▪ Une bataille vient seulement de commencer. Il s’agit d’une course à la dévalorisation. Les pays développés espèrent ainsi diminuer un endettement devenu insupportable. Dans le même temps, les pays émergents entendent ne pas se laisser plumer et veulent continuer à soutenir leurs exportations.
Ne laissez pas votre épargne devenir une victime collatérale de cette guerre. Protégez-vous avec de l’or et des matières premières. Depuis 10 ans, aucune monnaie fiduciaire ne résiste à l’or. Souvent, les lecteurs me disent que "l’or, c’est en fait une histoire de dollar. Nous vivons en euro"…
Ce n’est pas vrai. L’or est devenu avant tout une histoire de monnaies. Voyez le tableau de l’évolution de l’or ci-dessous dans différentes monnaies depuis 10 ans. Aucune monnaie fiduciaire n’est forte. Elles sont toutes faibles. Simplement, certaines coulent moins vite que d’autres.
▪ Toutes les monnaies matières premières ne se ressemblent pas
Les monnaies matières premières sont celles qui sont émises par des pays riches de ces denrées dont tout le monde a besoin. Ce sont essentiellement les dollars australien et canadien ; dans une moindre mesure, le real brésilien, le rand sud-africain, le peso mexicain et le rouble.
Vous constaterez que les dollars australien et canadien sont bien placés. L’Australie est un fournisseur privilégié de la Chine. En raison de sa soif de matières premières, je le surnommerai le vampire du Milieu. Vient ensuite le Canada, dont l’exploration et le développement miniers sont un point fort. Les autres pays, bien qu’ils détiennent des réserves d’énergie (Brésil, Mexique, Russie) ou des minéraux importants (Afrique du Sud), ne peuvent se prévaloir d’une monnaie résistante. Nous touchons ici à des questions politiques (corruption, choix sociaux) qui ne sont pas de notre propos.
▪ Le rôle oublié de la monnaie : stocker votre travail
La question importante est pour vous, investisseur : comment en est-on arrivé là ? Une monnaie a trois fonctions. Les deux premières sont bien connues.
La monnaie est un instrument comptable avec lequel on mesure une valeur : une baguette = 1 euros, un hamburger = 3 $ (notez, au passage, ces petits chiffres, commodes pour la comptabilité quotidienne). C’est aussi un instrument d’échange.
La troisième fonction a sombré dans l’oubli, tout au moins dans celui des gouvernements et des banques centrales… mais leurs citoyens ne sont pas amnésiques. C’est celle de stockage du travail. Chaque citoyen veut pouvoir se réserver le droit de dépenser le fruit de son travail quand bon lui semble. Même un Indien ou un Chinois veut pouvoir décider quand échanger son travail contre un repas. Dans ce sens, la monnaie doit être un instrument de stockage de valeur fiable.
Les Etats providence des pays riches ont fait passer au dernier plan de leur politique cet aspect-là. Ils poussent leurs citoyens à la consommation immédiate. Les filets sociaux sont là en cas de pépin, les citoyens des pays riches peuvent s’offrir le luxe de se montrer imprévoyants. Pour assumer cette politique du "demain sera toujours meilleur", les déficits se sont creusés, les dettes se sont empilées. Finalement, l’épargne n’est plus rémunérée.
▪ L’or se venge dès que l’épargne est punie
Pour essayer de se dépêtrer d’une spirale de dettes et de faillites, les Etats-Unis ont abaissé leurs taux d’intérêt. Tant et si bien que le taux des obligations souveraines est passé au-dessous du taux d’inflation.
Oubliez les histoires d’offre et de demande dans la joaillerie ou l’industrie (dérisoire) concernant l’or. L’or se remonétise parce que le citoyen lambda — vous et moi — constate que son épargne est punie. Dès qu’une monnaie fiduciaire se met à déraper de cette façon, l’or, le flic de la monnaie, se réveille. Dès que le rendement réel de l’argent — c’est-à-dire le taux directeur moins le taux d’inflation — devient négatif (épargne punie), l’or enregistre une poussée.
Une seule brève exception : 2008. Au moment du krach II du crédit subprime (le krach I ayant été celui de la bulle internet), certains gérants de fonds ont dû jeter de l’or par-dessus bord pour éponger des pertes et honorer des demandes de remboursement des investisseurs.
▪ L’inflation calculée pour des esprits purs incite à la défiance
Il y aurait également beaucoup à dire sur l’inflation. Ce terme désigne en principe hausse des prix et des salaires. L’inflation est mesurée par ceux-là mêmes qui entendent la contrôler. De curieux concepts d’inflation sous-jacente, ou core inflation, se sont développés, qui ne tiennent compte ni de l’énergie, ni de l’alimentation, ni du logement. Cependant, comme peu de citoyens sont réduits à l’état d’esprit pur, ils sont en proie à un "sentiment de perte de pouvoir d’achat" qui stimule leur défiance vis-à-vis de la monnaie. Aux Etats-Unis, l’inflation, mesurée selon la méthode en vigueur dans les années 1990 (pré-Clinton), serait de 4,5% selon www.shadowstats.com. D’un point de vue ironique, alors que la Fed aimerait pouvoir afficher de l’inflation, elle est prise à son propre piège statistique…
Enfin, pour terminer sur le sujet de l’or, flic des monnaies, voici ci-dessous un graphe de l’évolution de l’or en dollar et en euro. L’or vit sa vie dans différentes monnaies, comme vous l’avez vu. Mais la tendance est la même : haussière. Tant que la monnaie ne sait plus stocker de la valeur, vous avez intérêt à la stocker dans l’or. Il sera temps de vendre lorsque les taux d’intérêt redeviendront décents.
Nous verrons la suite demain.
[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par les investissements "tangibles" et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières. Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances. est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek, dont cet article est extrait.]
Première parution dans Money Week le 31/12/2010