La Chronique Agora

Touchons du bois

métavers Cathie Wood

Faut-il plutôt investir dans les grandes promesses du métavers, ou dans les changements réguliers du monde réel ? Pour la spécialiste des nouvelles technologies Cathie Wood, le choix est vite fait.

Cathie Wood, reine du milieu des technologies, est réapparue dans la presse, récemment, prouvant un peu plus qu’elle avait perdu la tête.

Sur Bloomberg :

« Cathie Wood, fondatrice et PDG d’Ark Investment Management, a déclaré que les actions innovantes se situaient en ‘territoire de deep value’ [NDLR : extrêmement décotées par rapport à leurs fondamentaux], dans un contexte où les baisses ont persisté à la séance de marché de vendredi, et l’indice S&P 500 a chuté de 1%.

‘Après avoir corrigé pendant près de 11 mois, les actions innovantes semblent être entrées en territoire de deep value’, a-t-elle écrit sur un blog destiné, selon elle, à partager le processus de réflexion d’ARK. ‘Nous profitons de la volatilité pendant les corrections et concentrons nos portefeuilles sur les actions qui nous ont le plus convaincus.’ »

Mais où est-elle, cette « valeur profonde » ? Dans des entreprises technologiques qui n’enregistrent aucun résultat et, très probablement, n’ont aucun avenir ? Ou bien dans des choses qui n’ont rien à voir du tout avec les technologies ?

Malgré l’invention du métier à tisser mécanique, des moteurs à combustion interne, de la comptabilité en partie double, du hip hop et du métavers, la vie réelle continue. Les gens réels espèrent… souffrent… se ridiculisent… et meurent.

Des cloches bien réelles saluent l’année qui s’achève et acclament la suivante. Des amis bien réels se serrent la main… ôtent leurs masques et se font la bise.

Nous rêvons d’un hiver enneigé, également. Evidemment, nous pourrions peut-être découvrir un pays enneigé, dans le métavers, mais plus le monde imaginaire fonce tête baissée, plus nous nous languissons des changements réguliers du monde réel.

Une mer agitée en perspective

A la fin de l’année dernière, après avoir réalisé de nouveaux tests, nous sommes arrivé en France. Nous avions espéré prendre le ferry, mais les bateaux reliant l’Irlande à la France étaient complets.

« Brexit », nous a-t-on expliqué en un mot, chez Irish Ferries.

Mais ce n’était pas le bon moment, pour faire une traversée, de toute façon. La mer pouvait être agitée. Alors nous avons pris l’avion de Dublin à Paris, puis fait la route en voiture jusqu’à notre maison.

L’un de nos fils était déjà là, et avait préparé un bon feu de cheminée dans la cuisine. Un autre fils et sa famille sont arrivés le jour suivant. D’autres membres de la famille ont suivi peu après.

Le premier matin, il faisait un froid glacial et tout était blanc, le sommet des arbres étincelant de givre. Dans la journée, la température a augmenté et nous avons savouré la douce mélancolie figée de l’hiver.

(Coucher de soleil sur le Poitou, France)

Et nous nous sommes remis au travail, depuis notre avant-poste de la « France profonde ».

« Avez-vous vu le loup ? », avons-nous demandé à un voisin.

« Oui, tout le monde l’a vu, à présent. Et c’est la saison où les jeunes mâles quittent leurs meutes et s’en vont de leur côté. Alors on en voit de plus en plus…

… Et il parait qu’une meute s’installe dans la région. Il va falloir apprendre à vivre avec eux à nouveau, comme autrefois.

Les loups arrivent… et les gens partent. C’est ce qui se passe, ici. Les jeunes vont dans les villes… et les vieux meurent. »

En France, en Espagne, et en Italie, les petites villes et la campagne, se vident. Les taux de natalité ont chuté.  Les maisons sont vides. L’immigration empêche la population de baisser, mais les immigrés vont dans les villes. Et les jeunes vont dans le métavers.

« Tout notre mode de vie fiche le camp » a-t-il poursuivi. « Les jeunes gens passent tout leur temps sur leur page Facebook ou leur iPhone. Ils ne savent pas comment faire un feu ni, à plus forte raison, des saucisses. »

« L’œuvre de Dieu »

Le changement est permanent. Et pas toujours tel qu’on l’aurait espéré. Les nouvelles technologies règlent certains problèmes et en créent d’autres. Avec la fission nucléaire, on obtient l’énergie nucléaire… et Nagasaki. Avec le développement d’internet, on a eu les réunions sur Zoom… et Facebook.

Certaines personnes ont même célébré la fin de l’année dans le métavers. Elles ont dû prendre congé de leurs familles, filer dans une mansarde ou au sous-sol, et pénétrer dans l’ersatz de vie qui les y attendait.

Cathie Wood croit que les « innovations » technologiques sont « l’œuvre de Dieu ».  Et c’est de là que viendra notre délivrance, soutient-elle. Ou, au minimum, vous deviendrez riche si vous optez pour les bonnes innovations.

Et en ce qui concerne le Bitcoin – probablement la nouvelle technologie la plus « disruptive » et « innovante » de toutes, au XXIe siècle – Mme Wood affirme qu’il va atteindre un cours de 560 000 $ et offrir un gain potentiel de 1 000% aux investisseurs (et même plus, maintenant qu’il est un peu retombé).

Elle prédit également – après une très longue introspection – que son ETF devrait rapporter 40% par an au cours des cinq prochaines années, soit un rendement total de 437% d’ici 2026.

Peut-être que Mme Wood devrait avoir cherché ailleurs qu’en son for intérieur, cependant. Les actions de son ETF relèvent-elles vraiment de la « deep value », aux cours actuels ? Nous nous sommes mis en quête de ratios P/E (cours/bénéfices). Hélas, on tombe sur « N/A » (« not available » : pas disponible).

En effet, même si ces entreprises affichent une multitude de « P » (cours), il n’y a aucun « E » (bénéfices) auquel les comparer. Habituellement, la notion de « value » fait référence à ce que vous obtenez en contrepartie du prix que vous payez. Or, dans ARK, vous n’obtenez pas grand-chose.

Et quelle sorte d’imposture se cache derrière les 560 000 $ qu’elle cible pour le Bitcoin ? Le monde n’a jamais rien vu de tel : à quoi peut-elle bien se référer ? A rien, très probablement.

Et c’est pareil pour les 40% par an. Pas impossible… Mais quelles sont les probabilités que Mme Wood ait mis la main sur les quelques nouvelles technologies qui, non seulement survivront cinq ans à des technologies encore plus nouvelles, mais permettront également l’éclosion d’entreprises rentables et réelles ?

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