La Chronique Agora

Un serpent dans le paradis financier (2)

Par Bill Bonner (*)

Le capitalisme fait simplement ce pour quoi il est fait. Le succès mène à l’excès… puis à l’échec. En ce qui concerne le jus qui alimentait le système du crédit, il s’est vite asséché. La banque britannique Northern Rock, par exemple, valait 5,3 milliards de livres sterling l’an dernier. Lorsqu’elle a été nationalisée, il y a quelques jours de ça, elle n’en valait plus que 375 millions — une perte de 93%. Le marché des produits dérivés complexes a eu des ratés dans le monde entier… en 2008, les émissions ont diminué de 97% par rapport à l’année précédente. Les primes ont chuté à Wall Street. Les prix des maisons de campagne ont baissé.

C’est ainsi que les investisseurs, les banquiers et les propriétaires immobiliers ont croqué dans le fruit défendu. Ils se sont soudain entre-regardés, réalisant qu’ils étaient tous nus comme des vers. Ils auraient dû avoir honte. Au lieu de cela, ils ont cherché des pigeons.

Ensuite, bien entendu, les titans financiers qui n’avaient pas fait preuve de la moindre volonté de partager leurs profits… sont soudain devenus extrêmement généreux avec leurs pertes. Et les capitaines de leurs gouvernements, eux aussi, ont vu leur chance lorsque la roue a commencé à tourner. Sauver Northern Rock avait de quoi faire chanceler Sisyphe. Mais le gouvernement britannique s’est courageusement rué là où des "anges" comme Richard Branson et les dirigeants mêmes de la banque avaient fait preuve d’une retenue prudente.

"C’est la chose à faire", a déclaré M. Darling, Chancelier de l’Echiquier, mettant ses principes avant sa sécurité personnelle. "Nous agissons pour le public" a-t-il continué, laissant sous-entendre que les contribuables pourraient même s’en tirer avec une longueur d’avance si les politicards parvenaient à jouer un bon tour aux spéculateurs et aux banquiers et revendaient Northern Rock aux investisseurs avec profit.

"Le capitalisme ne fonctionne pas", dirent les mauvais perdants et les râleurs. "Il favorise les riches", dirent les envieux. "Il doit être contrôlé", dirent ceux qui voulaient mettre leurs propres mains dodues sur les leviers et les boutons de la machine.

Dans la course à l’élection présidentielle aux Etats-Unis, un seul candidat est vraiment pour le capitalisme — le Dr. Ron Paul. Beaucoup de gens n’ont jamais entendu parler de lui. Pour les électeurs, il est incompréhensible. Pour la presse, il est invisible. Les candidats gagnants ne privilégient pas le capitalisme pour une raison simple. Qui profite de la rudesse du véritable capitalisme ? Personne en particulier.

Quelle société gagnera la course à la meilleure technologie ? Quel hedge fund pariera correctement sur la direction des prix de l’obligataire ? Qui gagnera le concours de celui qui gagnera le plus d’argent ? Personne ne le sait. Chaque groupe vote pour ses propres intérêts, à présent, tandis que les véritables bénéficiaires du capitalisme — ceux qui ne sont pas encore nés, ce qui n’a pas encore été essayé, ce qui n’a pas été encore imaginé — ne votent pas du tout.

Le boulanger, par exemple, veut qu’on contrôle ses coûts et que la boulangerie de l’autre côté de la rue soit mise en faillite. Le propriétaire d’une usine veut qu’on scelle les frontières et qu’on empêche toute importation étrangère. Quant aux salariés, ils pensent qu’un emploi leur est dû. Ce que tout le monde veut, c’est une protection contre le capitalisme… contre l’avenir… et contre l’inconnu. Tout le monde veut un coussin plus moelleux sous son arrière-train — et les gens voteront pour qui offrira ce confort de la manière la plus convaincante. Quasiment tous les électeurs veulent empêcher le marché libre de faire ce qu’il fait le mieux : séparer les idiots de leur argent. A présent, dans le cas de Northern Rock au moins, ce sera au gouvernement de le faire.

Meilleures salutations,

Bill Bonner,
Pour la Chronique Agora

(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".

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