La Chronique Agora

Un rêve de banquier central

** Caterpillar a annoncé une baisse des salaires de ses cadres. Les entreprises sont embarrassées par les sommes versées aux dirigeants. Elles payaient leur encadrement des millions de dollars — on aurait pu penser qu’avec ce genre de sommes, ils regarderaient où ils allaient. Pas du tout : ils ont conduit l’entreprise droit dans le mur.

* Le secteur automobile tout entier semble être rentré dans un platane. GM et Ford ont vu leur dette rétrogradée une fois encore. Et Toyota prévoit ses premières pertes opérationnelles depuis 71 ans.

* Nous approchons de la fin d’une année remarquable. Et les merveilles se succèdent…

* Vendredi dernier, la Fed a déclaré qu’elle accorderait des prêts à bas coût pour quiconque participerait au regonflement du crédit à la consommation. "Cela inclut les hedge funds", expliquait un article du Financial Times, "qui n’ont encore jamais pu emprunter à la Banque centrale américaine".

* N’est-ce pas excellent, cher lecteur ? Les gentils gens de la Fed fourniront de l’argent pour que les fonds de couverture puissent spéculer sur la dette de consommation. La Fed aura ensuite une nouvelle sorte d’"actifs" dans ses comptes — des prêts à des hedge funds. Depuis la date de sa fondation en 1913 jusqu’à il y a six mois, la Fed ne conservait guère, dans ses coffres, que de la dette du Trésor US. Tout le reste était considéré comme trop risqué pour la Banque centrale américaine.

* Mais tout a changé au cours du dernier semestre. Les banques… les capitalistes… et le secteur financier ont tous été humiliés. A présent, les politiciens ont pris le volant – à Détroit… à Manhattan… et dans toute l’économie. Désormais, la Fed possède l’équivalent de 1 500 milliards de dollars de la sorte d’"actifs" qui ont mis le secteur financier dans le pétrin pour commencer.

* Vous voulez de l’argent ? Demandez aux ronds-de-cuir de Washington ! Faites la queue !

* Vous devez décider du genre de voiture que vous devez construire ? Demandez à un sénateur ou un membre du Congrès !

* Vous vous tâtez pour savoir si vous devriez faire un prêt… ou ne pas faire de prêt… quelles entreprises devraient être sauvées et lesquelles devraient être laissées de côté ? Il y aura toujours un bureaucrate du Trésor US pour vous aider à prendre la décision.

* Le rêve des banquiers qui ont fondé la Fed a enfin été réalisé. Si vous voulez contrôler une société, prenez le contrôle de sa devise. Tout le monde a besoin d’argent. Tout le monde veut de l’argent. Et ils devront venir à vous pour en avoir.

* Dans un système de devises adossé au métal jaune, les gens doivent respecter la règle d’or : qui a l’or fait les règles. Voilà pourquoi l’administration Roosevelt a confisqué l’or dans les années 30 ; elle voulait mettre en place de nombreuses nouvelles règles.

* Mais l’or est limité… et difficile à contrôler. Lorsqu’il s’agit de politique, il n’est guère coopératif. Vous voulez soutenir un secteur en difficulté… corrompre un groupe de pression… ou payer des amis ? Où obtiendrez-vous l’argent ? Vous n’avez qu’une quantité d’or limitée… et vous ne voulez pas la gaspiller. Vous avez donc tendance à être prudent. Voilà pourquoi les autorités se sont tournées vers la sorte d’argent qui pousse dans les arbres. La monnaie papier est bien plus souple… C’est une devise bonne copine. Elle est prête à régler l’addition pour toutes les fêtes, aussi excessives soient-elles… et prête à suivre n’importe quel plan… aussi absurde soit-il.

* Aujourd’hui, nous nous trouvons exactement dans le type de situation pour lequel la devise papier a été inventée. Absurde et excessif. Les autorités veulent distribuer de l’argent ; il leur faut de l’argent bon marché à distribuer. Et puisque tout le monde a besoin d’argent — en fait, à ce stade de la crise, les gens ont désespérément besoin d’argent — ils sont prêts à faire tout ce que veulent les autorités.

** Comment est-ce que tout cela finira ?

* Bloomberg a trouvé une réponse :

* "’Nous résoudrons une crise financière par une crise budgétaire‘, déclare Vito Tanzi, ancien directeur des affaires budgétaires au FMI. ‘Nous nous en sortirons avec une dette publique très profonde et des dépenses publiques gigantesques. Voilà qui ralentira à coup sûr le rythme de la croissance sur les 10 prochaines années’."

* Pas juste une crise budgétaire. Une crise monétaire.

* Les dépenses publiques seront financées d’abord par l’emprunt… puis par l’impression. Vous verrez les rendements des bons du Trésor US — qui sont actuellement à des planchers record — augmenter rapidement. Le dollar s’effondrera sous la pression. L’or grimpera en flèche.

* Quand est-ce que cela se produira ? Comment est-ce que cela se produira ?

* Personne ne le sait. Mais selon The Economist, cela pourrait arriver avant la fin 2009.

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