La Chronique Agora

Tous les PIIGS ne sont pas créés égaux : un comparatif du Portugal et de l’Irlande (1/2)

Le Portugal et l’Irlande illustrent deux aspects spécifiques de la crise de la Zone euro. A l’heure où l’Europe est fragilisée, retour sur ces deux pays – et leurs circonstances particulières.

La crise de la Zone euro a été mise en lumière par cinq pays : le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce et l’Espagne. Ces nations périphériques ont été jugées coupables de la crise de la Zone euro en raison de leurs dépenses excessives. Plus spécifiquement, il leur était reproché d’avoir maintenu des déficits excessifs, combiné à un niveau de dette trop élevé. Les médias les ont surnommés les « PIIGS » [homophone de « cochon » en anglais, NDT].

Cependant, mettre l’ensemble de ces pays dans le même panier a pour conséquence de masquer les véritables causes de la crise de la Zone euro. On peut distinguer un premier groupe de pays composé de l’Irlande et de l’Espagne. Ils n’avaient pas de problèmes majeurs en termes de rigueur de leurs politiques budgétaires, cependant le niveau d’endettement de ces pays a explosé à la suite des plans de sauvetage et de la crise financière.

Par ailleurs, on peut distinguer un second groupe qui se compose de l’Italie, du Portugal et de la Grèce. Ces pays ont poursuivi d’importants programmes de dépenses publiques depuis les années 1960. On pouvait donc difficilement s’attendre à ce qu’ils changent soudainement de politique en raison des règles budgétaires imposées par l’Union européenne, d’autant plus que l’opinion publique dans ces pays était plutôt défavorable au marché libre.

Mettre ces cinq pays dans le même panier conduit à occulter la véritable question – qui est de savoir quels pays ont réellement mené des politiques budgétaires irresponsables.

Classement en fonction de l’indice des libertés économiques :
Index of economic freedom ranking

Le Portugal

Le Portugal a souffert d’un Etat-providence trop coûteux, couplé à une politique économique essentiellement basée sur l’intervention de l’Etat. En 1962, une réforme de la protection sociale a été entreprise, donnant naissance à un système d’assurance sociale unifié. Cette réforme a entraîné un accroissement des dépenses sociales, qui ont atteint 4% du PIB en 1969.

Cette augmentation était déjà perçue à l’époque comme significative ; cependant, elle s’est encore accélérée de 1969 à 1974. L’augmentation constatée au cours de cette période de cinq ans était principalement liée à l’extension de la couverture sociale à des catégories d’individus qui n’en bénéficiaient pas préalablement, ainsi qu’à la création de nouvelles prestations sociales telles que les allocations familiales. Enfin, un système de pensions de retraite et venu se rajouter à tout cela.

En conséquence du fait que l’Etat a pris sous son aile toutes ces personnes, entre 1971 et 1974, les dépenses sociales ont augmenté de plus de 36% par an. Les pensions de retraite représentent 64% de cette augmentation.

Malgré cette nouvelle tendance et l’expansion globale de l’Etat-providence, avant la révolution de 1974, les dépenses sociales n’ont jamais dépassé 6% du PIB au Portugal.

Les choses ont commencé à changer après la chute du régime d’Estado Novo. Les dépenses sociales ont dépassé la barre des 10% du PIB au cours des années 80, et elles ont atteint près de 15% en 1995. Après le nouveau millénaire, elles ont finalement dépassé la barre des 20%.

Le fait que les dépenses sociales ont augmenté après la révolution ne signifie pas que la période qui l’a précédé était meilleure. António de Oliveira Salazar était un dictateur fasciste qui a dirigé le Portugal pendant plusieurs décennies sous un régime autoritaire.

Le régime Estado Novo, dirigé par Salazar, reposait sur un système économique corporatiste dont l’objectif était de remplacer la concurrence entre individus par la coopération des grands groupes sociaux qui participent au processus de production. Au moment de la chute du régime en 1974, les révolutionnaires ont été confrontés au problème de l’existence d’une myriade de sociétés supervisées par l’Etat et dirigées par des amis proches de l’ancien dictateur et les élites du monde des affaires.

Cependant, au lieu d’ouvrir l’économie et de permettre aux entreprises étrangères d’entrer sur le marché portugais pour s’attaquer aux industries inefficaces, les révolutionnaires ont nationalisé les entreprises des principaux secteurs industriels stratégiques.

De plus, le préambule de la nouvelle constitution de 1976 affirmait la nécessité d’ouvrir la voie à une société socialiste. Des lois ont été adoptées pour rendre particulièrement difficile le licenciement d’employés à temps plein, de nouveaux « droits » au travail, au logement, à l’éduction, la culture, à la santé et à une multitude d’autres services ont été créés.

Ces nouveaux « droits » se sont généralement traduits par un alourdissement des dépenses publiques et des impôts. Avant la révolution, 20% du PIB du Portugal était consacré à des dépenses relatives aux fonctions régaliennes, telles que le budget militaire et le système judiciaire, cependant les dépenses publiques ont augmenté pour atteindre 46% du PIB suite à la révolution. De plus, le Portugal a enregistré un déficit budgétaire chaque année depuis la révolution de 1974.

Ces politiques non-concurrentielles ont eu un impact défavorable sur l’économie portugaise. Alors que le PIB par habitant représentait 66% de la moyenne européenne dans les années qui ont suivi la révolution de 1974, ce chiffre est tombé à 60% en 2000. Des changements ont été apportés à la constitution au cours des années 1980 afin de permettre des privatisations.

De plus, l’accession du pays à l’Union européenne a également apporté des changements bienvenus. Cependant, l’économie portugaise était fondamentalement dysfonctionnelle étant donné qu’il s’agissait d’un gigantesque Etat-providence bâti sur les fondations fragiles d’industries bénéficiant du soutien de l’Etat.

Nous verrons le cas de l’Irlande dès demain…


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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