** "Partons du principe que l’impensable se produit", déclare notre vieil ami Marc Faber. "L’économie chinoise ralentit radicalement, voire se contracte — et il y a des raisons pour que cela se produise. Les prix des matières premières s’effondrent et provoquent des troubles économiques dans les pays producteurs de ressources naturelles. Les importations de biens de consommation et de capitaux en provenance d’Europe et du Japon déclinent. Nous aurions alors de parfaites conditions pour une contraction économique mondiale, avec des conséquences terribles pour les profits des entreprises et les prix des actifs".
* Nous sommes en route pour la Ville Eternelle. Les écoles parisiennes sont en vacances, nous tirons donc parti de cette interruption de la routine scolaire pour apprendre quelque chose.
* Isolé de nos sources de désinformation habituelles, nous avons réfléchi. Voilà le fruit de nos réflexions : et si nous nous trompions ? (Dans la mesure où nous nous trompons souvent, le temps passé à réfléchir aux alternatives est rarement perdu. Souvent, ça se termine en prophéties).
* Selon notre théorie, la guerre entre l’inflation et la déflation laisse des millions de victimes, mais aucun gagnant clair — du moins pas pendant quelque temps. Au lieu de cela, les prix des actions, des maisons et de la main d’oeuvre américaines sont à la baisse… tandis que les matières premières, le pétrole, l’or (et certains marchés émergents) grimpent.
* Mais nous pourrions nous tromper dans les deux directions. Soit l’inflation soit la déflation pourraient bientôt sortir victorieuse. La plupart des analystes pensent que l’inflation sera le gagnant clair — avec de fortes hausses non seulement pour les matières premières, mais également pour l’économie et les actions… et peut-être l’immobilier. Ils pensent que l’industrie financière a atteint son plancher ; elle ne va pas tarder à se remettre sur pied pour recommencer à gonfler l’économie toute entière.
* Marc propose le point de vue opposé : la déflation sera la grande gagnante, entraînant toute l’économie mondiale dans la crise, avec une baisse du prix des matières premières comme des actions et de l’immobilier.
* Marc note qu’une bonne partie des profits mondiaux provient des exportateurs d’énergie — la Russie et les pays arabes — et des fabricants de produits finis en Asie, notamment en Chine. Tous dépendent des mêmes acheteurs étrangers.
** Ce week-end, par exemple, nous avons découvert que les marchés émergents utilisent désormais plus de pétrole que les Etats-Unis. Ils utilisent plus de pétrole parce que leurs économies se développent — parce qu’ils envoient encore des produits vers les Etats-Unis. Dans une véritable crise, les Etats-Unis (et d’autres pays développés) cesseraient d’importer tant de pétrole… et tant de marchandises en provenance de Chine, ce qui aurait pour effet de réduire aussi la consommation d’énergie de la Chine. Résultat : une baisse des prix de l’énergie et une récession mondiale… voire la pire récession mondiale de l’histoire.
* Quelles pourraient être les conséquences d’une telle crise ? Aux Etats-Unis et en Europe, rien de catastrophique, probablement. Les gens des pays développés vivent sur un épais coussin. Le banc sur lequel ils sont assis pourrait devenir plus dur et moins confortable ; les actifs pourraient voir leur prix chuter ; les bénéfices déclineraient (pour les entreprises comme pour les individus) ; sinon, la vie continuerait comme avant ou à peu près.
* Sur les marchés émergents, par contre, des milliards de gens assis actuellement sur le rebord précaire de la vie moderne pourraient dégringoler. Le boom artificiel — déclenché par des taux de prêts excessivement bas en Occident — a poussé des millions de gens, dans les pays en voie de développement, à abandonner leurs fermes pour s’installer dans les villes.
* Pour la première fois de l’histoire, la planète compte plus de gens vivant dans les villes que dans la campagne. Ces gens ne peuvent plus "s’en sortir" en tant qu’agriculteurs de subsistance. Ils n’ont plus de terrain où survivre. Au lieu de cela, ils dépendent d’une économie sophistiquée et mondialisée pour assurer leur pain quotidien. Et si cette économie s’effondraient, ils pourraient avoir faim… voire mourir de faim.
* On a déjà assisté à des émeutes alimentaires dans diverses régions du monde — et ceci alors que l’économie mondiale est encore en croissance ! Pensez à ce qu’ils feront si l’économie recule… si leurs revenus (qui grimpent de 10% par an, voire plus) commencent à chuter… s’ils n’y a plus d’emplois pour eux dans les villes… et plus rien à manger. Ah, cher lecteur, c’est là que les choses deviennent intéressantes.
* Nous ne sommes pas en train de prédire de telles choses. Nous nous en tenons à nos prévisions moyennes… qui ne voient ni prospérité mondiale, ni ruine mondiale. Mais il y a des risques dans les deux directions. Et alors que la plupart des gens attendent une récession douce et une reprise rapide… quasiment personne n’attend le genre de crise globale imaginée par Marc Faber. On pourrait voir le pétrole sous les 50 $… le Dow sous les 5 000 points… la ruine de l’industrie financière… et des millions de familles à la rue.
* Et ce sont là les bonnes nouvelles ! Sur les marchés émergents, ce pourrait être bien pire — pire que durant la Grande dépression des années 30. Et il y a aussi le risque politique.
* Que font les gouvernements lorsqu’ils se retrouvent confrontés à un effondrement économique et à des troubles sociaux ? Hemingway l’a décrit :
* "La première panacée d’un gouvernement mal géré, c’est l’inflation de la devise. La deuxième, c’est la guerre. Toutes deux apportent une prospérité temporaire ; toutes deux apportent une ruine plus permanente".
* En d’autres termes, ils font exactement ce que Ben Bernanke et John McCain ont déjà promis. Ils larguent de l’argent depuis des hélicoptères et promettent de bombarder l’Iran.
* Imaginez si les dirigeants de la Chine et de la Russie sont aussi simplets que ceux des Etats-Unis. Ce qu’ils sont sans doute…