La Chronique Agora

Trop d’inflation ? Il suffit de relever la cible !

Pourquoi la Fed ne passe-t-elle pas à une politique monétaire un peu moins accommodante – alors même que les conditions économiques et l’inflation devraient l’y pousser ?

A la fin du mois d’août, le président de la Fed, Jerome Powell, a laissé entendre que la Réserve fédérale commencerait à resserrer sa politique monétaire avant la fin de l’année, ce qui revient à admettre que l’inflation des prix dépasse à présent la cible officielle de 2%.

Cependant, la Fed n’a pris aucune mesure immédiate. La semaine dernière, M. Powell a de nouveau suggéré qu’un resserrement de la politique monétaire allait bientôt débuter, précisant qu’il commencerait suffisamment tôt pour que le processus puisse « se terminer vers le milieu de l’année prochaine », et qu’il pourrait débuter potentiellement dès le mois de novembre.

Bien entendu, cette décision reste soumise à certaines conditions, Powell notant que ce resserrement ne se produirait que si « la reprise économique reste solide ».

Certains ont interprété cela comme un virage « hawkish » [dérivé de hawk, « faucon », expression utilisée pour décrire une politique monétaire plus restrictive visant à freiner l’inflation, NDLR], de la part de Powell, mais, encore une fois, nous ne devons pas nous attendre à ce que des mesures soient réellement appliquées dans l’immédiat.

Risque de dégradation

La faiblesse de la croissance économique reste préoccupante et la condition posée par Powell d’une poursuite de la reprise qu’il qualifie de « solide » sera déterminante.

Le mois dernier, Goldman Sachs a revu à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie américaine et le Livre beige de la Fed (qui présente toujours la situation économique sous un jour favorable) décrit également de façon moins flatteuse la situation, qualifiant de « modéré » le rythme de croissance économique en juillet et août.

En parallèle, la Banque d’Angleterre a alerté la semaine dernière d’un risque de dégradation de l’environnement économique mondial en revoyant à la baisse ses prévisions de croissance.

En d’autres termes, si l’économie ne se redresse pas suffisamment rapidement (du point de vue de la Fed), alors elle pourrait tout simplement décider d’abandonner ses plans de resserrement de la politique monétaire.

La Fed évoque peut-être un resserrement de sa politique monétaire, mais la crainte parmi les « colombes » [expression utilisée pour décrire les partisans d’une politique monétaire plus souple visant à stimuler l’économie, NDLR], d’une croissance molle alimentera les appels au maintien des mesures de soutien à l’économie.

En fait, nous pouvons déjà entendre certains appels à l’abandon de l’objectif d’inflation de 2% et en faveur d’un objectif encore plus élevé. Une telle mesure, s’imaginent-ils, permettra de stimuler l’économie de façon plus intensive et sur des périodes plus longues.

Une reprise économique fragile

L’origine de cette volonté de laisser filer l’inflation réside en partie dans le fait que de nombreuses colombes estiment que la Fed a été trop timide dans ses mesures de relance après la Grande récession, en 2008.

En effet, la croissance était remarquablement faible à l’époque, conduisant à la période d’expansion économique la plus lente depuis plusieurs décennies – cela en dépit de l’importance des mesures de stimulation monétaire.

Néanmoins, la Fed s’est fréquemment félicitée de « l’amélioration de la situation économique » et a laissé entendre à plusieurs reprises durant cette période qu’elle allait procéder à un resserrement de sa politique monétaire.

Ce n’est cependant qu’en 2016 que la Fed a finalement osé remonter son principal taux d’intérêt directeur. Cette décision a été prise en grande partie par crainte que la Fed ne dispose d’aucune marge de manœuvre en cas de nouvelle crise. L’inflation des prix, après tout, est restée particulièrement faible durant cette période si on en croit les statistiques officielles.

Mais en 2017 et 2018, lorsque la hausse de l’indice des prix à la consommation a commencé à dépasser le seuil de 2% par an, on s’attendait à ce que la Fed commence à resserrer plus significativement sa politique monétaire afin maintenir l’inflation près de l’objectif déclaré de 2%.

Certaines colombes favorables à l’inflation se sont alarmées, craignant (non sans raison) qu’un resserrement de la politique monétaire de la Fed ne mette fin à la reprise économique extrêmement fragile et atone qui était en cours. Ils voulaient que l’inflation des prix des actifs se poursuive, afin que l’économie bénéficie de ce que l’on appelle « l’effet de richesse ».

Ces craintes ont été partiellement corroborées lorsque, malgré la timidité des efforts de la Fed pour resserrer sa politique monétaire à partir de 2018, la crise sur le marché des repos en 2019 a signalé que des problèmes sérieux risquaient effectivement de survenir. Et cela n’a rien de surprenant.

La « croissance » économique reposait en grande partie sur une montagne d’entreprises zombies et une économie financiarisée accro au crédit artificiellement bon marché.

On ne saura jamais comment les choses se seraient déroulées en l’absence de la panique qui s’est produite face au Covid-19. Quoi qu’il en soit, tous les efforts visant à contenir l’inflation monétaire ont pris fin avec la crise sanitaire et la Fed a rapidement ramené son principal taux d’intérêt directeur à 0,25%.

Les programmes de rachat d’actifs ont repris à une vitesse vertigineuse, portant le bilan de la Fed à bientôt plus de 8 000 Mds$.

A suivre…


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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