La Chronique Agora

Une fois que les cartouches de la Fed et de la BCE seront grillées, faisons appel au MES

Paris s’était arraché dès vendredi matin au-dessus des 3 150 points. Personne ne l’avait vu venir, pas un day trader n’était reparti acheteur jeudi soir, pas un analyste technique n’avait identifié la petite divergence haussière cachée qui précède parfois les grands rallies haussiers…

Mais vendredi soir, tous les génies de la prévision boursière — qui ne voyaient même pas le CAC 40 rejoindre les 3 100 la veille — entonnaient en choeur le grand air du retour sur 3 450 ou 3 600 avant le milieu de l’été.

Tous saluent l’avancée considérable de vendredi matin. Ils ne savent rien de ce qu’Angela Merkel a déclaré en marge de sa prestation devant le Bundestag (« cet accord ne nous engage à rien ») et ils n’ont rien compris à la règle du jeu du MES (l’unanimité fait loi).

Ils n’ont pas tressailli lorsque la Finlande et les Pays-Bas ont annoncé dès lundi midi leur refus de voir le MES racheter des émissions bancaires sur le marché secondaire. Sans cela, il ne sert strictement à rien, ce n’est même pas la peine de le doter d’un statut ni de fonds propres. Il n’y a qu’à le laisser en son état actuel de mécanisme de secours virtuel.

▪ Comment remplir les caisses du MES ?
Si jamais le MES voit le jour et qu’il se met à mobiliser des moyens d’intervention à la hauteur des enjeux — mettons 1 000 milliards d’euros pour sécuriser le système bancaire espagnol et italien — comment des pays contributeurs comme la France vont avancer cet argent ? Il manque déjà 10 milliards d’euros pour boucler le budget 2012 et 33 milliards d’euros pour 2013 si jamais la croissance atteint au moins 1% — ce sur quoi peu de prévisionnistes osent parier.

Pour l’instant, le MES n’ a été ratifié que par cinq pays sur 16 (dont la France et l’Allemagne), les autres réfléchissent. Ils ont d’ailleurs intérêt à y réfléchir par deux fois car le principe de base, c’est que les exigences du MES en matière d’abondement s’imposent au Parlement européen réduit à un rôle de chambre d’enregistrement des sommes à décaisser séance tenante.

Aux Etats ensuite de se débrouiller pour restaurer leurs équilibres budgétaires. Les recettes pour y parvenir sont bien connues : hausse de la TVA, suppression des niches fiscales, gel du traitement des fonctionnaires et au besoin réduction de leurs effectifs.
Ensuite, il faut passer aux expédients les plus douloureux : alourdissement de la fiscalité sur le patrimoine immobilier, sur les pensions de retraite (via la CSG), sur les entreprises.

Les marchés (enfin, Paris en particulier) partent ventre à terre à propos du MES. Ils commandent déjà la prochaine Ferrari (ou un CAC 40 à 3 600 points) comme s’ils allaient être engagés au PSG (où l’argent du Qatar coule à flots), alors qu’ils ne se savent même pas comment fixer un protège tibia, ni visser les crampons d’une chaussure de foot.

▪ Le mirage du MES
Les mirages du MES (et la le mot « mirage » prend tout son sens) attirent les indices boursiers vers des sommets plus revus depuis deux mois. En effet, le CAC 40 flirte avec les 3 250 points pour la première fois depuis le 27 avril dernier.

Si l’on se reporte une année en arrière et presque à date anniversaire, nous constatons que le même scénario s’était matérialisé du 25 juin au 2 juillet. Sauf qu’à cette époque, la hausse du CAC 40 (+5%) avait été progressive au lieu de surgir miraculeusement à quelques heures de la fin du second trimestre.

▪ Une première séance du second semestre dans le rouge pour les US
Aux Etats-Unis, la première séance du second semestre 2012 s’est déroulée — contrairement aux indices européens — à 95% en territoire négatif. Les indices américains n’ont, opportunément, accéléré à la hausse qu’au cours des cinq dernières minutes.

Le S&P en a profité pour ressortir du rouge et grappiller trois points à 1 365 points. Le Nasdaq a pris 0,5% et renoue avec sa MM100 qui gravite vers 2 951 points –symboliquement mais aussi techniquement, c’est un rendez-vous important.

Si l’on ne considère que les scores de clôture, les investisseurs ont apparemment ignoré le repli de l’ISM manufacturier américain sous les 50 (à 49,7 partant de 53,5)… la dégradation des indices d’activité industriels et immobiliers en France et en Europe… le huitième repli de l’ISM manufacturier chinois — lequel a préservé in extremis le seuil des technique des 50 et se maintien du côté de la croissance par le plus petit écart mesurable (à 50,2%).

▪ Des scores incroyables compte tenu du contexte
Il convient maintenant de remettre en perspective le discours plaintif de Wall Street au sujet des dangers tous azimuts qui menacent les pauvres actionnaires américains : peu de croissance mondiale, risque de désintégration de la Zone euro, des bénéfices attendus en baisse aux deuxième et troisième trimestre 2012.

La situation est tellement désespérée que le Nasdaq Composite engrange 12,3% depuis le 1er janvier et le Nasdaq-100 porte son avance à plus de 15%.

Pour une année de tous les dangers, c’est une performance que l’on peut qualifier d’inespérée. Mais ce n’est pas une raison pour cesser de mettre la pression sur la Fed pour qu’elle prépare la mise en oeuvre du prochain QE3ou sur la BCE pour qu’elle baisse son taux directeur lors de la prochaine réunion. Une fois que ce sera chose faite, elle aura bel et bien grillé sa dernière cartouche. Il sera alors bien temps de penser à activer le MES qui permet de faire appel aux contribuables pour sauver le système.

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