▪ La Fed devrait tenir parole cette semaine et annoncer le premier tour de vis monétaire depuis 10 ans. Elle éloignerait ainsi le « bol de punch » des brasseurs d’argent.
C’est donc en principe la fin d’une époque aux Etats-Unis… et le moment de faire un petit bilan « à la sauce Agora ».
Les quantitative easings, les OMO (de discrètes injections de liquidités d’urgence pour sauver la peau des banques quand le marché interbancaire se grippe), les taux zéro pour une durée interminable… Tout cet activisme monétaire en faveur du système financier — l’argent ne sortant jamais de son périmètre — n’a constitué qu’une machine à transférer la richesse au profit d’une minorité d’obligés (du monde de la finance) qui se sont transformés en une « hyperclasse ».
Jamais depuis la fin du 19ème siècle l’Amérique n’était devenue à ce point ultra-inégalitaire |
Jamais depuis la fin du 19ème siècle l’Amérique n’était devenue à ce point ultra-inégalitaire. Les Prix Nobels pleuvent sur la tête de ceux qui en apportent la démonstration depuis deux ans.
Certains membres de l’hyperclasse devenus un peu paranoïaques déclaraient à Davos en début d’année redouter un méga-1789 planétaire ; ils avouaient avoir investi dans des yachts naviguant dans les eaux internationales ou dans des abris les protégeant de potentielles insurrections.
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L’ultra-richesse — et le pouvoir qui va avec — sont désormais ultra-concentrés. C’est à tel point qu’un candidat républicain réactionnaire et raciste peut désormais multiplier les outrances sans encourir de rappels à l’ordre de son parti… mener sa propre campagne présidentielle jusqu’au bout et la financer intégralement sur ses deniers personnels — sans même recourir au sponsoring de grandes entreprises.
Donald Trump fascine par sa réussite qui symbolise le rêve libéral (au sens « randien » ou « galtien » du terme, en référence au livre La Grève) et sa dénonciation d’une forme de kleptocratie. Il dénonce pêle-mêle les hauts fonctionnaires, les gérants de hedge funds et autres spéculateurs multimillionnaires… ainsi que Janet Yellen.
Il accuse la présidente de la Fed d’être pro-démocrate et d’avoir différé la hausse des taux sur ordre de Barack Obama. Lequel ne voudrait pas voir une autre bulle éclater durant sa présidence… et surtout pas avant la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, où Hillary Clinton semble partir favorite (au moins dans son propre camp).
▪ Qui que soit le/la prochain(e) président(e), de quelle Amérique prendra-t-il (elle) les rênes ?
D’un pays où le « rêve américain » est mort pour plus de 50% des personnes sondées… Un pays où la « reprise » à coups de relance monétaire a enterré la classe moyenne… et où 0,1% de la population (même pas les 1%) a confisqué plus de 100% de la richesse additionnelle créée grâce à l’action de la Fed.
A l’entame des années 70, la classe moyenne composait 61% de la population américaine et engrangeait 62% de tous les revenus distribués aux Etats-Unis (salaires, primes, pensions, dividendes, coupons obligataires, etc.).
Ils ont manifestement très mal mené leur barque : 40 ans plus tard, ils n’en captent plus que 43%. Quel laisser-aller, quelle négligence coupable !
Tout s’est en réalité accéléré depuis l’an 2000 avec une chute de 4% des revenus médians et un plongeon de 28% de la richesse par ménage.
Pas moins de 51% des salariés américains gagnent moins de 30 000 $ par an, et 49% perçoivent une aide gouvernementale |
Pas moins de 51% des salariés américains gagnent moins de 30 000 $ par an, et 49% perçoivent une aide gouvernementale. 46 millions sont affiliés au régime des bons alimentaires — un chiffre qui recoupe parfaitement la statistique de la pauvreté, laquelle concerne 47 millions de personnes.
Le patrimoine moyen des ménages était de 138 000 $ en 2007 (juste avant la crise) ; il est tombé à 82 750 $, c’est-à-dire le même montant qu’en 1992 mais 250 $ de moins qu’en 2010. Cela malgré le sursaut des prix immobiliers et un Wall Street au zénith, qui a plus que doublé depuis 1990.
Pour les 20% d’Américains les plus pauvres (soit 65 millions de personnes, l’équivalent de la population de la France), il n’est même plus question de patrimoine mais bien de déficit net (crédits et découverts, arriérés fiscaux, dette étudiante, etc.). Il était de -1 000 $ en l’an 2000, il est passé à -6 000 $.
Les jeunes payent le plus lourd tribut, plombés par plus de 1 000 milliards de dette étudiante. Ils sont 49% à vivre encore chez leurs parents à 25 ans, contre 40% avant le début de la crise.
Les jeunes sont plus endettés mais décrochent des diplômes plus élevés… Pas de chance, cependant, ils sont moins bien payés à l’embauche qu’en 2007 : effet ciseau imparable !
Trouver un bon emploi reste très difficile car malgré un taux de chômage officiel de 5%, on compte 900 000 emplois salariés de moins qu’avant le début de la récession.
Enfin, le nombre d’enfants sans abri aux Etats-Unis a augmenté de 60% depuis 2009. 1,6 millions ont dû dormir dans un foyer pour sans-abri ou toute autre forme d’hébergement d’urgence en 2014… et un enfant sur cinq se nourrit grâce aux bons alimentaires, contre un sur huit avant la crise.
▪ Alors, après six ans de pseudo-reprise, qu’est-ce qui va mieux pour les Américains ?
Eh bien, comme le veut la tradition en temps de crise, cela va mieux pour les 10% de la population la plus riche… mais ce n’est qu’une moyenne. Cela va en fait vraiment très très fort pour les 0,1% les plus riches qui détiennent autant de richesse cumulée que les 90% d’Américains les moins fortunés.
Les 20 Américains les plus riches viennent de franchir le cap de la moitié de la richesse totale détenue |
Les 20 Américains les plus riches viennent de franchir le cap de la moitié de la richesse totale détenue (c’est-à-dire plus que ce que possèdent les 250 millions les plus pauvres).
Les 400 Américains les plus riches possèdent une fortune de plus de 2 350 milliards de dollars. C’est plus que le PIB de la France en 2014 (2 330 milliards de dollars)… et c’était encore supérieur à celui de la France en 2015 en début de semaine dernière.
Face à l’appauvrissement inexorable de la classe moyenne aux Etats-Unis, face à l’explosion de la pauvreté et de la très grande pauvreté (1,6 millions d’Américains vivent avec moins de 2 $ par jour), certains membres de la Fed préconisent de renoncer à la hausse des taux demain, pour une durée indéterminée… et de restaurer les injections monétaires sous une forme ou une autre.
Autrement dit, remettre en marche la machine à créer de la dette et des inégalités. La dette, c’est pour les pauvres ; les dividendes achetés à crédit par les entreprises qui ne gagnent plus d’argent, c’est pour les riches.
C’est la double peine pour la classe moyenne : les entreprises licencient et privent de richesse les salariés (qui cessent de l’être) afin de fournir aux actionnaires (les banques et les ultra-riches majoritaires au capital) de l’argent qu’elles n’ont même pas gagné.
Certains au sein de l’hyperclasse commencent à lâcher des « quoi qu’on fasse, ce pays est foutu »… ce qui ne risque pas de leur donner des sueurs froides puisqu’ils passent souvent plus de 50% de l’année hors des Etats Unis.
En revanche, qu’arrivera-t-il si, joignant le geste à la parole, ils se désengagent de Wall Street ?
Pensez-vous que l’indice de l’aversion au risque, le VIX (associé au S&P 500), aurait explosé de +50% la semaine dernière si quelques initiés n’avaient commencé à se diriger vers la sortie en liquidant leurs positions ?