La transition vers le « tout électrique » d’ici 2035 (10 ans) se présente de plus en plus comme une impasse.
Quel contraste !
Les indices US viennent d’aligner neuf séances de hausse sur une série de dix, le S&P 500 revient à moins de 1% de son zénith du 17 juillet dernier.
Mais le secteur automobile commence juste à se redresser, bénéficiant d’achat à bon compte ciblant des valeurs décotées… que l’on achète par défaut, quand tout le reste a déjà trop monté.
Aux Etats-Unis, Ford a chuté de 14,5 $ vers 9,5 $ entre la mi-juillet et le 5 août. En Europe, Stellantis est passé de 19 € à 13,3 € au cours du même intervalle, mais le titre a surtout perdu 50%, entre 27,3 € le 25 mars et 13,7 € le 12 août dernier. Volkswagen s’en sort mieux, avec une correction de 28% entre 128,6 € le 3 avril et 92,6 € ce 13 août, avant de connaître un timide rebond vers 96 €.
Même si Stellantis a repris +5% en une semaine vers 14,9 €, le cours reste profondément déprimé par rapport à ses principaux concurrents du Vieux continent et des Etats-Unis.
Le groupe présente la particularité de détenir un portefeuille de marques de part et d’autre de l’Atlantique, et loin de constituer un avantage (il y a toujours, en théorie, une dynamique haussière sur laquelle surfer en Europe ou aux Etats-Unis), il semblerait que cela additionne les inconvénients.
La mévente des gammes de véhicules du groupe est particulièrement préoccupante outre-Atlantique pour Chrysler, Dodge et Jeep.
Carlos Tavares a choisi de privilégier la vente des modèles les plus « haut de gamme » (gros SUV Dodge ou Jeep) qui présentent les meilleures marges (ce qui a bien réussi à Peugeot, Opel et « DS » en Europe, dans un premier temps).
Mais avec une gamme vieillissante et le déferlement des modèles chinois, bien dessinés et suréquipés, le consommateur américain se tourne vers des véhicules bien moins chers et d’aspect innovant… surtout s’il s’agit de modèles électriques.
La déclinaison des modèles iconiques en version électrique tarde à faire ses preuves, car ces véhicules sont 30% plus chers et disposent d’une autonomie limitée (autour de 300/350 Km). C’est rédhibitoire dans un pays où faire un trajet de 500/600 Km d’une seule traite (avec un seul plein d’essence) fait partie des habitudes les plus banales.
A cela s’ajoute depuis deux ans la forte hausse du coût des crédits automobiles : elle touche évidemment tous les constructeurs, mais c’est Stellantis qui en pâtit le plus du fait de son positionnement « haut de gamme », avec une politique « zéro rabais » (n’est pas Ferrari qui veut).
Ceux qui n’ont plus les moyens se tournent vers des modèles plus abordables (à moins de 40 000 $)… pile dans le coeur de gamme « premium » des marques chinoises.
Carlos Tavares semble avoir sous-estimé tous ces facteurs, et concède lui-même avoir fait preuve « d’arrogance » (ou d’excès de confiance).
La grogne commence à se manifester du côté des fonds de pension, des actionnaires activistes disent avoir été trompés par des prévisions irréalistes et commencent à entamer des actions en justice (qui ont peu de chance d’aboutir).
Voilà pourquoi Carlos Tavares se rend en urgence sur le sol américain pour effectuer une tournée des filiales US du groupe… officiellement pour bien « caler » le lancement de nouveaux modèles (qui se faisaient attendre), mais les investisseurs attendent surtout des mesures fortes pour accélérer le déstockage, ce qui probablement passer par des « promos » agressives (rabais importants), et cela risque de peser sur les ventes des nouveaux modèles si leur positionnement/prix n’est pas optimal.
La détente des taux qui devrait s’amorcer à partir du 18 septembre devrait alléger le coût du crédit automobile (et resolvabiliser les acquéreurs), mais là encore, tous les constructeurs américains vont en bénéficier de manière égale… sauf Ferrari qui vend mieux quand le coût de ses « supercars » augmente !
En ce qui concerne la France et l’Europe, il y a également de sérieux problèmes de mévente (la production de la « 5008 » en version thermique va être arrêtée) et les chaînes qui sortent les « 3008 », les « DS », les Citroën de « série 5 » connaissent de plus en plus de périodes de mise au chômage technique.
Ce sont les « petits modèles » thermiques qui sont les plus demandés et les modèles électriques sont clairement devenus inaccessibles aux salaires dits « médians ».
Et comble de malheur, le coût de la recharge sur autoroute – en plus du temps d’attente si toutes les bornes sont prises d’assaut les jours de grand départ – affiche un coût prohibitif, jusqu’à trois fois le budget du kilowatt « à domicile »… et cela commence à se savoir.
Le ratio autonomie/coût ne confère plus un avantage décisif à l’électrique, sans compter qu’il faut compter dix heures pour faire 700 Km (deux recharges… et que faire des enfants en bas âge durant ces pauses interminables, surtout s’il fait 30° ?) contre la moitié (en roulant sans arrêt, ce qui est certes déconseillé) avec un véhicule thermique où la clim’ ne vide pas la batterie en deux heures.
Ford et General Motors (qui vient d’annoncer le licenciement de 1 000 personnes dans ses bureaux de recherche sur les questions électroniques) sont en train de revoir à la baisse leur politique d’investissement dans les véhicules électriques.
Peugeot qui a déjà « tué les coûts » dans pratiquement tous les domaines dans toutes ses usines dispose-t-il encore de marges de manoeuvre aux Etats-Unis, avant d’être contraint de « tuer ses marges » en sabrant les prix de vente de ses véhicules en stock ?
Avec une contre-performance de -50% en cinq mois, il semble que les investisseurs ont déjà intégré un tel scénario. Carlos Tavares ne va pas se déplacer aux Etats-Unis sans faire d’annonces destinées à rassurer les actionnaires : un rebond du titre Stellantis en direction de 20 € semble donc fort vraisemblable au cours des prochaines semaines… mais plus globalement, la transition vers le « tout électrique » d’ici 2035 (10 ans) se présente de plus en plus comme une impasse.