La Chronique Agora

Violence, bidonvilles et crédit

** Les sans-culottes deviennent violents. A ce jour, deux patrons ont été pris en otage en France. Les employés voulaient quelque chose que les patrons ne pouvaient — ou ne voulaient — pas donner.

* En Angleterre, les rustres ont attaqué la maison de Sir Fred Goodwin. Fred a coulé la Royal Bank of Scotland — on aurait pu penser que le peuple en aurait été ravi.

* Aux Etats-Unis, pendant ce temps, on organise des excursions en bus pour aller voir les maisons des dirigeants d’AIG et hurler à la mort. Excusez-vous, démissionnez ou suicidez-vous, a suggéré le sénateur Grassley.

* "Le secteur de la sécurité des entreprises est en plein boom", déclare le Herald Tribune.

* Jusqu’à présent, tout le spectacle des primes/salaires des dirigeants/renflouages n’était qu’une amusante diversion — distrayant l’attention des gens avec quelques petits millions tandis que la Fed leur faisait les poches et les dépouillait de milliers de milliards de dollars. A présent, les choses tournent mal.

* Nous pensons que le sang va couler… mais plus tard. Nous n’en sommes qu’aux débuts de la correction. Les investisseurs ont perdu de l’argent — beaucoup d’argent. Les propriétaires ont perdu leurs maisons. Les travailleurs et les huiles de Wall Street ont perdu leurs emplois. Mais les assoiffés de violence attendent toujours de recevoir quelque chose en l’échange de rien. Les renflouages vont fonctionner, pensent-ils. Le gouvernement interviendra et leur sauvera la mise. Ils n’ont pas encore compris que les renflouages gouvernementaux ne font qu’aggraver la situation.

* Le International Herald Tribune annonçait vendredi que des "bidonvilles" commencent à apparaître un peu partout aux Etats-Unis. Les gens mettent en place des tentes… des cabanes… et des favelas à la brésilienne. Le journal montre un groupe de tentes sous une autoroute de Californie. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. De nombreuses familles vivent d’un salaire sur l’autre… avec tout juste une semaine d’avance sur le loyer. Si les salaires cessent — même pour une courte période — ces foyers sont en difficulté.

* Lors d’une phase d’expansion, les emplois sont abondants et le crédit facile. Si on perd son emploi, on peut toujours en trouver un autre. S’il y a un trou dans le budget, on peut toujours le combler grâce aux cartes de crédit. Mais ça, c’était avant… et on est maintenant. Passez une offre d’emploi et vous recevrez sans doute des centaines de candidatures. Non seulement il est plus difficile d’obtenir un emploi… mais il est aussi plus difficile d’obtenir un crédit. Même les gens qui ont encore accès au crédit hésitent. Ils savent où ça mène ; bon nombre d’entre eux préfèreraient vivre sous une autoroute plutôt que d’augmenter leurs dettes.

* Un changement d’attitude fondamental s’est produit. Les gens pensaient pouvoir obtenir ce dont ils avaient besoin "juste à temps". Voilà pourquoi on trouve des épiceries ouvertes toute la nuit et des distributeurs de billets à tous les coins de rue. Mais quelque chose a mal tourné avec le système "juste à temps". Les distributeurs ne sont plus aussi accommodants qu’avant. Idem pour le marché immobilier. Ou le marché de l’emploi. Parfois, ils refusent de bouger.

* Maintenant, les gens veulent avoir un peu d’argent en poche… juste au cas où.

* Mais qu’en savons-nous ? Nous avons manqué tout le cycle du crédit. Lorsque nous étions jeunes — et avions besoin d’un crédit — les banques étaient encore assez intelligentes pour refuser de nous prêter quoi que ce soit. Puis, lorsque nous avons pris de l’âge, nous étions assez intelligents pour ne pas emprunter.

* Ayons pitié de ceux qui sont 20 ans plus jeunes que nous. Ils commençaient tout juste à avoir des enfants… à acheter une maison… à une époque où les banques avaient perdu la tête. Il était aussi facile d’avoir un crédit qu’une MST. A présent, il est encore plus difficile de se débarrasser de la dette. Les personnes âgées… et les jeunes… sont en général peu endettés. C’est la catégorie intermédiaire qui souffre.

** Alan Greenspan faisait les gros titres vendredi. Il présentait un magnifique travail d’embrouille dans le Financial Times, dont le contenu était le même que ses précédents articles. "Ce n’est pas ma faute", dit-il en substance.

* En un sens, il a raison. L’économie de marché est pleine de booms et de krachs, de sturm et de drang, de yin et de yang. L’économie de marché crée aussi de la prospérité, souligne-t-il. Et si les bulles sont le prix à payer, eh bien… ça en vaut la peine.

* "Je ne me rappelle pas avoir vu de bulles émerger dans l’ex-Union soviétique", dit-il.

* Oui, les bulles seront toujours parmi nous, cher lecteur. Mais ce n’est pas une excuse pour un président de Réserve fédérale qui a injecté encore plus d’air dans une économie déjà en pleine ébullition.

* Pauvre M. Greenspan. Plus il essaie de se défendre, plus il semble coupable. Et maintenant, il doit se traîner jusqu’à la fin de ses jours… un manteau vide sur un manche à balai… avec la malédiction de la plus grande crise financière de l’histoire pesant sur sa vieille tête ridée.

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