Deux scripts, avec des héros et des vilains, l’élite et la plèbe, des gagnants et des perdants… Qui se déroulent d’une manière complètement prévisible.
Actuellement au cinéma. Deux films. Deux fins. Toutes deux pathétiques.
Dans la première, les élus républicains et les démocrates prétendent s’écharper au sujet du budget des Etats-Unis. Pour vous donner une idée de la situation, le gouvernement américain doit 31 000 Mds$. Ajoutez ou retirez un petit millier de milliards… Peu importe, ils ne peuvent pas rembourser. Et si les taux d’intérêt reviennent à la « normale » (à un niveau supérieur de 2% à 3% au taux d’inflation), ils n’auront pas les moyens de payer les intérêts. Avec un taux d’intérêt de 7%, le service de la dette publique coûterait plus de 2 000 Mds$ par an. Le gouvernement américain ne dispose pas de cette somme.
Ces dernières semaines ont été marquées par de bonnes nouvelles concernant l’économie. Apparemment, les offres d’emplois se multiplient. C’est une mauvaise nouvelle pour les investisseurs, car cela signifie que la Fed doit continuer à relever les taux d’intérêt. Sans cela, les travailleurs pourraient voir leurs salaires augmenter, ce qui provoquerait une hausse générale des prix.
La hausse des taux est donc inévitable. Et désormais, si le gouvernement emprunte davantage, cela poussera les taux d’intérêt à la hausse, ce qui provoquera une récession, réduira les rentrées fiscales et creusera encore plus les déficits.
Mais, d’une façon ou d’une autre, le gouvernement doit financer ses dépenses. En dehors de l’emprunt, les deux seuls autres choix possibles sont de réduire les dépenses ou d’imprimer de l’argent. Ce sont les sujets des deux drames qui se jouent en ce moment sous nos yeux.
Le même vieux scénario
Le rideau se lève pour le premier film et la nouvelle majorité républicaine à la Chambre des représentants lance les hostilités : le plafond de la dette. Les républicains exigent une réduction des dépenses publiques. Sans cela, ils s’opposeront au rehaussement du plafond de la dette.
Les personnages prennent place. La bataille commence. Alvaro Vargas Llosa explique la suite des événements :
« Et c’est reparti pour un tour. La secrétaire au Trésor, Janet Yellen, avertit que le gouvernement fédéral a atteint ses limites d’emprunt. Même avec les mesures extraordinaires du Trésor, le gouvernement aura épuisé sa capacité à rembourser sa dette dans quelques mois.
Les chefs de file de la majorité républicaine à la Chambre des représentants déclarent qu’ils s’opposeront au rehaussement du plafond de la dette, ce qui permettrait de continuer à emprunter, en l’absence de réduction des dépenses publiques. Mais la Maison-Blanche et les leaders démocrates rejettent cette proposition.
La panique va bientôt gagner les marchés obligataires. Les Cassandre clameront que les Etats-Unis ne pourront plus honorer leurs engagements obligataires et qu’ils ne pourront bientôt plus verser les prestations sociales, qu’il s’agisse de la Sécurité Sociale ou de Medicare.
La Maison-Blanche fera le pari que cette confrontation jouera contre l’opposition, ce qui sera le cas, et un accord sera trouvé entre la majorité républicaine affaiblie et une Maison-Blanche et des démocrates qui auront consenti des réductions budgétaires minimes (en réalité, une réduction des augmentations prévues, pas de vraies coupes budgétaires) qui, si elles ont bien lieu, ne changeront pas grand-chose à la situation globale.
Pendant ce temps, la dette américaine continuera à se creuser jusqu’à en devenir insoutenable, à l’image de ce qui se passe dans les républiques bananières.
Nous avons déjà vécu cela. Tout porte à croire que la passe d’armes actuelle entre la majorité républicaine à la Chambre des représentants et la Maison-Blanche aux mains des démocrates sur le plafond de la dette accouchera du même scénario. »
Un affrontement de façade
Il est évident que le scénario se déroulera de la même manière. Le spectre du plafond de la dette a été agité à 78 fois au cours des 63 dernières années pour bloquer des dépenses publiques. Et, à chaque fois, les politicards l’ont rehaussé. S’il est une chose sur laquelle les républicains et les démocrates s’accordent, c’est la suivante : rien ne doit interférer avec la machine à sous. Et le rôle véritable des membres des deux partis est le même : s’assurer que cette machine est bien huilée, qu’elle prenne l’argent du peuple (via l’impôt, l’emprunt ou l’inflation) pour le distribuer aux groupes en odeur de sainteté auprès des élites.
Pendant que les politiciens s’apprêtent à se livrer à un affrontement de façade sur le budget, la Fed n’est pas en reste et y va également de son spectacle. Elle prétend maintenir le cap, déterminée à lutter contre l’inflation jusqu’à ce que l’inflation abdique. La limite a été fixée à 2%. Pas plus. Pas moins. (Qui sait d’où vient ce chiffre ?) Et la Fed continuera à relever les taux d’intérêt, peut-être petit à petit, jusqu’à ce que l’inflation reflue, courbe l’échine et remette son épée au Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale.
C’est, du moins, le scénario officiel. Jerome Powel & Co sont censés poursuivre le combat jusqu’à ce que le président de la Fed puisse déclarer « mission accomplie ».
Mais là aussi, c’est une mascarade. Le résultat est couru d’avance. La Fed de Jerome Powell (tout comme la Chambre des représentants présidée par McCarthy) ploiera le genou dès qu’elle sera confrontée à un ennemi digne de ce nom. La Fed est censée résister, comme les 300 soldats de l’armée spartiate.
Mais que ce soit en 1988, en 2000, en 2007 ou 2020, à chaque fois que la Fed a affronté un ennemi digne de ce nom, qu’il s’agisse d’un krach boursier, d’une récession ou même d’un virus, elle a abaissé fortement les taux, déposé les armes, fui le champ de bataille, revendiquant à la fois la victoire et la supériorité morale.
Le déshonneur, une fois de plus
A la fin des années 1990, Alan Greenspan, Robert Rubin et Larry Summers faisaient la une du magazine Time et étaient alors présentés comme le Comité qui sauverait le monde. Qu’ont-ils fait pour mériter tous ces honneurs ? Ils ont facilité l’accès au crédit (et à la dette) aux emprunteurs non solvables.
Puis, après la crise des subprimes qui a provoqué un krach à Wall Street, Ben Bernanke a fait la même chose. Il a mis fin à la correction boursière en assouplissant les conditions d’accès au crédit. Il a ensuite eu l’audace de déclarer qu’il n’avait pas cédé à la panique. Il a déclaré qu’il avait eu le « courage d’agir ».
Plus récemment, la Fed aurait pu aller au front en 2020 et obliger le gouvernement américain à mettre un terme à ses dépenses excessives. Les politiciens ont distribué des milliers de milliards de dollars sous forme d’aides financières, de prêts aux entreprises et d’autres subventions en tout genre. Où se sont-ils procurés cet argent ? Auprès de la Fed. Au lieu de tenir bon, la Fed s’est une fois de plus couverte de déshonneur. Elle a honteusement changé de cap et s’est réfugiée dans le maquis, là où même les lapins ne pouvaient pas s’aventurer, pour imprimer 4 500 Mds$, un montant sans précédent.
Est-ce que l’un des deux spectacles qui s’offrent actuellement à nos yeux prendra une autre tournure ? Confrontés à une pression réelle, le Congrès et la Fed feront ce pour quoi ils sont payés : ils continueront à faire tourner la machine à sous et les élites les y encourageront
PS : Le véritable spectacle est celui que personne ne veut voir. C’est la confrontation entre les élites et le peuple. Et ce spectacle se terminera en catastrophe.