La Chronique Agora

Tokyo en forme olympique, Wall Street en forme de fusée, Europe en forme de méduse échouée

▪ Il fallait bien que les places européennes fonctionnent lundi. Les cotations ont donc repris à 9h mais la séance n’a jamais vraiment démarré. Paris a terminé quasi-stable (-0,2%), dans des volumes de deux milliards d’euros. C’est à se demander quand la véritable rentrée aura lieu — parce que franchement, nous ne voyons pas bien en quoi l’activité de ce 9 septembre différait du 9 août dernier.

Huit heures et demi plus tard, les marchés ont fermé leurs portes… mais les opérateurs avaient déjà pris congé depuis l’heure du déjeuner. Personne n’a tenté de profiter de la hausse inattendue des indices américains, deux fois supérieures aux anticipations dès le premier quart d’heure, plus de trois fois à la mi-séance et près de quatre fois à la clôture.

Nous n’allons pas vous faire perdre votre temps en cherchant à tirer des enseignements d’une journée insignifiante en Zone euro. C’est le Japon qui faisait l’actualité avec l’annonce ce week-end de l’attribution à Tokyo des Jeux olympiques pour l’édition 2020… et l’annonce dans la foulée d’un rehaussement des objectifs de croissance 2013 par le gouvernement nippon.

▪ Le Japon en pleine forme… si si
Le Japon devrait ainsi bénéficier d’une des plus spectaculaires hausses de PIB de la planète avec un objectif revu à 3,8% contre 2,6% initialement. Cela fait pratiquement +50% par rapport à la précédente estimation : le Japon n’aurait jamais vu ça depuis 25 ans !

Mais M. Shinzo Abe, constatant une hausse de 0,9% du PIB au deuxième trimestre (après retraitement des données) qui marque une nette accélération par rapport au premier trimestre, projette cette courbe exponentielle sur le second semestre 2013. Allez, d’ici fin 2014, le Japon aura rattrapé, voire pourquoi pas dépassé, la Chine !

M. Abe affiche une confiance aveugle dans l’efficacité de sa politique d’injection monétaire (dont la Banque du Japon est la cheville ouvrière) ; il occulte totalement l’explosion du taux d’endettement qui en résulte.

La question reste de savoir dans quelles proportions la demande intérieure va contribuer à la hausse du PIB. En effet, les ménages sont pris en ciseau entre la hausse de certains impôts et l’envolée du prix des carburants ainsi que des matières premières importées en général.

La réponse fuse comme coulant de source : avec la reprise actuelle et le plein emploi qui en découle, les salaires vont se caler sur la courbe de la croissance.

Le problème, c’est qu’il va falloir également revaloriser les pensions de retraite au même rythme que l’inflation… Et là, personne ne sait comment le Japon va réussir à financer un tel effort de solidarité, d’autant plus considérable que la population active décroît inexorablement tandis que celle des seniors va continuer d’augmenter à un rythme soutenu jusqu’en 2030.

Les marchés obligataires nippons applaudissent cependant les nouveaux objectifs gouvernementaux, évacuant au passage la question du dérapage des prix et des déficits jumeaux. Le 10 ans se détendait lundi à 0,74% contre 0,79% vendredi… cela témoigne d’un optimisme qui transcende la théorie économique classique.

▪ Et la France ? Et le reste du monde ?
Plus proche de nous, la Banque de France a relevé ses prévisions de croissance de 0,1% à 0,2% au troisième trimestre 2013. Cela sachant que la hausse surprise du deuxième trimestre s’explique essentiellement par la hausse de consommation de fuel, de gaz et d’électricité du fait de conditions météorologiques calamiteuses.

Il n’est question d’une embellie ni dans l’industrie (Denis Kessler, le patron de la Scor qui réassure les entreprises, n’en détecte pas), ni au niveau de la consommation. Edouard Leclerc constate qu’elle stagne ; il espère juste qu’elle ne se contractera pas… d’ici la hausse de la TVA programmée pour début 2014.

Wall Street a par contre entamé la semaine tambour battant, dopé par la hausse des exportations chinoises (+8% au mois d’août). Si elles augmentent, c’est que les pays développés ont accéléré leurs commandes, puisque les émergents ralentissent symétriquement la cadence.

Conclusion : la reprise est bien là, même si on ne la voit pas.

Le creusement du déficit commercial américain en juillet corrobore ce scénario. Les Etats-Unis ont davantage importé (qu’ils n’ont exporté, mais oublions ce détail)… donc le PIB va probablement tendre vers les 3%, comme l’anticipent les marchés obligataires.

Ce serait bien le diable si la hausse d’un tiers du coût des emprunts hypothécaires affectait la reprise du marché immobilier, et le comble de la malchance si cela provoquait une hausse du taux de défaut sur les emprunts étudiants.

Enfin, il faudrait vraiment être le dernier des pessimistes pour penser qu’une hausse de 30% des rendements sur les maturités de 10 à 30 ans portera le coup de grâce à des milliers de collectivités locales déjà au bord de la faillite, la banqueroute de Detroit étant appelée à demeurer un cas isolé.

▪ Des couleuvres à avaler
Non, les véritables moteurs de la tendance boursière sont les dernières nouveautés attendues chez Apple… Ou encore le regain de confiance dans le modèle économique incarné par Facebook : à 44,79 $ — nouveau record absolu — et 100 fois les profits, c’est donné. Et puis la Grande rotation en faveur des actions est en marche !

De nombreux spécialistes des marchés de taux affirment que même si la Fed ne réduit son QE3 que de l’épaisseur d’une liasse de 100 $, les T-Bonds vont continuer de chuter. Cela tout simplement parce que le 6 mai dernier, les taux longs ont atteint un plancher historique incompressible et que le balancier est reparti à la hausse pour les 10 prochains mois et probablement les 10 prochaines années.

Donc, les 1% engrangés par le Dow Jones et le S&P 500 lundi soir ne sont rien en regard des 20% de hausse anticipés sous 12 à 18 mois par Morgan Stanley et autres confrères tout aussi clairvoyants.

Des taux qui se tendent, des chiffres d’affaire en baisse, des marges qui se contractent, des villes et mêmes des états qui font faillite, c’est l’assurance de voir Wall Street flamber… puisqu’il n’existe nulle part ailleurs où placer les excédents d’argent qui fuient l’obligataire !

Comment ça, cet argent n’existe pas, il sort du néant et finira par y retourner ? Mais enfin, lorsque Wall Street se met à manipuler de la fausse monnaie, elle devient vraie !

Enfin, c’est ce que les braves gens sont censés penser… Vous êtes trop bizarres, à La Chronique Agora… On comprend bien pourquoi personne ne vous sollicite pour intégrer les effectifs de la Fed, comme le déplore Bill Bonner.

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