son estimation, les index traders détiendraient environ 40% des positions ouvertes au NYMEX sur le brut…

Comme le montrent ses chiffres, la récente flambée des cours pétroliers depuis février s’est accompagnée d’une montée en puissance des positions longues détenues par les fonds indexés.

Des fonds totalement déconnectés du marché réel du pétrole
L’objectif de ces fonds indexés (ETF) consiste à répliquer les performances des produits pétroliers.

Ces fonds, totalement déconnectés du marché réel du pétrole, présentent deux caractéristiques qui remettent en cause l’équilibre entre spéculation et hedging.

La première, c’est qu’ils mettent en oeuvre des stratégies buy only — c’est-à-dire qu’ils ne spéculent pas à la baisse. La seconde, c’est que jusqu’à présent, ils ont échappé aux plafonds que se voient imposer les spéculateurs traditionnels.

Une race particulière et dangereuse…
Cette race particulière — et dangereuse, argumente le magazine — de spéculateurs aurait largement contribué à alimenter la bulle pétrolière qui s’est mise en place entre 2006 et 2008 : ils ont poussé les cours loin de leurs fondamentaux, tout en dérogeant à leur vocation traditionnelle du spéculateur, qui est de garantir la liquidité du marché.

Faut-il pour autant leur mettre sur le dos toute la crise mondiale ?

Les ETF commodities : une goutte d’eau dans l’océan de cash !
Ces acteurs buy only n’ont fait qu’aller dans le sens d’une tendance à long terme, et sur laquelle tout le monde est à peu près d’accord. S’ils ont donc engendré des distorsions, celles-ci doivent être ramenées à une juste mesure.

Les ETF commodities ne représentent, à vrai dire, qu’une goutte d’eau dans l’océan de cash généré par les transactions OTC — un marché à 680 000 milliards de dollars ! — : moins de 1%, contre 71% pour les Swaps de taux d’intérêt ou 7% pour les redoutables CDS.

Mais un sujet politique porteur…
Il s’agit d’un marché ancré dans le physique, peu liquide — et surtout, d’un marché très visible, stratégique et sensible. La plupart des électeurs automobilistes américains se moquent bien des CDS qui leur ont pourtant coûté leur maison ; en revanche, la "spéculation pétrolière" — voilà un sujet qui retient leur attention !

Le bras de fer est engagé
Tels sont les éléments du bras de fer qui a commencé entre la CFTC et les grands acteurs du marché des dérivés commos — un bras de fer aux connotations éminemment politiques.

Les gouvernements et les autorités de régulation veulent non seulement "faire le ménage" pour en finir avec les dérives spéculatives, mais ils sont aussi à la recherche d’exemples qui leur apportent du crédit au sein de l’opinion : et les matières premières font un excellent candidat.

De leur côté, les opérateurs ont retiré, c’est indéniable, des profits énormes de la spéculation — notamment pétrolière. Ils ne sont pas du tout prêts à laisser étouffer la poule aux oeufs d’or et fourbissent donc leurs arguments !

Toutefois, deux arguments seront décisifs pour les régulateurs :

Le marché pétrolier reste un poumon de l’économie américaine
Premièrement, le marché pétrolier reste un poumon de l’économie américaine ; nombre de pros doutent que la CFTC puisse le durcir sans courir le risque de le "tuer" pour de bon. Si le trading est une source de profits importante pour les banques et qu’on leur complique soudain la vie, qu’est-ce qui pourra le remplacer ?

Il y a une deuxième menace, bien réelle : que les nouvelles contraintes imposées en Europe et aux Etats-Unis ne chassent le marché vers des paradis asiatiques. Tel est l’avis de Jim Rogers un "Monsieur Commodities" qu’on ne présente plus et dont je ne néglige pas l’opinion.

Nous verrons la suite dès demain

Meilleures salutations,

Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora

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