La Chronique Agora

Tutoriel sécurité : comment reconnaître une « zone de non-droit » ? (1/2)

Contrairement à ce que voudrait nous faire croire Emmanuel Macron (et les autres), l’insécurité en France ne se réduit aucunement à un simple « sentiment ».

Non seulement les faits déclarés sont tellement nombreux qu’ils n’ont plus rien de divers… mais, dans certaines zones du territoire, l’insécurité est devenue la règle, et le règne de la loi (républicaine) n’est plus que l’exception.

L’article 5 de la Constitution est-il caduc ?

Débutons notre réflexion avec un rappel théorique.

« Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat.

 Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

Voilà ce qu’avaient prévu, quand les mots avaient encore un sens, les rédacteurs de la Constitution du 4 octobre 1958.

Ce que signifie l’article 5, c’est que l’action du président de la République doit être commandée par certaines finalités, parmi lesquelles figure la continuité de l’Etat, donc celle des services publics. Ce principe a ainsi valeur constitutionnelle.

Dès lors que les services publics ne fonctionnent plus régulièrement, le président de la République fait donc défaut à son rôle de garant de la Constitution et de la continuité des services publics.

Au premier rang de ces derniers se trouvent les missions régaliennes de l’Etat, notamment le fait d’assurer la sécurité intérieure et le maintien de l’ordre public, ainsi que la définition du droit et l’application de la justice.

Il s’ensuit que lorsque les services de police ne mettent plus les pieds sur une portion de territoire donnée, la continuité de l’Etat est rompue ; un autre droit vient se substituer à la loi de la République.

Si vous habitez un coin tranquille de la France et que vous ignorez ce qu’est une « zone de non-droit », plus pudiquement appelée un « territoire perdu de la République », ou alors que vous jugez que l’existence de telles zones n’est pas un problème prioritaire, je vous invite à poursuivre votre lecture.

Je préfère cependant vous prévenir : cela fait trois ans que je prends des notes à ce sujet pour vous donner des exemples aussi éloquents que possible, alors attachez-vous bien à votre table. Comme d’habitude, on va y aller crescendo.

Quand l’immeuble change de « Direction »

Il existe moult moyens de reconnaître que l’on se trouve dans une zone de non-droit, certains plus évidents que les autres.

Si vous pénétrez une cage d’escalier où est placardé ce genre de note de service, il est fort probable que vous vous trouviez dans un endroit où la cavalerie est encore susceptible d’intervenir en cas de problème, mais il y a de fortes chances qu’elle arrive en retard.

Pour votre curiosité, nous sommes ici à Toulouse, devant une affiche photographiée en septembre 2017 dans les immeubles 19 et 20 de la place des Faons, dans le quartier des Izards.

La Dépêche rapportait alors les conditions de vie dans ce charmant quartier de la ville rose :

« Le gestionnaire du parc HLM de ce quartier populaire n’est évidemment pas l’auteur de cette note d’information. […] Otages des dealers, les habitants des deux immeubles n’ont plus le droit d’emprunter les escaliers dans lesquels des barrières de chantier ont été installées pour faire obstacle aux forces de l’ordre en intervention. Lorsque, comme cela se produit souvent, les ascenseurs tombent en panne, rentrer ou sortir de chez soi devient une périlleuse mission. L’éclairage des parties communes est systématiquement saccagé, et il n’est pas rare que des habitants, hommes ou femmes sur lesquels se portent les soupçons des dealers, soient l’objet de fouilles au corps.

 Car ici, le business et le client sont rois. Une pancarte intitulée ‘le menu du jour’ accueille le consommateur dans le hall, qui est informé des produits disponibles, des prix à l’unité et des lots en promotion. ‘La direction’ a le sens des affaires… »

Au moins dans cet exemple la police continuait-elle d’intervenir…

Quand la mairie te force à déménager

L’étape suivante dans la désagrégation du territoire national, c’est l’abdication des pouvoirs publics face à la violence, et le relogement par la mairie des occupants des locaux occupés par la direction « effective » de l’immeuble. C’est ce qui s’est récemment produit dans la commune d’Avion.

Comme le rapportait France Info au mois d’août :

« Un maire du Pas-de-Calais a décidé de reloger les 40 locataires d’une tour HLM. Ils sont tous obligés de quitter leurs logements à cause de la délinquance et face à la multiplication des actes de vandalisme. […] La tour des Frênes est une zone de non-droit. Elle est régulièrement vandalisée, squattée, incendiée. »

En l’occurrence, c’est la succession de trois incendies criminels dans la cage d’escalier qui a poussé le maire à abandonner. Ou plutôt à « prendre [ses] responsabilités », comme on dit à une époque où les mots ont perdu une bonne partie de leur sens.

Que de la racaille empêche des citoyens de demeurer dans leur quartier, on s’en doutait un peu. Mais quid de ceux qui ne font qu’y passer ?

Quand tu passes ta vie au « point relais » car la livraison à domicile n’est plus une option

Les employés de la filiale du groupe La Poste sont censés desservir l’ensemble du territoire national. Ca, c’est la théorie. En pratique, Chronopost aménage les modalités de livraison en fonction de l’adresse, vu que le risque du métier est désormais de terminer sa carrière de livreur dans la rubrique « faits divers ».

C’est ainsi le cas dans certains quartiers de la désormais légendaire commune de Saint-Denis, au sujet de laquelle Le Parisien expliquait en novembre 2017 que :

« Depuis plusieurs mois, des habitants […] se plaignent de ne pas recevoir, à leur domicile, des colis commandés via Chronopost. 

 Dans un courrier adressé à la mairie […] le PDG de cette filiale du groupe La Poste s’en explique. Il invoque des problèmes d’insécurité : ‘Durant l’année 2016, sur le territoire national, 51 de nos chauffeurs ont été victimes de vols avec violence(s)’. Et de préciser que, le 4 janvier 2017, un chauffeur a été ‘agressé par trois individus’ à Saint-Denis. ‘Ceinturé’ puis ‘immobilisé contre un mur’, le livreur aurait reçu des coups de poing, avant d’être défaussé d’une partie de sa marchandise.

 Pour prévenir de tels risques, l’entreprise aurait dressé une ‘liste’ de quartiers jugés sensibles à éviter. » 

Sachez donc que si vous avez la drôle d’idée d’emménager à Saint-Denis (nous y reviendrons), il vous faudra sans doute faire pas mal d’allers-retours en point relais, vu que c’est probablement là-bas que Chronopost se débarrassera de vos colis. Voilà où les citoyens en sont réduits lorsque l’Etat les a abandonnés.

Mais encore ici n’est-il pas question ici de vie ou de mort. Samedi prochain, nous reviendrons sur quelques exemples plus problématiques.

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