La Chronique Agora

Un seul voeu pour les marchés en 2010 : que rien ne change par rapport à 2009 !

 

▪ La première clôture négative de l’année 2010 survient au lendemain d’un accès d’exubérance. Ce dernier matérialisait la prédominance d’un consensus haussier quasi univoque — dans le droit fil des neuf mois de hausse qui se sont enchaînés sans que les forces de rappel aient jamais eu le loisir de s’exprimer durant plus de cinq séances d’affilée depuis la mi-juillet.

Le score de -0,03% observé à Paris mardi soir déçoit beaucoup d’opérateurs. A quoi bon tirer un CAC 40 déjà en hausse de 1,8% lundi soir de 0,2% supplémentaire au moment du fixing… pour le laisser clôturer en baisse symbolique d’un point (à 4 013) le lendemain même, alors les cours étaient parfaitement stables à 17h29 ?

Pour les consoler, nous attirons votre attention sur le gain de 0,09% affiché par le SBF 120 à 17h35. Il aligne une troisième séance de hausse consécutive et une huitième clôture positive sur une série de neuf. Tout cela pour un gain cumulé de 5% au cours de la période d’échanges la plus creuse de la décennie : 1,7 milliard d’euros échangés par jour en moyenne, contre 3,3 milliards lors des précédents rallies haussiers d’ampleur comparable.

Le rapport gain/volume n’intéresse visiblement personne… tant que la Bourse monte : c’est cette seule réalité qui importe ! Pourquoi s’encombrer l’esprit avec des concepts techniques qui ont démontré leur inefficience tout au long de l’année 2009 ?

Les pronostics haussiers sont devenus auto-réalisateurs. Le cours est perçu comme la seule information digne d’intérêt — ce qui permet d’échapper à tout débat critique sur le lien unissant une tendance et les anticipations conjoncturelles. La spéculation boursière est devenue une discipline d’une simplicité biblique : acheter ce qui monte, vendre ce qui baisse. Pourquoi ne pas en profiter sans état d’âme ?

▪ La mainmise des haussiers sur la tendance ne souffrait d’aucune contestation mardi après-midi. Cependant, l’optimisme qui régnait encore à une demi-heure de la clôture s’est étrangement dissipé au cours du dernier quart d’heure. Le CAC 40 affichait pourtant un gain de 0,3% vers 17h ; il démontrait de nouveau sa résistance aux mauvaises nouvelle provenant du secteur immobilier américain.

Tout comme la veille, les volumes se sont nettement étoffés au cours de la dernière heure de cotation (un tiers des trois milliards d’euros échangés). Ce sont les vendeurs qui ont eu le dernier mot : serions-nous en train d’observer une discrète vague d’allègement de la part d’initiés ? Ils serviraient ainsi généreusement les opérateurs passés acheteurs au-dessus des 3 950 et qui jouent l’objectif des 4 300 points (même scénario sur l’ensemble des indices mondiaux)…

▪ A Wall Street, le Dow Jones s’inscrivait en repli de 0,4% à la mi-séance… Il était victime à l’évidence de la spectaculaire contraction des promesses de ventes dans le secteur immobilier américain : -16% au mois de novembre alors que les économistes ne s’attendaient en moyenne qu’à un repli de l’ordre de 3%. Cet effondrement interrompt brutalement une série de neuf hausses consécutives… la plus longue enregistrée depuis 2001.

Cette mauvaise surprise n’a pas été compensée par une hausse plus forte que prévue des commandes à l’industrie pour le mois de novembre. Elles ont progressé de 1,1%, selon des chiffres dévoilés mardi par le département du Commerce US (le consensus tablait sur +0,6%).

Les Etats-Unis pourraient donc connaître une croissance de 2,5% à 2,8% en 2010 (tandis que la France afficherait un affligeant +1%, selon Christine Lagarde). Cela peut-il justifier des multiples de capitalisation qui flirtent depuis le milieu de l’été 2009 avec ceux d’octobre 2007 ?

La manipulation des cours — et de l’opinion, par des médias unanimement optimistes — est devenue un phénomène banal et récurrent au quotidien à Wall Street : plus les nouvelles sont mauvaises, plus les indices grimpent. C’est à tel point que même les écarts les plus anachroniques — pourvu que ce soit à la hausse — n’entraînent aucun commentaire critique.

Ils favorisent au contraire l’éclosion de justifications surréalistes comme « la manifestation d’une confiance renforcée dans l’embellie économique » (même si les chiffres du jour démentent cette thèse) ou le pari sur des taux durablement bas. Cela alors même que le surendettement des Etats commence à engendrer une série de dégradations de notation. Ces dernières devraient d’ailleurs nous alerter sur le transfert du risque du marché vers les épargnants… les véritables acheteurs finaux de bons du Trésor sans valeur garantie, et qui témoignent du recours frénétique à la planche à billets.

▪ Difficile de résister au concert des explications imbéciles que l’on nous assène soit par calcul (pour dissimuler la réalité), soit par incompétence. Dans ce dernier cas, c’est souvent le fait des suiveurs : ils ne comprennent pas ce qui se passe mais récitent par coeur le catéchisme haussier concocté par ceux qui « savent ».

Les records de l’été ou d’octobre 2007 ont été inscrits alors que tous les banquiers savaient que le Tchernobyl des subprime avait explosé… Pourtant, le discours officiel était : « quelques fissures mineures dans l’enceinte interne du réacteur, aucun danger de contamination ».

Et cela avait marché ! Plus c’est gros, plus ça marche… parce que nous refusons de croire que nos dirigeants oseraient nous tromper aussi cyniquement et en toute connaissance de cause.

Le gouvernement américain se réjouit bruyamment chaque semaine du bon accueil réservé aux dernières émissions du Trésor américain, systématiquement sursouscrites par de gentils institutionnels qui manifesteraient ainsi leur appétit indéfectible pour la dette US… Mais Tim Geithner et Ben Bernanke se gardent bien de préciser que dans la semaine ou les 15 jours qui suivent, c’est la Fed elle-même qui leur rachète discrètement le papier qu’elle a mis aux enchères, et le tour est joué !

La fable du rebond économique et de l’argent éternellement gratuit procède de la même entreprise de tromperie délibérée des citoyens américains — et Wall Street, par sa hausse inexorable et irréversible, manifesterait sa confiance dans la pérennité de cette carambouille.

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