La Chronique Agora

Une descente aux enfers

** "Les consommateurs américains réduisent leurs dépenses de façon drastique", annonçait vendredi la première page du International Herald Tribune.

* "C’est le pire déclin depuis les années 1980 ; les chiffres montrent que le PIB [US] diminue".

* Mais… à quoi s’attendaient-ils ?

* Nous sommes d’humeur particulièrement joyeuse ici, dans les bureaux parisiens de la Chronique Agora. Pourquoi ? Parce que tout se passe comme prévu. Dieu est en son royaume. La reine est sur son trône. Et le Gros boom se transforme en Grosse chute.

* Comme nous l’avions annoncé à plusieurs reprises dans nos colonnes, les dépenses des consommateurs sont en chute libre. Mais que pouvait-il se passer d’autre ?

* Regardons un peu en arrière pour voir comment nous en sommes arrivés là.

* En 2002, les autorités américaines ont donné une chiquenaude à l’économie — alors en plein effondrement — par un apport historique de liquidités et de facilités de crédit. S’en est suivi une bulle de l’immobilier exceptionnelle… qui a soulevé toute l’économie mondiale. Les Américains ont acheté quantité de choses qu’ils ne pouvaient pas se permettre avec de l’argent qu’ils n’avaient pas vraiment. Et le monde entier a retrouvé le sourire.

* Mais quand les prix des maisons sont montés tellement haut que le citoyen lambda ne pouvait même plus rêver d’acheter une maison lambda, il a fallut que quelque chose cède quelque part.

* L’immobilier a commencé à s’écrouler… emportant dans sa chute le secteur des finances spéculatives adossées aux hypothèques.

* Au début, peu de gens ont pris ça au sérieux ; il a donc fallu un bon moment pour que les propriétaires réagissent. Mais en fin de compte, ils ont dû réduire leurs dépenses.

** Dans une économie basée à 80% sur les dépenses des consommateurs, une réduction des dépenses entraîne forcément une crise.

* Et quand les entreprises font moins de bénéfices, il est évident que le prix de leurs actions va chuter.

* Et tout ça s’est passé, comme prévu.

* Mais que va-t-il arriver ensuite ?

* Tout d’abord, nous devrions commencer à voir les chiffres du chômage augmenter de façon inquiétante. Elaguer les listes d’employés prend du temps, mais nous ne devrions pas tarder à voir des branches mortes s’accumuler sur le sol. Puis le bois vert. De bons, jeunes employés seront supprimés en même temps que les baby-boomers.

* Un hôtel qui a récemment ouvert ses portes à Las Vegas a publié des offres d’emploi. Il a reçu 67 000 candidatures pour 500 postes. American Express a annoncé la semaine dernière que l’entreprise allait licencier 7 000 employés.

* Le taux de chômage américain est désormais officiellement à 6%. Il va dépasser les 10%… et continuer à augmenter.

* Ensuite, nous commencerons à voir une grosse augmentation des faillites, des défauts de paiement et des saisies. Même après les licenciements et les réductions de dépenses, les entreprises seront dans l’impossibilité de payer leurs factures. Les employés licenciés auront du mal à trouver un nouvel emploi ; ils se déclareront eux aussi en faillite. Les obligations d’entreprises perdront toute valeur. Des milliards de dollars de dettes automobiles et de cartes de crédit — ainsi que les dettes hypothécaires — seront irrécouvrables.

* Que se passera-t-il d’autre ?

* La mondialisation va reculer. Cette fois-ci, il n’y aura plus besoin d’appeler Messieurs Smoot et Hawley. M. le Marché va s’occuper de tout. Le commerce mondial va s’écrouler quand les consommateurs de premier et dernier ressort — les Américains — cesseront de dépenser.

* Nous avons déjà vu ça dans le domaine capital de l’équipement. Volvo a reçu 41 970 commandes de camions au troisième trimestre 2007. Au troisième trimestre 2008, Volvo n’a reçu que 155 commandes au total.

* Comme le rapporte Mark Gilbert à Bloomberg, si personne n’achète de camions, inutile d’acheminer les camions par bateaux. Le taux de fret maritime s’écroule lui aussi. Acheminer un camion par bateau coûte désormais à peine 10% de plus que ça ne coûtait en début d’année.

* C’est une "descente aux enfers", dit Michael Bloomberg lui-même, quand il décrit ce qui attend le prochain président des Etats-Unis.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile