La Chronique Agora

Tous aux barricades !

▪ Aujourd’hui, nous continuons à explorer notre nouvelle idée. Nos lecteurs attentifs, une fois de plus, auront compris que ce n’est pas une idée entièrement nouvelle. Les Grecs de l’Antiquité l’avaient également abordée. Les idées vraiment nouvelles sont extrêmement rares.

Dans notre version moderne, elles pourraient être appelées Théorie Générale de la Décadence… ou Cycles de Croissance et de Déclin, ou bien, plus fantaisiste, Théorie Unifiée des Zombies.

La vie coule. Le progrès matériel s’accumule. L’histoire de la vie humaine sur terre s’allonge, et devient plus intéressante. Nous n’en voyons pas la fin. Mais chaque partie qui la compose finit par s’achever un jour. Chaque vie, chaque économie, chaque entreprise, chaque société et chaque civilisation continue de s’affaiblir, de rouiller et de s’auto-exterminer. Le passé doit devenir l’Histoire pour que l’avenir puisse devenir le présent.

Il faut beaucoup de baisses pour que s’accomplisse un progrès à la hausse. Ensuite, le progrès — s’il y en a en dehors de la vraie science ou de la technologie — est généralement à peine positif… et douloureusement cyclique. Une génération apprend. La suivante oublie. Nous y reviendrons dans une seconde…

Mais intéressons-nous à un meurtre pendant juste une minute.

Un homme perd la tête et ouvre le feu sur la foule en Arizona. Tout le pays doit "guérir", déclare le président. Les médias regorgent d’articles sur le sujet. Sarah Palin est-elles responsable ? Est-ce la faute d’une rhétorique politique trop violente ? Des lois sur les armes à feu ? Et pourquoi les gens sont-ils si en colère les uns contre les autres ?

Détendez-vous… notre théorie a l’explication. Lorsque les gens créent de la richesse, ils ont peu de raisons de s’en vouloir mutuellement. Evidemment, de temps en temps, quelqu’un assassine un membre du Congrès, mais c’est généralement personnel. Et le politicien le méritait sans doute.

Ce n’est pas le cas durant la phase dégénérée. Lorsque les gens essaient de vivre aux dépens les uns des autres, cela fait naturellement naître des rivalités et du ressentiment. Les plus pauvres veulent des aides et des allocations-chômage. Les plus riches veulent des réductions d’impôts et des contrats gouvernementaux. Les autorités essaient de tout donner à tout le monde — et surtout à leurs amis. Ensuite, elles font faillite et tout le monde s’énerve.

▪ Regardez par exemple les nouveaux scanners corporels mis en place dans les aéroports américains. Ils ne font probablement pas grand’chose de plus, pour la sécurité des Etats-Unis, que les troupes en Afghanistan. Mais, comme la guerre, ils rendent certaines personnes riches.

Les autorités politiques — dont de nombreux ex-membres du Congrès — ont fait lourdement pression pour qu’on adopte ces machines en dépit des nombreuses preuves de leur inefficacité… puis ils sont allés travailler pour le fabricant.

Ce genre de corruption molle est si répandue que les médias la trouvent à peine digne d’intérêt. Mais grâce à des centaines d’initiatives de ce genre, beaucoup de gens sont beaucoup plus riches qu’ils l’étaient il y a quelques années.

Evidemment, avec tant d’os juteux sur le sol, pas étonnant que les chiens se battent.

Et naturellement, les chiens initiés font bientôt l’envie des "extérieurs". Les brasseurs d’argent intelligents, avec un bon carnet d’adresses… peuvent agir rapidement et tirer parti des opportunités qui se présentent. Ceux qui n’en font pas partie — les classes basses et moyennes, les contribuables, les trimeurs et les pigeons — ont les restes… s’il y en a.

▪ Les débats font rage sur le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres. Certains économistes pensent que ce fossé lui-même crée les crises financières. D’autres pensent que c’est simplement "injuste", et que ce doit être réglé par le gouvernement. Ils pensent souvent que c’est la conséquence d’un manque d’intervention politique. Les autorités n’auraient pas dû réduire les impôts pour les riches, disent-ils. Ou bien les autorités auraient dû règlementer plus efficacement le monde de la finance.

Quasiment aucun économiste n’a pu identifier la véritable cause de cette disparité de richesse. Mais elle est évidente. Elle est expliquée par notre théorie…

Pour autant que nous en sachions, c’est la première fois qu’elle a été expliquée. Alors soyez attentif : à mesure qu’une société produisant de la richesse dégénère en une société qui redistribue de la richesse, puis enfin une société qui détruit de la richesse, la différence entre les initiés et les autres devient plus prononcée.

Un homme qui a les bons contacts en haut lieu peut obtenir un contrat juteux. Il a un avantage énorme sur le pékin moyen. Il peut faire jouer son statut d’initié pour s’approprier de véritables aubaines.

Sur une échelle plus large, examinons le travail de la Réserve fédérale. Cette banque d’initiés est censée travailler pour le bien de tous. Elle n’existait même pas durant une bonne partie de la période la plus productive et riche de l’histoire des Etats-Unis. Mais voilà qu’elle bidouille la devise et les taux d’intérêt américains. Pour le bénéfice de qui ?

A nouveau, c’est évident… Elle prête aux banques initiées à un taux inférieur à l’inflation des prix à la consommation. Elle l’a fait par intermittence pendant des décennies, et avec constance depuis près de 10 ans. Même avec de l’argent gratuit qui afflue, les banquiers ont quand même réussi à perdre de l’argent, se verser des fortunes et faire faillite à l’occasion. Et dans ces cas-là, la Fed intervient pour les renflouer.

Plutôt confortable, non ?

▪ Il y a une autre conséquence moins évidente : les politiques d’argent facile de la Fed encouragent la spéculation sur le prix des actifs. Aujourd’hui, la Fed donne de l’argent aux banquiers. Les banquiers mettent l’argent à l’oeuvre là où ils pensent pouvoir faire des profits rapides — c’est-à-dire non pas dans de nouveaux projets difficiles et risqués, mais en pariant contre la Fed elle-même. Ils achètent des matières premières. Des marchés émergents. Et de la dette aussi.

Cette spéculation ne fournit aucun emploi aux travailleurs. En fait, elle leur nuit. Elle fait grimper le coût de l’alimentation et de l’énergie.

"Le monde se rapproche d’une crise alimentaire", titre un journal.

"L’Inde pourrait interdire les exportations de blé", en dit un autre.

Le maïs est à un sommet de 30 mois. Le pétrole brent a atteint les 98 $ cette semaine. Et le malheureux travailleur est coincé. Son revenu baisse. Ses coûts grimpent.

Pendant ce temps, les quelques personnes très très riches deviennent plus riches. Leurs portefeuilles sont bourrés de profits financiers… et leurs entreprises profitent de coûts de main-d’oeuvre relativement bas.

Ce genre de situation, laissé tel quel, peut provoquer des révolutions. En Allemagne, l’hyperinflation des années 20 a engendré à des émeutes… et a favorisé l’ascension d’Adolf Hitler. En France, la famine de la fin du 18ème siècle a mené à la guillotine.

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