La Chronique Agora

L’usine qui aurait pu faire basculer le destin d’un pays

Nous retraçons le destin d’une raffinerie de sucre en Argentine, qui a réalisé des choses qui seraient sans doute impossibles de nos jours…

Nous sommes toujours en Argentine. Toujours coupé du reste du monde (les aéroports sont fermés).

Nous en tirons le meilleur parti en apprenant autant que possible les leçons d’une économie qui a foncé dans le mur.

Comme vous allez le voir… tout n’a pas raté.

Ce qui suit est une brève histoire de l’un des investissements les plus profitables de tous les temps.

Une stratégie audacieuse… hardie… difficile – mais qui s’est finalement révélée extrêmement lucrative… créant l’une des plus grosse fortunes d’Amérique du Sud… et nourrissant la carrière politique de l’homme qui aurait pu empêcher la banqueroute de l’Argentine.

Il s’agit de « Tabacal » – une gigantesque exploitation de sucre de canne dans le nord-ouest de l’Argentine.

De la richesse réelle

Nous l’abordons parce que c’est une histoire fascinante. Elle nous parle à la fois du monde tel qu’il était au début du XXème siècle… et tel qu’il est 100 ans plus tard.

A l’époque, un groupe d’hommes d’affaires et d’investisseurs argentins pouvaient créer un gigantesque nouveau secteur, faisant appel à des milliers de personnes… à des millions de dollars de capital réel (du vrai argent, gagné – et épargné – par de vraies personnes)… et à toutes les technologies de dernier cri en matière d’agriculture, d’ingénierie mécanique, d’ingénierie hydraulique, de botanique, de chimie et de nombreuses autres disciplines. Ils pouvaient créer ce qui serait aujourd’hui des milliards et des milliards de dollars de nouvelle richesse.

Une fois encore, on parle de richesse réelle – du sucre – pas uniquement de nouvelles applis pour smartphone et autres gains factices issus d’un marché boursier artificiellement gonflé par la fausse monnaie de la Réserve fédérale.

Un projet improbable

Notre histoire commence en 1916. C’est à ce moment-là que Robustiano Patrón Costas, descendant du train à Orán, en Argentine, réalisa que la région se prêtait très bien à une raffinerie de sucre moderne.

A l’époque, cela semblait tout à fait improbable. La campagne environnante était entièrement sauvage, avec très peu d’habitants et aucune des infrastructures nécessaires à une usine de grande taille. Pas de ville. Pas d’ouvrier qualifiés. Pas de routes. Pas d’électricité.

Malgré tout cela, Patrón Costas a réuni un groupe d’investisseurs et s’est lancé dans un projet à couper le souffle… qui, aujourd’hui, semble presque impossible.

Ils ont dû débroussailler des milliers d’acres – en grande partie avec des pelles et des pioches uniquement. Il a fallu construire un vaste système d’irrigation, détournant partiellement une rivière pour la faire passer par des canaux, des écluses, des digues et des centaines de kilomètres de fossés.

La terre dut être labourée et semée… expérimentant avec différentes sortes de canne à sucre en provenance du monde entier. Il fallut identifier et vaincre des insectes et des maladies nuisibles aux plantes. Il fallut construire une voie ferrée pour transporter la canne à sucre jusqu’à la raffinerie – équipée, au final, de 16 locomotives et 1 500 wagons de fret.

Ville nouvelle

Ce n’était qu’un début. Durant la saison de la récolte, 8 000 travailleurs étaient nécessaires. Où vivraient-ils ? Que mangeraient-ils ?

Et qu’en était-il des milliers d’employés permanents ? Où leurs enfants iraient-ils à l’école ? Où prieraient-ils ? Où mangeraient-ils ? Et s’ils tombaient malades ?

Patrón Costas et ses associés durent construire toute une ville. Des maisons – propres, nettes, modernes, construites dans des rues bordées d’arbres –, des églises, des écoles (pour 1 200 élèves), des boulangeries, des scieries, deux coiffeurs (un pour les hommes, l’autre pour les femmes), des ateliers de menuiserie et de métallurgie… un théâtre, des courts de tennis, des terrains de polo… et un hôpital, où non seulement on soignait les gens, mais où les technologies médicales les plus récentes – comme les rayons X – étaient disponibles, et où l’on pratiquait aussi des opérations chirurgicales.

Une laiterie fournissait du lait. Une ferme donnait des fruits et légumes. La boulangerie traitait 80 sacs de farine, de 75 kg pièce, tous les jours.

La raffinerie elle-même était tout aussi gigantesque, alimentée par sa propre centrale électrique. En 1945, elle produisait 51 millions de kilos de sucre et quatre millions de litres d’alcool. Dans les années 1980, c’était la plus grande raffinerie de sucre au monde.

Les investisseurs sont devenus riches – et les salariés ont prospéré aussi. La raffinerie a fait venir des milliers d’autochtones n’ayant ni compétences ni argent – nombre d’entre eux faisaient partie des tribus indigènes de la région – pour en faire des charpentiers, des cuisiniers, des machinistes, des boulangers, des chauffeurs et même des ingénieurs chimistes.

Qu’est-ce que tout ça est devenu ensuite ? C’est ce que nous verrons dès demain.

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