▪ La commedia dell’arte qui se joue au Congrès américain depuis un mois (eh oui, déjà !) devant un parterre incrédule de plus de sept milliards d’êtres humains commence à vous lasser ? Rassurez-vous, nous allons parler d’autre chose.
Et les sujets ne manquent pas !
En fait, on ne parle pratiquement de plus rien d’autre depuis le début du shutdown.
Cela tombe bien car si l’on parcourt un peu les dernières dépêches économiques, le tableau n’est pas très rassurant. La confiance des ménages américains a pris un coup derrière la tête au mois de septembre, alors que la Fed reconnaissait elle-même que la conjoncture se prêtait mal à une réduction du QE3.
Plus aucun chiffre fiable concernant l’emploi n’a été publié par le département du Travail depuis 15 jours. Cependant, nous savons grâce aux enquêtes mensuelles de Challenger/ADP/Reuters (des agences privées donc) que le rythme des licenciements s’est nettement accéléré au sein des entreprises américaines en 2013.
ADP a recensé 375 000 destructions d’emploi depuis le 1er janvier, soit autant en neuf mois que sur l’ensemble de l’année 2012. Par ailleurs, le dernier rapport publié fait ressortir une hausse 20% en septembre par rapport au mois correspondant de 2012.
Alors certes, le QE3 a démarré il y a un an et cela avait pu donner un coup de fouet ponctuel à l’emploi… Cependant, en reprenant les chiffres de l’époque, nous pouvons vous confirmer que les entreprises américaines ne s’étaient pas mises à embaucher massivement au sortir de l’été, sur la seule promesse du déversement d’un nouveau flux de liquidités.
▪ Les entreprises US en mauvaise posture
Il n’y a donc pas d' »effet de base » négatif pour expliquer la hausse des suppressions de postes en 2013. Il y a en revanche une foule de raisons pour expliquer pourquoi les entreprises américaines compriment leurs effectifs.
Elles font en effet face à une croissance largement absente aux Etats-Unis : les +2,5% de PIB annoncés pour le deuxième trimestre fin août résultent en grande partie d’artifices comptables. Il leur faut également compter avec un ralentissement global dans les pays émergents (que beaucoup de dirigeants des pays concernés imputent à la communication de la Fed qui a fait fuir les capitaux spéculatifs).
Puisque les chiffres d’affaires ne peuvent croître au rythme espéré et que les marges se compriment, et puisque les « actionnaires » (quelques centaines de fonds d’investissement assez puissants pour imposer leurs vues aux dirigeants) continuent d’exiger des rendements totalement incompatibles avec la conjoncture… eh bien les entreprises se restructurent, simplifient leurs organigrammes, « optimisent » leurs ressources humaines.
De façon plus claire et plus brutale : elles licencient, quand bien même leur niveau de rentabilité demeure très élevé (afin que ce niveau justement ne baisse pas).
Malgré les écrémages, elles ne parviennent pas toujours à délivrer ce qu’elles s’étaient vues obligées de promettre. D’où une série de profits warnings passés relativement inaperçus ces derniers jours (TripAdvisor, Teradata, Expedia, Red Hat… et bien d’autres) pendant que les opérateurs s’obnubilaient sur les tractations budgétaires.
▪ La Chine met de l’huile sur le feu
Tout ce qui précède reste de l’ordre de l’écume des choses en regard des déclarations incendiaires de l’agence Chine Nouvelle, l’organe de presse officiel des élites de Pékin. Dans un article paru ce week-end, elle souhaitait une « désaméricanisation » du système financier mondial (comprendre : trouver une autre monnaie de réserve que le dollar) afin qu’il cesse d’être l’otage de la valeur du dollar, elle-même devenant l’otage du Congrès US ou des caprices de la Fed.
Comme remise en cause frontale de la suprématie du dollar, la Chine n’a jamais fait aussi violent !
Et puis comme chaque mot dans un communiqué officiel a son importance, nous restons très perplexes devant celui du ministère des Finances japonais, qui « supplie le Congrès US de trouver une solution au problème de blocage afin d’éviter une catastrophe ».
C’est l’emploi du verbe « supplier » qui nous intrigue. Qu’est-ce qui pousse le Japon à s’humilier de la sorte ? Car au Japon, chaque tournure indique comment se positionne un interlocuteur par rapport à un autre, avec divers degrés de respect, de déférence ou de domination (les tournures d’égal à égal étant en pratique les plus rares).
Quand on connaît cette caractéristique culturelle très respectée dans tout l’archipel, la supplique du Japon représente une manière de communiquer loin d’être anodine (et qui n’est probablement pas de l’ironie, ce qui aurait été le cas venant de Moscou ou du Venezuela).
Qu’est-ce que cela cache ? Une peur véritable, une menace implicite ? Nous vous supplions de nous expliquer !
▪ Une dégradation des Etats-Unis ?
En attendant, Fitch a placé mardi soir (après la clôture de Wall Street) la note de la dette US sous surveillance négative, mais le AAA est maintenu.
Et plus question de prétendre que les politiciens américains n’ont aucun sens de l’anticipation. Le chef de file démocrate Harry Reid redoutait hier après-midi un abaissement de la notation des Etats-Unis dès ce mercredi si un accord n’était pas trouvé d’ici cette nuit.
A l’heure où nous avons finalisé cette Chronique, le Congrès US avait suspendu ses travaux — pour mieux parvenir à un accord, naturellement… vu que la toute dernière contre-proposition des sénateurs républicains n’avait aucune chance d’être adoptée par la Chambre des représentants.
De toute façon, aucun risque de défaut à redouter à court terme vu la prolifération des rumeurs d’extension de la période de négociations jusqu’au 30 octobre. Sans compter le possible recours aux coupes automatiques façon 2011, qui permettrait de sortir de l’impasse sans vainqueurs ni vaincus… Enfin si, juste les 99% d’Américains les moins riches !