Quelles formes la punition des épargnants pourrait-elle prendre dans les années à venir ? Quand prendra-t-elle fin ?
Nous poursuivons notre passage en revue des instruments de torture que nous réservent les Etats. Après la mise en avant des obligations d’Etat, l’interdiction des portefeuilles de cryptomonnaies et l’instauration d’un ISF européen, deux autres outils sont envisageables…
Interdire aux personnes privées de détenir de l’or
C’est le scénario du pire. J’ai expliqué dans cette vidéo pourquoi il a peu de chances de se (re-)produire au sein des économies occidentales :
A priori, les confiscations étatiques devraient rester un vestige du passé, comme l’ont expliqué S&V dans leur rapport In Gold We Trust 2021.
Voici cependant ce que les deux Autrichiens ajoutent dans leur dernier opus :
« Le cahier des charges de l’étude de faisabilité sur un éventuel registre des actifs à l’échelle de l’UE fait également explicitement référence à l’or parmi les actifs dont l’enregistrement réglementaire doit être examiné. »
Cependant, si le risque d’interdiction leur semble faible, il en existe d’autres :
« Une interdiction de l’or nous semble peu probable, ne serait-ce qu’en raison de l’énorme travail bureaucratique que cela implique. Cependant, ces dernières années, l’achat et la vente d’or ont été considérablement limités, même dans les pays les plus libéraux comme la Suisse et l’Autriche, par l’abaissement de la limite maximale pour les ventes anonymes. »
Si les autorités publiques décident de serrer la vis au maximum, il semble donc plus probable que cela passera par l’enregistrement de toutes les transactions aurifères et par une hausse de la fiscalité des métaux précieux.
L’interdiction du cash
Il s’agit d’un sujet que j’ai eu l’occasion d’aborder en détails dans ces colonnes début 2020 (voir ici, ici et là). Depuis, les banques centrales travaillent d’arrache-pied sur leurs projets respectifs de monnaies numériques (ou MNBC). Evidemment, la perspective de la mise en place de telles horreurs accentue le risque de bannissement de la monnaie liquide.
Dans leur rapport IGWT 2022, S&V font référence à un document de travail publié par la BCE en janvier 2020 intitulé « La MNBC à paliers et le système financier ».
Le résumé qu’en font les deux Autrichiens étant à tomber à la renverse, je suis allé voir de mes propres yeux ce qu’il en est.
En page 6 de ce document figure ce tableau qui récapitule avec une ingénuité déconcertante les avantages et les conditions de l’introduction d’une MNBC :
J’ai surligné en jaune les passages les plus importants, dont je vous propose la traduction suivante :
- Un « meilleur contrôle des activités illégales de paiement et d’épargne, du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme », moyennant « l’interdiction des billets de banque (a minima les grosses coupures) », dans le scénario d’une « MNBC qui ne serait pas anonyme »;
- « Permet de surmonter le plancher des taux d’intérêt nominaux (ZLB), puisque des taux d’intérêt négatifs peuvent être appliqués à la MNBC», à condition que « les billets de banque (a minima les grosses coupures) soient interdits » ;
- « Un moyen plus facile de fournir de la monnaie hélicoptère» ;
- « Des revenus de seigneuriage plus élevés pour le gouvernement (et les citoyens) car le gouvernement reprend la main sur les banques [commerciales] au niveau de la création monétaire. »
Bref, on se situe dans la droite lignée de « la dernière proposition des enragés du FMI » (une formule de Simone Wapler) que je vous avais narrée ici.
Il va sans dire que si la BCE instaure une MNBC non-anonyme, vous pouvez dire adieu à votre vie privée, a fortiori en cas de démonétisation du cash.
Que retenir de tout cela ?
Jusqu’en décembre 2021, la course à l’endettement n’était pas un problème, puisque les taux longs très bas garantissaient un service des dettes (publiques et privées) à un plus bas historique. Le retour en fanfare de l’inflation sur le devant de la scène a mis un terme à cette époque, et depuis le mois de septembre ressurgissent de vives tensions sur les marchés de la dette souveraine, l’Angleterre ayant inauguré ce bal funeste.
Quid de la suite ?
Comme l’écrivent S&V :
« Comme pratiquement aucun Etat ne peut se permettre une hausse marquée du niveau des taux d’intérêt, la répression financière va s’accentuer ; elle doit s’accentuer. Les Etats exigeront des recettes fiscales plus élevées, ce qui mettra sous pression les derniers vestiges de la liberté financière.
La possibilité qu’il ne s’agisse que d’un épisode temporaire est exclue au vu des rêves de dépenses des politiciens (mots clés : transition énergétique, transformation verte de l’économie), de la perte des dividendes de la paix à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine et du profond changement démographique. »
Le passage à un contrôle officiel de la courbe des taux, à l’instar de ce qui s’est déroulé aux Etats-Unis entre 1942 et 1951, permettra-t-il aux banques centrales de sortir les Etats de l’ornière ?
Pour S&V, les grands argentiers ont beau être de plus en plus politisés et se considérer « de plus en plus comme les financiers des gouvernements plutôt que les gardiens de la monnaie », une telle stratégie est vouée à l’échec.
Ajoutez à cette première forme de répression financière quelques-uns des 5 outils de torture que nous venons de passer en revue, et vous arriverez sans doute un bon aperçu de ce qui nous attend.
« Le choix et la pondération relative des instruments varieront d’un pays à l’autre, mais aucun État au monde n’y parviendra sans augmenter la pression fiscale et intensifier la répression financière », concluent S&V.