La Chronique Agora

Un séjour à Las Vegas

▪ "Des filles super-chaudes ! Appelle le 800-234-3512" !

Cette publicité figurait sur une affiche ambulante. A Las Vegas, on met les affiches sur des camions, et on les fait circuler dans toute la ville. Ça doit marcher, nous en avons vu plusieurs.

Et qu’obtient-on lorsqu’on compose ce numéro ? Une livraison à domicile ? Nous n’en savons rien…

Mais quelle ville ! Nous avons logé au Four Seasons — un bel hôtel, non ? A quatre heures du matin, le téléphone a sonné :

"Vous pourriez faire monter des préservatifs pour la chambre 10211 ?"

"Quoi ?"

"Qui est-ce ? Ce n’est pas la réception ?"

"Je suis désolé, vous avez dû faire un mauvais numéro"…

"Ah pardon"…

▪ Plus tard, dans un taxi, nous avons vu un visage de Las Vegas bien différent.

"Cette ville est morte. Regardez autour de vous. Rien à voir avec ce que c’était il y a quelques années".

"On s’est pris la récession de plein fouet. Beaucoup de chauffeurs de taxis ont perdu leur maison. Que peut-on faire quand les prix baissent de 50% en même temps que votre revenu baisse de 50% ? Les gens ne viennent plus à Las Vegas. Les chauffeurs de taxis passent donc leur temps à l’aéroport, attendant une course. Ils ne peuvent plus rembourser leurs prêts".

"Regardez comme c’est calme. Je suis content de prendre ma retraite. Ça fait 17 ans que je conduis ce taxi. Ça suffit. Avant ça, j’étais dans l’armée. Ma femme et moi, nous étions tous les deux dans l’armée".

"Nous avons grandi dans le même orphelinat à Brooklyn. On s’est marié quand on avait 16 ans. On a dû changer des documents de l’orphelinat et aller à Elkton, dans le Maryland. Apparemment, ils ne se soucient pas de votre âge, à Elkton. On s’est donc mariés à 16 ans"…

"Ensuite, on est resté ensemble pendant 48 ans. On se préparait à fêter nos noces d’or, et puis elle a attrapé un cancer du pancréas. Bon sang, qu’est-ce qu’elle me manque".

"Mais on a vécu de belles choses ensemble. On a 11 enfants. Seuls deux d’entre eux sont nos enfants biologiques. On a adopté les autres. On a grandi dans un orphelinat, tous les deux, alors on savait combien il est important, pour les enfants, d’avoir un foyer. On leur a donné le meilleur foyer possible".

"Et je suis fier d’eux tous. Ce sont tous des docteurs, des avocats… ils s’en sont tous bien tiré".

"Mais le moment est venu de prendre ma retraite. Il n’y a plus de clientèle. Et je ne prends pas entièrement ma retraite. On m’a offert un emploi, un temps partiel en tant que contrôleur de la circulation… un emploi de bureau. Bien plus facile que conduire un taxi".

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