La Chronique Agora

Un 29 février de ce calibre tous les quatre ans, cela suffit largement !

** Difficile de trouver la semaine dernière des conditions plus difficiles pour travailler sur les marchés financiers ; dans un premier temps, ils ont en effet véhiculé le sentiment de vouloir résister à toutes les mauvaises nouvelles macro-économiques.

Mercredi soir dernier, Wall Street semblait même se féliciter du sombre diagnostic conjoncturel brossé par Ben Bernanke. Ce diagnostic garantissait en effet que la Fed poursuivrait sa politique d’assouplissement monétaire à marche forcée ; une baisse des taux de 50 ou même de 75 points est anticipée pour le 18 mars prochain. La confiance s’est cependant évaporée jeudi dernier alors que la chute du dollar face au yen — 2% perdus en quelques heures — trahissait un désengagement des investisseurs et des cambistes de la zone Etats-Unis.

La flambée de l’or à 976 $ signifiait symétriquement la crainte d’un renforcement des pressions inflationnistes sur fond de stagflation, un scénario que le patron de la Fed refuse de cautionner… mais il semble être le seul capable de se persuader du contraire !

** Paris, en baisse de 1,5%, a ainsi connu sa pire fin de semaine boursière depuis le 8 février dernier ; ce sont pas moins de 4% qui ont été en fait reperdus en 48 heures par rapport au zénith du 27 février dernier, inscrit sous les 4 980 points — soit un total de -210 points lorsque le CAC 40 a testé les 4 768 points vendredi dernier vers 16h45.

Le CAC 40 rechute donc sous les 4 800 points et la semaine s’achève dans le rouge, sur une perte globale de 0,7% en cinq séances. L’indice perd 1,6% sur l’ensemble du mois de février et sort de surcroît par le bas d’un canal ascendant court terme — délimité par 4 865 et 5 030 points — pour réintégrer le corridor des 4 680/4 930 points qui perdure depuis trois semaines.

Depuis mardi après-midi dernier, les marchés sont pénalisés par une série noire et ininterrompue de mauvaises nouvelles macroéconomiques en provenance des Etats-Unis. Le sentiment d’une forte dégradation des fondamentaux explique ainsi largement la dégringolade du dollar de 1,48/euro mardi matin jusque vers 1,5239/euro vendredi.

** Outre-Atlantique, la déferlante des statistiques négatives ne s’est pas ralentie à la veille du week-end. Les hausses des dépenses des ménages (+0,4%) n’ont guère ému les marchés américains. En revanche, le plongeon du moral des consommateurs de 78,4 vers 70,8 en février ne constitue pas une bonne surprise ; avec une inflation à 4% et une chute du prix des maisons de 8,5% en rythme annuel, il faut s’attendre à quelques difficultés sur le front de la croissance au cours des trois à six prochains mois aux Etats-Unis.

Ben Bernanke reconnaissait lui-même jeudi soir dernier que la situation était plus compliquée à gérer qu’à l’automne 2001, sans compter le risque de voir la crise immobilière provoquer « la défaillance de quelques petites banques ».

Les conditions se dégradent également sur le marché du travail américain avec une forte hausse des allocataires au chômage fin février.

En France, selon les statistiques publiées par le Ministère du Travail, le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 0,7% au mois de janvier, en données corrigées des variations saisonnières, soit une hausse de 13 200 à 1 910 500.

Le moral des ménages tricolores s’est nettement replié en janvier, tandis que l’inflation en Zone euro atteint des plafonds jamais atteints depuis 10 ans à 3,2% — et à 3,4% dans l’ensemble des 27 pays de l’UE.

La dérive des prix sur le Vieux Continent provient de la flambée du pétrole — qui a franchi un nouveau record à 102,7 $ et qui continue de flirter avec les 102 $ –, et de celle des prix alimentaires qui s’envolent de 5,4% en un an.

** L’un des signaux les plus alarmants apparu ces dernières 48 heures provient de la chute de 2,5% du billet vert face au yen — de 106,6 jusque sur 103,9 — avec une rupture, un évènement rare, sous les 105 yen à la reprise des cotations à Tokyo.

L’envolée symétrique de l’euro face au dollar a causé des dégâts parmi les valeurs exportatrices. Ainsi, Accor, lanterne rouge du CAC 40, chutait de 4,5% (-8,5% de baisse hebdomadaire) et devançait Alcatel-Lucent (-3,5%), EADS et ST-Micro (-3,4%), Cap Gemini (-3,2%) puis Michelin (-3% malgré l’annonce d’une hausse de ses tarifs).

L’autre facteur qui a plombé les marchés, c’est la rumeur d’un possible échec du plan de sauvetage d’Ambac Financial faute d’un consensus au sein des banques se proposant de recapitaliser ce réassureur. Cette nouvelle tombe très mal car Wall Street affichait déjà une grande morosité depuis jeudi soir avec l’annonce par AIG d’une perte de 11,5 milliards de dollars au titre des dépréciations d’actifs pour 2007, dont cinq milliards pour le dernier trimestre de l’année écoulée. Cette annonce lui a valu une sanction de -7% qui contaminait Amex, Citigroup ou JP Morgan, victimes de replis s’étageant entre 2,5 et 3%.

Les valeurs financières tricolores ont perdu pied ; BNP Paribas plongeait de 2,9%, Axa reculait de 2,65% et le Crédit Agricole abandonnait 1,9%. La Société Générale, toujours soutenue par des rumeurs d’OPA, a constitué l’exception qui confirme la règle ; le titre terminait en pole position du CAC 40 avec une hausse de 1,15% et un gain cumulé de 10,1% sur la semaine.

La forte baisse de Wall Street à la mi-séance vendredi dernier — -1,75%… ou -220 points –s’expliquait aussi bien par le recul des financières que des « technos ». Le Dow Jones perd ainsi 1% sur la semaine et aligne un quatrième mois de baisse consécutif — -2% environ sur février — après un test des 12 750 points les 26 et 27 février qui confirme l’existence d’une résistance horizontale majeure à ce niveau.

Ce vendredi restera, de toutes façons, l’une des pires séances depuis le 24 janvier dernier ; un 29 février de ce calibre tous les quatre ans, cela suffit largement !

Philippe Béchade,
Paris

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