La Chronique Agora

Y'a-t-il un pilote pour sauver l'Europe ?

▪ Eh bien, c’est — encore une fois — le week-end de tous les dangers pour la Zone euro. Après de multiples rencontres, sommets, sauvetages, renflouages, disputes, chicanes, les dirigeants européens s’apprêtent à faire… exactement la même chose demain.

Il s’agit — encore une fois — de sauver la Zone euro ; sinon dans la réalité, au moins pour la presse et « les marchés ». Sauvegarder les apparences, donner le change, trouver une manière de tourner les choses qui rassure à la fois les investisseurs et les agences de notation…

… Tout en sachant pertinemment que ces dernières ont leur propre programme, comme nous l’expliquait Philippe Béchade jeudi :

« Cela fait deux ans que toute la communauté financière sait que l’Espagne est dans une situation économique catastrophique et que son système bancaire est moribond. Et voilà que Moody’s se réveille soudain avec l’envie de dégrader 24 banques espagnoles (les 24 plus importantes naturellement), tandis que S&P annonçait quelques heures auparavant l’abaissement de deux crans de la note souveraine espagnole ».

La question, c’est pourquoi ? « Pourquoi cet emballement, cette frénésie des agences à trois jours du G20 ? Ce qui pose question, c’est le choix du timing. Cela tombe pile-poil au moment où les marchés mettent la pression sur les gouvernements pour que le FESF soit mis en place et confié à une institution — la BCE — qui échappe à tout contrôle démocratique ! »

« Les ‘indignés’ ne revendiquent rien en particulier — sinon que quelques puissants lobbies financiers cessent de corrompre l’appareil politique et législatif », conclut Philippe. « Ils feraient bien de se mobiliser dans l’urgence (il ne reste peut-être pas plus de 48 heures) afin de réfléchir sur les conséquences d’un transfert massif de souveraineté budgétaire des Etats vers un organisme supranational qui jouit d’une totale autonomie de décision ».

▪ Je ne sais pas ce que la BCE nous réserve ni ce que vaut sa légitimité. Une chose est certaine, c’est qu’elle aura besoin de ressources illimitées — aussi bien intellectuelles que matérielles — pour régler les problèmes qui assaillent la Zone euro.

« La Grèce ne sera sans doute que la partie émergée de l’iceberg », disait en effet Joel Bowman hier. « Avec un PIB d’environ 320 milliards de dollars, l’économie grecque représente moins d’un quart de l’économie espagnole (1 400 milliards de dollars) qui, elle-même, ne représente qu’environ deux-tiers de celle de l’Italie (2 100 milliards de dollars). La France pèse 2 650 milliards de dollars, l’Allemagne 3 300 milliards de dollars. Tous ces pays ont des problèmes ».

« Standard & Poor’s a dégradé la note de 25 grandes banques et institutions financières italiennes, citant des ‘tensions de marché’ renouvelées et de moins bonnes perspectives de croissance économique. Selon Reuters, Moody’s a averti qu’elle pourrait ‘revoir à la négative la perspective sur la note AAA de la France au cours des trois prochains mois si les coûts du soutien à son système bancaire ou à d’autres membres de la Zone euro augmentent trop son budget’. »

Pendant ce temps, en coulisses, les spécialistes tentent d’évaluer les dégâts… et leurs conclusions ont de quoi faire pâlir, à en croire Frédéric Laurent, rédacteur en chef de Vos Finances :

« De nombreux économistes calculent les besoins de recapitalisation des banques européennes en cas de dépréciation des dettes souveraines. Les études démontrent qu’une dépréciation de 50% sur la Grèce, de 25% sur l’Irlande et de 10% sur les dettes espagnoles et italiennes seraient nécessaires immédiatement. (Notez que nous n’en sommes pas encore arrivés là dans la conscience politique.)« 

« Avec ce scénario les besoins immédiats des banques s’élèvent à 44 milliards pour les plus grandes banques européennes. Sans compter les mises aux normes de Bâle III et l’augmentation du coût du risque en cas de ralentissement économique. Le tout pouvant s’élever à près de 200 milliards d’euros. Les compagnies d’assurances, quant à elles, détiennent dans leurs bilans des expositions aux dettes souveraines loin d’être marginales ».

« […] A ce jour, les politiques semblent s’entendre pour prendre en compte un défaut de 60% de la dette grecque. C’est-à-dire que toutes les banques qui sont positionnées sur la Grèce ne reverront jamais au moins 60% de leurs investissements. Des solutions techniques commencent à se mettre en place pour de bon (enfin !) pour pouvoir financer les Etats et institutions en difficulté. Les banques — qui clamaient ne pas en avoir besoin il y a 10 jours — vont être recapitalisées sous peu. Mais tout le monde sait que ces recapitalisations ne seront RIEN si l’Italie ou l’Espagne entraient dans la même spirale du défaut que la Grèce ! »

Je ne sais pas ce que vont donner les discussions de ces messieurs-dames de l’Europe demain. Il leur faudra un beau coup de génie pour réussir à sortir l’Union et l’euro du pétrin dans lequel ils sont.

Personnellement, je trouve que leurs précédentes décisions étaient loin du génie. Il ne ferait donc pas de mal de prendre quelques mesures de précaution, juste au cas où leur nouvelle tactique terminerait, comme les précédentes… droit dans le mur.

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
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